Professeure de communications à l’Université du Kansas pendant 15 ans et actuellement chercheure principale pour Microsoft Research, Nancy Baym a publié des recherches et commenté in extenso les communications sociales, les nouveaux médias et le phénomène du « fandom ».

Lorsqu’il est question de l’utilisation des médias sociaux par les artistes du domaine de la musique, Mme Baym favorise une approche globale plutôt que des conseils pratiques du genre « Top 10 » ou une approche axée sur une plateforme en particulier. Tout est une question pratique : « J’aimerais que 2016 soit l’année où les gens retrouvent un peu de gros bon sens en ce qui a trait à ce que les médias sociaux peuvent et ne peuvent pas faire pour eux, qu’ils comprennent que c’est un outil pour bâtir des relations, pas un mode de diffusion », dit-elle.

La majorité des documents de recherche offerts sur son site www.nancybaym.com sont des recherches scientifiques très détaillées. Mais lorsque vient le temps d’offrir ses conseils aux artistes désireux de mettre de l’avant et de capitaliser sur leur présence dans les réseaux sociaux pour l’année qui vient, Baym n’y va pas par quatre chemins : « Écrivez de bonnes chansons. Je suis consciente que cela peut avoir l’air sarcastique, mais j’observe le monde de la musique sur les réseaux sociaux depuis des années. Je ne suis vraiment pas convaincue que c’est une bonne idée pour un auteur-compositeur de perdre son temps à se bâtir un auditoire sur les réseaux sociaux, car cela ne signifie pas qu’ils bâtissent un auditoire pour leurs chansons, pas à moins d’être pleinement conscients de qui sont leurs interlocuteurs. »

« Les médias sociaux, c’est des outils pour bâtir des relations, pas un mode de diffusion »

Ainsi, selon que vous créez de la musique dans l’optique où d’autres artistes enregistreront votre matériel ou que vous préférez enregistrer vous même vos créations, vous ne vous adresserez pas aux mêmes personnes. « Ces deux auditoires sont différents », explique Nancy Baym. « Ces artistes peuvent écrire des chansons qui ont de nombreux fans mais n’avoir eux-mêmes aucun fan en tant qu’artistes, car les auditeurs ne réalisent peut-être pas que ce sont eux qui ont créé les chansons qu’ils aiment tant. »

Pour les artistes en émergence qui ne chantent pas nécessairement peur propre matériel, « je m’assurerais d’abord que mon identité et ma présence sont constantes et uniformes sur toutes les plateformes et je ferais un survol des autres artistes et musiciens qui pourraient être intéressés à enregistrer mes créations », poursuit Mme Baym. « Observer et suivre ce que les autres font est un aspect trop souvent négligé de la relation avec son auditoire. »

Par ailleurs, au lieu de trop vous soucier de ce que vous publiez, où et quand, Nancy Baym suggère plutôt de vous soucier de vous assurer que les gens s’intéressent vraiment à vous et à votre musique. « Personne ne peut forcer quelqu’un d’autre à être attentif à quoi que ce soit, désormais », laisse-t-elle tomber. « Le concept de demander l’attention des gens est un vestige des anciens moyens de diffusion. »

Conséquemment, vous devez démontrer que vous avez quelque chose à contribuer à la conversation entre les membres de votre auditoire cible. Demandez-vous avec qui vous avez envie de parler et d’engager un dialogue, sur quelle plateforme ces personnes sont actives et ce qu’elles y font. Il est crucial d’identifier dès le départ qui sont les gens que vous désirez joindre. Vous devez ensuite trouver où ils sont puis les écouter et entamer la conversation — sans oublier les conventions propres à leur communauté ­ et y contribuer de manière pertinente.

« C’est pour trouver des gens avec qui vous pourrez avoir une véritable connexion plutôt que d’essayer de simplement gonfler vos chiffres. »

« Imaginez que c’est comme vous rendre à une fête », dit Mme Baym. « Quelqu’un arrive à cette fête et tout ce qu’il fait, c’est de parler, parler, parler. Votre intérêt envers cette personne ne sera pas de très longue durée. Nous sommes naturellement plus attirés vers des personnes qui s’intéressent à nous. Il est important, idéalement, et tout particulièrement pour les gens qui ne sont pas déjà à l’avant-scène, d’approcher les réseaux sociaux comme un outil pour écouter, apprendre et trouver des gens avec qui vous pourrez avoir une véritable connexion plutôt que d’essayer de simplement gonfler vos chiffres. »

Les chiffres sont importants, mais ils ne veulent rien dire s’ils ne se traduisent pas par une licence ou un enregistrement de votre chanson et si vos efforts sur les réseaux sociaux ne se traduisent pas par un soutien durable à votre carrière.

Peu importe que vous soyez uniquement concentré sur la création musicale ou que vous soyez un artiste multidisciplinaire, Nancy Baym recommande toujours d’avoir son propre nom de domaine et un site Web actif à cette adresse.

« Nous sommes de plus en plus visuels », ajoute-t-elle. Toutefois, chacun de nous engage la conversation de sa propre façon. « Et d’ici à ce que nous trouvions des preuves concluantes que les gens qui sont actifs de façon A, B ou C ont plus de succès que ceux qui sont actifs de façon D, E ou F, je ne suis pas à l’aise de faire des déclarations du genre “voici la bonne façon de faire les choses” ou “utilisez cette application ou mettez tel genre de contenu en ligne”. Si vous détestez prendre des photos, mais que vous avez l’impression que vous devez le faire vous aussi, quelles sont les chances que vous preniez des photos qui attirent l’attention des gens?? »

« Les meilleurs résultats provenant des réseaux sociaux sont issus du fait que vous y passez du temps et que vous trouvez les outils qui vous conviennent le mieux », croit Mme Baym. Elle suggère de commencer par répondre aux gens, leur poser des questions et comprendre quand c’est le bon moment de contribuer à la conversation.

Une fois de plus, l’analogie avec un party est à propos. « Imaginez six personnes se trouvent devant vous, formant un cercle et en train d’avoir une conversation », poursuit-elle. « Vous avez envie de prendre part à cette conversation, alors vous vous tenez tout juste en retrait ou vous intégrez le cercle, et vous opinez de temps à autre. Puis, lorsque le moment viendra, vous saurez que vous pouvez vous joindre à la conversation. Maintenant, imaginez que vous voyez ces mêmes six personnes en train de discuter et que vous les interrompiez en disant “Salut, je travaille sur une nouvelle chanson”, on pourrait les comprendre de ne pas avoir envie de vous parler, puisque vous venez de les interrompre, et peut-être même de manière totalement hors-sujet. »

Peu importe votre domaine, les outils que vous utilisez, votre genre musical de prédilection, conclut Nancy Baym, « vous devez décider dans quelles conversations vous désirez être inclus. » Et trouver la façon polie et en lien avec leur conversation de le faire afin que les gens s’intéressent à vous.



Kevin Young

Kevin Young (Photo: Caroline Legault-Forest)

Tout au long de mes plus de 20 années d’expérience en tant que musicien professionnel, les séances de création musicale auxquelles j’ai participé — principalement avec mon groupe, Moist — ont été tantôt exaltantes, tantôt enrageantes. Mon intuition me dit que tous les auteurs et compositeurs — qu’ils travaillent seuls ou en groupe — ont vécu le même éventail d’émotions.

Un des projets les plus intéressants auxquels il m’a récemment été donné de participer était dans le rôle d’animateur pour un atelier de création musicale en entreprise présenté conjointement par Rock The Stars (RTS) et SongDivision. Ces dans ce cadre que j’ai pu découvrir que de créer en compagnie de gens qui ont peu ou pas de formation musicale apporte son lot d’avantages qui, en toute honnêteté, m’ont à la fois surpris et inspiré.

Mais d’abord, un peu de contexte : Rock The Stars (RTS) est une entreprise canadienne établie à Toronto et San Francisco pour laquelle Jeff Pearce — son directeur général au Canada et le bassiste fondateur de Moist — a présenté environ 300 événements du genre dans des cadres toujours différents et pour des auditoires allant de 6 à 600 participants. Quant à SongDivision, il s’agit d’une entreprise multinationale ayant des bureaux aux États-Unis, au Brésil, à Singapour, en Australie et au Royaume-Uni. Elle présente des événements au Canada en collaboration avec Rock The Stars (RTS) pour des groupes de 10 à 10?000 personnes.

Créer en compagnie de gens qui ont peu ou pas de formation musicale apporte son lot d’avantages qui, en toute honnêteté, m’ont à la fois surpris et inspiré.

RTS propose plusieurs programmes au cours desquels les participants écrivent des paroles, jouent d’un instrument et présentent les chansons qu’ils ont créées. « Notre programme le plus populaire est celui dans lequel les participants forment un groupe et composent plusieurs chansons », explique Pearce, ajoutant également que SongDivision a plutôt une approche où tous les participants collaborent à la création d’une seule pièce.

De l’avis de Jeff Pearce, tout autant que de celui du directeur musical de SongDivision à Nashville, James « Roto » Rotundi, convaincre un auditoire de participants à l’expérience musicale limitée ou inexistante de créer et interpréter une chanson requiert une bonne dose de tact. « Nous commençons par les rassurer en leur disant que la musique est un processus collaboratif », explique Rotundi. « On ne demande à personne de chanter ou jouer en solo. » Les deux entreprises utilisent une série de petites étapes afin de faire tomber, une à une, les inhibitions des participants.

Jeff Pearce

Jeff Pearce

Au début, les gens sont nerveux, mais une fois qu’on leur explique le processus, même lorsqu’on a affaire à un auditoire particulièrement réservé, « leur appréhension se transforme en enthousiasme et en travail d’équipe qui, à chaque fois, émerveille autant les clients que nous-mêmes », confie Rotundi.

« Nous leur enseignons les rudiments », ajoute Pearce. « Parfois, nous avons plusieurs guitaristes qui ne jouent qu’une seule des cordes de leur instrument, un claviériste qui ne joue qu’à un seul doigt, et un percussionniste qui joue un rythme digne d’une galère romaine, et en fin de compte, tous sonnent comme s’ils étaient un véritable groupe de musique. »

Pour être parfaitement honnête, la première fois que j’ai participé à une telle collaboration présentée par RTS/SongDivision, j’avais l’impression que créer une chanson en compagnie de 150 personnes afin qu’ils l’interprètent sur scène environ 90 minutes plus tard allait être quasi impossible. Mais lorsque j’ai vu les yeux des participants s’illuminer de cette manière à mesure qu’ils réalisaient qu’ils peuvent être créatifs musicalement et repousser leurs limites personnelles, ça m’a beaucoup inspiré. Malgré toute mon expérience de collaboration pour la création d’une chanson et la préparation à son interprétation sur scène, cet exercice m’a rappelé à quel point il est important de continuellement repousser nos limites personnelles afin de s’épanouir comme musicien, artiste de scène et comme auteur-compositeur.

 

Ces événements sont par ailleurs beaucoup plus interactifs qu’un concert typique. En contribuant à

la création et à l’exécution de leur chanson, les participants deviennent réellement membres d’un groupe. « C’est très gratifiant de constater le niveau d’énergie généré par ce genre d’échange créatif », explique encore Rotundi. « Ça m’a vraiment permis ce devenir un meilleur musicien, je suis plus attentif aux gens pour qui je joue. On ne répètera jamais assez à quel point créer une chanson c’est un processus qui exige qu’on se mette sérieusement au travail, pas qu’on attende un éclair de génie venu de nulle part. »

Rendu à l’âge adulte, que vous soyez un créateur de musique ou non, il y a de bonnes chances que votre sens de l’émerveillement en ait pris pour son rhume. Ce genre d’exercice me rappelle à quel point la musique est puissante et les raisons qui m’ont poussé à exercer ce métier.

Jeff Pearce aussi en retire quelque chose de similaire. « Lorsqu’on commence dans ce métier, on n’a pas encore appris les règles, ce qu’on peut ou ne peut pas faire en création musicale », dit-il. « Or, je crois que dans bien des cas, l’apprentissage de ces règles nuit aux créateurs. Les gens qui écrivent une chanson pour la première fois brisent ces règles sans le savoir. Et c’est là qu’à chaque fois je réalise que c’est justement ce genre de transgression qui peut rendre une chanson exceptionnelle. »

James Rotundi

James Rotundi

Créer de la musique avec des gens pour qui c’est quelque chose de totalement inhabituel — et n’oubliez pas ici que les chansons qu’ils créent le sont, par la force des choses, en suivant une formule préétablie et au sujet de leur entreprise, de leur culture organisationnelle ou de leur produit — pourrait de prime abord ne pas sembler très inspirant. La réaction de tous les musiciens que je connais qui ont participé à ce genre d’exercice est la même : ils en sont ressortis non seulement inspirés d’avoir pu aider quelqu’un à découvrir leur côté créatif, mais également avec un désir d’élargir leur propre créativité.
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Jeff Pearce est un des membres fondateurs, ancien bassiste et auteur-compositeur principal du groupe Moist. Il a également collaboré avec de nombreux artistes en tant que producteur et auteur-compositeur et a fondé Rock Star Live.

 James Rotundi est le leader du groupe nashvillois Roto’s Magic Act et le guitariste du quartet hard rock new-yorkais Hundred Hounds. Il a également collaboré avec le duo électro français Air, le projet Mr. Bungle de Mike Patton, The Grassy Knoll, ainsi qu’avec des membres de Pearl Jam, Santana, Faith No More, Jellyfish et le Saturday Night Live Band, pour ne nommer que ceux-là.

 



« Comment puis-je faire partie de la “game”?? »

Voilà sans doute la question que me posent le plus souvent les artistes que je croise et qui désirent se tailler une place dans ce paradis que nous nommons « l’Industrie de la Musique ».

Mais, au juste, c’est quoi cette « game »?? Cette « game », c’est comme une roulette au casino qui ne s’arrête jamais de tourner et autour de la table se trouvent des monstres d’égo et d’insécurité pleins d’argent et de pouvoir. Après une telle description, qui voudrait — volontairement — établir une relation avec ce genre de monde?? C’est simple : peu importe les motifs ultérieurs de gens qui contrôlent la « game », il y a une chance que ces gens puissent vous aider à réaliser votre rêve de faire connaître votre art au plus large public possible.

« La « game » va vous changer. »

Ça fait maintenant plusieurs années que je suis à cette table de roulette et ma bille s’est arrêtée sur différents numéros qui pourraient tous être le dernier. Certains étaient des rencontres imprévues avec certains des héros musicaux de mon enfance, d’autres furent des séances en studio et autres collaborations avec certains des plus merveilleux et talentueux artistes au monde. La « game » attire les gens les plus déterminés et si vous y jouez intelligemment, elle vous permettra, ainsi qu’à votre famille, de très bien vivre tout en vous donnant l’opportunité de sortir ces mots et ces mélodies de votre tête et de les placer dans le lecteur MP3 ou la liste de lecture en continu de quelqu’un.

Imaginez faire la rencontre d’une jeune Rihanna âgée de 15 ans et participer à son démo, à peine deux semaines avant qu’elle soit mise sous contrat par Jay-Z?! Imaginez rencontrer Jay-Z pour la première fois six mois plus tard et que celui-ci vous invite sur scène avec lui dans votre ville natale?! Imaginez faire la rencontre de LL Cool J dans une salle privée chez Phillipe en présence de Raekwon et qu’en plus, LL vous explique le profond respect qu’il a pour les artistes hip-hop canadiens. Imaginez partir en tournée en Australie en compagnie de Pitbull, Sean Paul, Kelly Rowland, Akon et… wow. Cette « game » peut être la chose la plus magnifique au monde. C’est un peu comme vous retrouver au beau milieu d’un film où vous partagez l’affiche avec certains des meilleurs acteurs au monde, sauf que ces acteurs sont des musiciens.

Le conseil que je donnerais à quiconque veut faire partie de la « game » c’est de prendre bonne note de qui vous êtes avant d’y prendre part. Elle va vous changer, et quiconque vous dira le contraire vous ment. Le véritable défi et de vous assurer qu’elle vous change pour le mieux. Apprenez tout ce que vous pouvez à son sujet et abordez tous vos revers comme une leçon qui vous servira de tremplin sur un terrain de jeu rempli de serpents et d’échelles.

Alors, comment faire partie de la « game »?? Avec beaucoup de prudence.