Wanting Qu, une chanteuse, auteure-compositrice, guitariste et pianiste d’origine chinoise établie à Vancouver, et qui utilise uniquement son prénom dans sa carrière artistique, a intitulé son nouvel album Say The Words. Ironiquement, même s’il a débuté en première position à Beijing, à Hong Kong, à Taïwan, à Macau, à Singapour et en Malaisie et est aussi paru en Amérique du Nord, certaines paroles ont dû être changées en raison de différences culturelles avec l’Asie.

La première chanson est une balade qui, en Asie, s’intitule « Love Ocean » en mandarin, alors qu’en Amérique du Nord elle porte le titre de « STHU », qui signifie « shut the hell up » (ferme-la), et est inspirée par le phénomène de cyberintimidation. Sur cette piste, le mot « shit » (merde) a été remplacé par « trash » (poubelle) dans la version asiatique. Dans la version nord-américaine de « Exit This Way », qui emploie un anglais plutôt coloré et humoristique, on trouve la ligne « get the fuck out » (fout le camp), alors qu’elle n’apparaît pas en chinois.

« En Amérique du Nord, avoir confiance en son travail est une bonne chose… mais en Chine, les gens considèrent que c’est un manque de modestie. »

« Pour les paroles, il est très irrespectueux de jurer [en Chine]. Il nous fallait donc avoir une version épurée, mais le résultat est tout à fait similaire à ce que nous faisons en Amérique du Nord, » dit Terry McBride, qui gère les affaires de Wanting et qui publie sa musique sur son étiquette Nettwerk Records.

« En Amérique du Nord, avoir confiance en son travail est une bonne chose… on peut parler haut et fort, » dit Wanting. « Si on croit en soi, on peut dire à toute la planète ce qu’est notre musique. Mais en Chine, les gens considèrent que c’est un manque de modestie, et la modestie est une qualité très importante. »

Le reste des chansons de son nouvel album est plus policé : « My Little Friend » parle de son chat, « Say The Words » a un titre un peu enfantin et des paroles comme « Je vais compter jusqu’à trois/1 et 2 et 3/Je t’aime », et « Time, My Friend » qui dit comment le temps nous aide à guérir.

Wanting, qui a déménagé au Canada depuis la ville d’Harbin, en Chine, en 2000, à l’âge de16 ans et qui ne parlait pas anglais au début, a entendu McBride en 2005, à l’occasion d’un atelier sur l’industrie musicale. Quelques mois plus tard, elle se présentait à lui lors d’un concert de Sarah McLachlan, obtenant sa carte d’affaires. Elle ne l’utilisa cependant pas avant 2009, après avoir enregistré quelques chansons.

« Ce que j’ai entendu venait du cœur, » dit McBride, qui a conclu un contrat la même année pour lancer l’EP Wanting en 2010 en Chine. « C’était des chansons authentiques et très belles. »



Lors d’une fête de l’Action de grâce particulièrement chaude, Gordon Lightfoot est d’humeur exceptionnellement pensive, sirotant un café tout en jetant un regard sur une carrière durant laquelle il a exploré tous les types de chansons imaginables : des chansons épiques et historiques, des balades romantiques, des chansons de marins, des airs de country, des chants de protestation folk et des blues qui font taper du pied ou « toe-tappers » comme Gordon Lightfoot se plaît à les nommer. Bon nombre ont été des succès et plus encore sont considérées comme la véritable quintessence de l’âme canadienne, tout autant que les peintures du Groupe des Sept ou les nouvelles d’Alice Munro. Dire que sa carrière a été prolifique est aussi évident que de dire que la Tour du CN surplombe Toronto.

Assis dans la cuisine de sa vaste maison du chic quartier de Bridle Path à North York, le célèbre artiste de 75 ans admet qu’il passe le plus clair de son temps à voyager et à s’occuper de sa famille (un grave problème d’anévrisme abdominal en 2002 l’avait forcé à l’inaction pendant deux ans). Mais il n’a pas pour autant arrêté d’écrire des chansons – sa compagne, Kim Hasse, l’a récemment encouragé à en terminer une, intitulée « It Doesn’t Really Matter ». Il y en a encore trois ou quatre autres « à mijoter » dit-il, mais pour ce qui est de leur donner une forme définitive, le temps n’est pas encore venu.

« C’était tout un marathon quand je composais, » dit Gordon Lightfoot à propos de sa production de quelque 294 chansons éditées. « J’ai été sous contrat avec des maisons de disques pendant 33 ans, » dit-il en guise d’explication, répétant les mots « 33 ans » pour insister. « J’avais un groupe et une famille. J’avais donc des responsabilités. Quand c’était le temps d’écrire des chansons, il fallait que je m’y mette. C’est parfois cette pression qui me forçait au travail et qui permettait d’aboutir au disque suivant. »

Étonnamment modeste pour une étoile de cette magnitude, Lightfoot préfère parler des concerts sur scène et des répétitions de son groupe pour les 65 à 80, rendez-vous nord-américains auxquels il participe encore avec fierté chaque année plutôt que de ses talents d’auteur-compositeur. Il est plus à l’aise de parler de son éthique de travail et de la chance qu’il a eue de composer les bonnes chansons au bon moment.

Il ne manque jamais de remercier Ian et Sylvia – qui ont enregistré deux de ses plus anciennes chansons, « Early Morning Rain » et « For Lovin’ Me » et qui lui ont présenté leur gérant Albert Grossman, avec sa bonne fortune de compositeur. Et il admet souvent qu’il n’avait absolument aucune idée que ses chefs-d’œuvre « If You Could Read My Mind » et « The Wreck of the Edmund Fitzgerald » allaient devenir des succès.

Mais Lightfoot est indéniablement doué. L’art et la beauté de son œuvre, qui remonte à la « Trilogie du chemin de fer canadien » de 1967 jusqu’à son classique autobiographique de1998 « A Painter Passing Through », a inspiré une foule d’artistes, d’Elvis Presley à Barbara Streisand, en passant par Bob Dylan et Judy Collins. Les auteurs-compositeurs canadiens ont souvent repris ses chansons, notamment dans la compilation de 2003 Beautiful: A Tribute to Gordon Lightfoot, qui réunit Bruce Cockburn, Murray McLauchlan, Ron Sexsmith, Blue Rodeo, Cowboy Junkies et les Tragically Hip.

Les racines de son art nous conduisent à une école de Los Angeles, la Westlake School of Modern Music où, à 18 ans, le jeune auteur d’Orillia, Ontario, a étudié l’orchestration et la théorie musicale. Revenu au Canada avec ses talents pour la composition et l’écriture, Lightfoot a entamé sa carrière musicale à Toronto – mais en acceptant de petits emplois au jour le jour comme caissier dans une banque, chanteur d’accompagnement, danseur et batteur (sous le pseudonyme de Charles Sullivan) pour joindre les deux bouts.

La première composition de Lightfoot à paraître sur un enregistrement mis en vente est « This is My Song », figurant en 1962 sur Two Tones at the Village Corner, un enregistrement en direct du duo qu’il formait alors avec le chanteur Terry Whelan, un ami d’école. Mais quelques mois après, il sortait en simple une nouvelle chanson originale, « (Remember Me) I’m the One », attribué simplement à Gord Lightfoot. Cet enregistrement populaire d’avant folk, mi-traditionnel, se hissa à la troisième position au palmarès de la station de radio torontoise CHUM. « On allait dans une autre direction dans ce temps-là, » se rappelle-t-il.



Elle n’a peut-être que 22 ans, mais Ariane Brunet sait où elle s’en va. Déterminée, souriante, pétillante, elle répond aux questions avec franchise et aplomb. Sérieuse sans se prendre trop au sérieux. Une belle fraîcheur pour cette jeune auteure-compositrice-interprète qui propose une pop raffinée, où elle livre en toute honnêteté ses états d’âme. Son deuxième disque Fusée, lancé en août, charme instantanément avec ses rythmes variés et entraînants et ses mélodies accrocheuses.

« J’ai une plus grande assurance, c’est sûr, » lance sans équivoque Ariane Brunet. Trois ans après Le pied dans ma bulle, la jeune musicienne évolue à pas de géant. Elle a acquis de la maturité, certes, et pose un regard juste sur ce qui se passe dans sa vie, mais aussi autour d’elle. Alors qu’elle avait écrit les textes de son premier disque entre 17 et 19 ans, Ariane Brunet a pris cette fois-ci du galon. C’est la vision d’une jeune femme dans la vingtaine qui réfléchit sur des thèmes universels : l’amour qui va bien ou qui se termine, l’importance de trouver sa place, l’urgence de vivre…

Son album, Ariane Brunet l’avait en tête, mais elle a su s’entourer de musiciens qui lui ont permis de pousser ses idées encore plus loin. Elle éprouve un véritable plaisir à se mêler du processus créatif, et à être présente à toutes les étapes de l’enregistrement. Sa touche se trouve partout sur ce disque, et elle n’a pas eu peur de donner son opinion à son réalisateur et gérant Toby Gendron. « Il m’apprend tout! Il me laisse une grande liberté, et je peux dire ce que je veux entendre. Je suis capable de lui dire aussi ce qui m’énerve. Je n’hésite pas avec lui, il va m’aider à trouver le son que j’ai en tête. » 

« Il en faut du talent, mais je ne pense que ça soit juste ça. Il y a plein de facteurs. »

La musicienne offre une palette musicale très large. Fusée propose une pop avec du « groove » et des ballades, mais flirte également avec la bossa nova (« Que des amants ») et le jazz (« Le temps de vivre »). Et quand on lui demande – devant une réussite si précoce – si elle se trouve du talent, Ariane Brunet répond avec modestie : « Oui, je pense. Il en faut du talent, mais je ne pense que ça soit juste ça. Il y a plein de facteurs qui entrent en ligne de compte pour réussir ou non. Le talent, ça aide, mais il faut travailler fort. »

Avec une si jolie plume, il est surprenant d’apprendre qu’Ariane Brunet se voit plus comme une mélodiste qu’une auteure. Elle se justifie en parlant du syndrome de l’imposteur et affirme qu’elle se sent plus à l’aise pour composer des musiques. « Je suis musicienne, mais ça ne veut pas dire que je suis auteure, précise-t-elle. Je ne pourrais pas juste écrire des textes, alors que je pourrais juste composer des musiques. La mélodie me vient avant tout, c’est là-dessus que je trime, que je me concentre. Et ensuite, dans mes textes, je cherche de belles sonorités, des rimes. Je vais choisir les mots pour qu’ils collent sur mes mélodies. »

La chanteuse Nadja est tombée sous le charme d’Ariane et lui a demandé d’écrire des chansons pour son disque Des réponses. La jeune femme a accepté volontiers de se prêter au jeu, tout en se demandant si elle allait réussir. Finalement, elle a adapté deux textes qui traînaient dans ses tiroirs et cette expérience lui a beaucoup plu. « Quand j’ai entendu ce que ça donnait, j’ai eu des frissons. Nadja m’a aussi demandé de l’aider avec la mélodie, elle avait de la difficulté, je n’en revenais pas, c’était tout un accomplissement pour moi. »

Ariane espère maintenant faire entendre Fusée partout au Québec en donnant une longue série de spectacles au cours des prochains mois. Elle jouera des chansons de ses deux disques et s’attaquera à deux reprises : « Le temps est bon » d’Isabelle Pierre et « Space Oddity » de David Bowie. C’est une idée de son metteur en scène, le comédien et membre de Mes Aïeux, Stéphane Archambault. « Je veux un spectacle dynamique. Je veux que chaque chanson présente un tableau, une émotion différente. Je veux jouer des percussions, de la guitare, du piano, je veux varier les styles, » affirme Ariane, visiblement fébrile lors de l’entrevue qui avait lieu quelques semaines avant d’entreprendre sa tournée.

Vingt-deux ans, deux albums, plusieurs succès radiophoniques, Ariane Brunet est loin de s’asseoir sur ses lauriers. Elle pense déjà à son troisième disque, et espère aborder des thèmes différents. Elle veut entre autres parler d’anxiété, du mal de vivre. Originaire de l’ouest de l’île de Montréal, Ariane Brunet veut également composer en anglais sous un pseudonyme.

Comment voit-elle la suite des choses? « Je suis vraiment contente de mon parcours. Je vois la différence entre le premier et le deuxième disque. C’est du work in progress. J’ai l’impression qu’avec le troisième album, ça sera encore mieux. J’aime monter une marche à la fois, lentement mais sûrement. »