Véronique Labbé

Photo by/par Lynn Gosselin

Véronique Labbé a commencé à chanter du country avec sa mère Lise Roy à Thetford Mines alors qu’elle avait seize ans. Aujourd’hui, à 35 ans, elle célèbre ses vingt ans de carrière avec la sortie d’un cinquième album, Mon Noël country (Musicor), lancé il y a quelques semaines en plus de recevoir sept nominations au Gala country du 19 novembre 2016.

« Je fais plus dans le country-pop américain, je suis devenue au goût du jour, mais ça n’a pas été facile, auparavant, les gens voulaient entendre des chansons plus traditionnelles », explique celle qui inclut un hommage à Shania Twain dans son tour de chant.

Renée Martel n’est donc pas un modèle pour elle, pas plus que Patrick Norman, pourtant deux icônes québécoises. « Il y a tellement de marchés dans la musique country, pour te dire, Renée Martel et Patrick Norman sont plus country-folk. Moi, je vais aller vers le côté pop. »

On imagine notre country girl plus près du style de la Canadienne Terri Clark et des grandes stars comme Travis Tritt ou Sheryl Crow pour qui elle a fait des premières parties de concert.

« Lorsque j’étais adolescente, j’écoutais CMT (Country Music Television) et je rêvais d’une grande carrière comme la leur. Même si je n’étais pas anglophone, j’ai été en mesure de partager leurs scènes. »

Comment se démarquer au Québec lorsqu’on chante du country en français ? « La musique country, c’est des sentiments mis sur la table, dira d’emblée Labbé. Il faut que les mots chantés soient rapidement compris par l’auditeur, peu importe son niveau de scolarité. Surtout si tu racontes une peine d’amour ! Mon premier album était chanté en français normatif et les gens ont moins bien perçu mon country parce que c’était peut-être trop recherché. »

La première fois qu’elle gagne un prix, c’est le Prix SOCAN de la chanson primée en 2005 à St-Tite. « Ça m’a ouvert les yeux sur l’univers du droit d’auteur et les redevances tout en gardant ma personnalité musicale », dit-elle. St-Tite, la Mecque du country au Québec, Véronique y est passée à dix-neuf reprises. Auteure-compositrice, elle a de nouveau été récompensée par la SOCAN à son Gala de Montréal en 2015, catégorie « Musique Country ».

« Quand j’écris une chanson, c’est la musique d’abord et avant tout, les mélodies me viennent facilement. Par contre, les paroles, c’est du travail, c’est l’aspect que je trouve le plus difficile. Alors je procède ainsi : j’enregistre mes musiques en studio, à cette étape, 75% des paroles ne sont pas encore écrites. C’est lorsque j’écoute les pistes instrumentales que les mots m’inspirent. Ce n’est pas une méthode que j’apprécie nécessairement, mais il faut que je me mette au pied du mur pour que les mots viennent afin de finaliser le processus de création. »

Toutefois, la chanson Du côté bleu du ciel, parue sur son quatrième album du même nom (texte de Nelson Minville, musique de Marc Dupré) est un peu l’exception et est d’ailleurs en nomination dans la catégorie « Chanson de l’année » au Gala Country du 19 novembre : « C’était limite pour le genre que je fais, mais j’aime ce genre d’écriture ! Pour accepter les chansons des autres, il faut vraiment que ça vienne te chercher. Celle-là m’a fait du bien, même si elle a un côté plus commercial et moins country. »

Animatrice de radio et de télévision de l’émission En route vers l’ouest, Véronique Labbé croit que la SOCAN y est pour quelque chose dans cette autre vocation. « Beaucoup d’artistes country font leurs débuts avec des reprises afin de mousser les ventes d’albums. Mais pour se démarquer, ils doivent écrire leurs propres chansons. Mon émission sert à ça : les faire connaître. Sans nouvelles chansons, il n’y a pas d’évolution. Sinon, on ne chantera que des succès comme dans un karaoké. »

« Être membre SOCAN, admet-elle, je vois ça comme une protection d’auteur, oui il y a une rémunération des droits d’auteurs, mais avec la musique que je fais, la diffusion à la radio est plus rare que d’autres styles de musique. Ce serait bien d’avoir un Soundscan pour la musique country. »

Bon an mal an, Véronique Labbé donne une cinquantaine de spectacles par année. Et avec 2016 qui s’achève, Mon Noël country termine le calendrier en beauté. « Le son est country, mais avec des chansons de Noël, le plus grand défi est de savoir où placer les accents. Il y a des riffs et des punchs couramment utilisés dans le country que j’ai volontairement évité afin que ce ne soit pas trop redondant. Mais heureusement, Il y a des séries d’accords dans le répertoire de Noël qui sont vraiment en harmonie avec ceux de la musique country. »

Le Gala Country du 19 novembre prochain est une date encerclée depuis longtemps pour Labbé. Et l’on comprend vite pourquoi : sept nominations, album, auteure-compositrice, chanson de l’année SOCAN pour Du côté bleu du ciel, interprète féminine, spectacle de l’année, émission de radio et de télé pour En route vers l’ouest.
« Le prix SOCAN est celui que je convoite le plus ! »

 

 



Dès ses débuts, Patrick Lavoie plonge dans l’univers de la musique avec urgence et polyvalence.  Ces deux traits marqueront son parcours de musicien multi-instrumentiste, amoureux sans frontières des différents genres musicaux. À travers ses envies d’écrire de la chanson et sa formation universitaire en musique classique, interprétation du violoncelle, Lavoie cherche un métier. « Pour moi, il a vite été question de vivre de ma musique. Je suis même allé chanter dans les métros. Je voulais que mes revenus me viennent directement de cette passion-là et même pas de l’enseignement de la musique. Sinon, je changeais de voie et j’étudiais en biologie. »

C’est grâce à l’amitié qui le lie avec le réalisateur Yves Christian Fournier que Patrick Lavoie expérimente avec la composition de musique sur image dans le domaine publicitaire dans les années 2000. Il constate alors le plaisir qu’il éprouve à écrire de la musique. « Les contrats les plus difficiles sont les premiers. Car dans ce milieu, on ne te demande jamais ton diplôme. On veut entendre ce que tu as composé. Je ne compte pas le nombre de maquettes que j’ai alors écrites à cette époque. »

Une relation de travail particulière se développe entre les deux hommes. Tôt dans le processus, Fournier prend l’habitude d’échanger avec Lavoie sur ses envies qui l’animent au sein des différents projets. Lavoie décide alors de composer en amont des tournages de Fournier des maquettes transitoires. « La musique l’inspire beaucoup. Ça lui trace une voie. » Ce fut le cas pour le long métrage Tout est parfait en 2008, et pour la série Blue Moon en 2015, où Fournier avait avec lui 37 différentes pistes sonores provisoires qui l’habitaient tout au long de son tournage. Cette aventure cinématographique se poursuit avec Yves-Christian Fourier sur Noir (2015) et avec le réalisateur Martin Talbot sur Henri Henri (2014), une trame sonore pour laquelle Lavoie obtient une nomination aux Écrans canadiens.

Aujourd’hui, Lavoie signe également la musique pour des séries télévisuelles telles Feux (Claude Desroriser) et Blue Moon (Yves Christian Fournier), un travail exigeant qui requiert un degré d’organisation élevé pour le compositeur. Le compositeur, qui chérit la valeur du temps, poursuit sa façon de faire, et compose à la lecture du scénario, avant même d’avoir vu les premiers épisodes. Cette avance, croit-il, lui permet une meilleure efficacité et sensibilité lors des livraisons. « Le temps est calculé sur une série. Je mets une semaine de travail pour un épisode de 52 minutes. Cela donne un total de 30 minutes de musique par épisode. Pour arriver à faire de la qualité en si peu de temps, tu dois être très organisé et méthodique. Si à midi je n’ai pas fini de composer, je vais manquer de temps pour produire cette musique-là au courant de la journée. » Chaque matin, Lavoie entre dans son studio maison avec un plan de match serré et efficace. Sur Blue Moon, Lavoie élabore une musique à corde orchestrale fort ambitieuse, enregistrant près d’une cinquantaine de pistes d’instruments par lui-même. En tout temps, l’efficacité doit être ici synonyme d’émotions et de beauté.

Sur la série Feux, Lavoie débute la composition sans connaître le dénouement de la série écrite par Serge Boucher. Cette fois, le compositeur ne voulait pas que la finalité de ce thriller psychologique teinte la musicalité des différents thèmes principaux. Pour le guider, il opte plutôt pour une compréhension fine de la psychologie des personnages. Lavoie admet qu’une telle série, qui nous plonge nos propres zones d’ombres, est émotivement exigeante pour lui.

« Autant que la musique de Feux a été facile à écrire, autant que cela fut difficile à vivre à un niveau personnel. J’étais vidé après chaque journée. Je traversais tellement d’émotions… Une musique qui fonctionne est une musique qui transporte une émotion forte. Et pour ce, il faut que je la vive tant à la composition qu’à la livraison. La musique ne trompe pas. Il faut être vrai, car elle est le langage de l’émotion. »

Pour Lavoie, une chose est certaine. La musique sait transmettre nos émotions sans l’utilisation de mot. Et pour y arriver, elle use du compositeur, de sa vie et de ses émotions afin d’y puiser sa véracité.

 

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En mai 2016, le groupe pop-rock des Premières Nations Midnight Shine a donné deux vitrines dans le cadre de la Canadian Music Week (CMW) à Toronto. Il y a fort à parier qu’aucun autre groupe présent au CMW n’avait eu un périple aussi mouvementé pour s’y rendre, comme nous l’explique au téléphone le chanteur et guitariste Adrian Sutherland depuis sa demeure d’Attawapiskat, dans le nord de l’Ontario.

« Je viens d’une famille très pauvre », explique-t-il d’entrée de jeu. « Mes grands-parents vivaient de manière vraiment traditionnelle et tout ce qui se trouvait sur notre table venait de la Terre. Ça existe encore dans notre communauté. Je dois encore aujourd’hui partir chasser les oies, le caribou et l’original. On doit remplir nos congélateurs, ça fait encore partie de la vie dans le Nord. La récolte est le lien qui unit nos familles et notre culture. »

Ç’a été très dur pour moi de couper court à ma saison de chasse et de sortir du bois en machine à neige pour traverser sur les glaces de mer afin de me rendre au CMW. Mais c’est mon engagement envers la musique. Je suis prêt à faire tout ce qu’il faut. »

Les autres membres de Midnight Shine proviennent de différentes communautés de la région de la Baie-James dans le Grand Nord. Le guitariste Zach Tomatuk et le bassiste Stan Louttit sont de la Première Nation de Moose Factory et le batteur George Gillies de la Première Nation de Fort Albany.

Fondé il y a cinq ans, la première apparition publique de Midnight Shine fut en tant que première partie pour un spectacle de Trooper. Ils ont depuis lancé deux albums très bien reçus, le premier, éponyme, est paru en 2013, et le second, Northern Man, en 2014.

C’est lorsque Ralph James de United Talent Agency les a pris sous son aile que leur carrière a vraiment pris son envol. Leur passage au CMW a également attiré l’attention des médias de partout au pays, incluant une entrevue de fond avec The National, la Une du Toronto Star, une prestation en direct suivie d’une entrevue à Canada AM sur le réseau CTV, deux articles de la Presse Canadienne, un clip en vedette sur Daily Vice, et des articles dans le National Post, le Hamilton Spectator, le Winnipeg Free Press, et le Calgary Herald, le Halifax Chronicle Herald, et bien d’autres.

« Il y a de bonnes nouvelles qui proviennent d’Attawapiskat. J’espère que nous serons une de celles-là. » – Adrian Sutherland, Midnight Shine

En tant que principal auteur-compositeur du groupe, Sutherland travaille actuellement d’arrache-pied pour créer les chansons de leur troisième album. « Nous espérons retourner en studio au début du printemps et nous avons discuté avec quelques réalisateurs », nous explique-t-il.

Une de nos nouvelles chansons, « Sister Love », sera bientôt lancée comme simple, et les réactions préliminaires sont bonnes. « La chanson est basée sur un poème écrit par ma sœur », confie l’artiste. « Elle parle de nos luttes quotidiennes et des coups durs que nous avons encaissés. Elle explore cette envie de retourner à une époque où les choses n’étaient pas aussi difficiles, lorsqu’on était en famille et les liens qui nous unissaient quand tout allait bien. »

D’autres pièces à venir porteront aussi plus directement sur des thèmes touchants les Premières Nations. Les premières chansons de Midnight Shine telles que « Northern Man » et « James Bay » prennent clairement racine dans la culture et la région d’origine de Sutherland, mais il se sent prêt à aborder des thèmes sociaux et politiques plus directement.

« Mon écriture est très différente de ce qu’elle était sur les deux premiers albums », dit-il. « Je ne veux pas me forcer à aller dans une direction en particulier, mais une chose me tracasse depuis un bon moment, et c’est la question des abus dans les pensionnats. Ma mère était prise dans ce système pendant des années et j’ai été témoin de l’impact que ça a eu sur sa vie. Je veux raconter son histoire. Puis il y a la question des femmes autochtones disparues ou assassinées. Je sens que je dois écrire là-dessus. »

Musicalement, Midnight Shine propose un rock mélodique et légèrement « trad », mais Sutherland nous explique qu’il souhaite désormais inclure plus de sonorités des Premières Nations. « Je me tourne vers les autres artistes de la région de la Baie-James pour m’aider à donner vie à la musique », poursuit l’artiste.

« Avant, on n’ajoutait pas d’enjolivures culturelles dans notre musique, mais les choses changent. Je songe à inclure des percussions traditionnelles sur notre nouvel album, et je travaille également sur des chansons écrites en langue crie. C’est pas mal plus dur que d’écrire en anglais?! »

Depuis la formation de Midnight Shine, quelques artistes autochtones canadiens tels que Tanya Tagaq et A Tribe Called Red ont eu un impact immense au pays et ailleurs dans le monde. Sutherland ne cache pas qu’il s’est inspiré d’eux, ainsi que du récent projet de Gord Downie, Secret Path. « Gord est incroyablement courageux et son travail actuel est phénoménal », affirme Sutherland.

Il en va de même pour Midnight Shine, dont le succès est une source d’inspiration pour d’autres membres de la communauté d’Attawapiskat. La communauté a été au centre de beaucoup d’attention médiatique négative depuis quelques années, mais comme le rappelle Adrian Sutherland, « il y a de bonnes nouvelles qui proviennent d’Attawapiskat. J’espère que nous serons une de celles-là. »

« Je crois que nous inspirons les plus jeunes. C’est dur pour eux de réaliser qu’il y a un groupe de musique qui habite leur communauté et qu’ils peuvent nous parler. Ce n’est pas une chose à laquelle ils sont habitués. Nous prenons grand soin, en tant que groupe, de nous assurer de visiter toutes ces communautés pour y donner des spectacles. C’est notre devoir d’inspirer ces jeunes et de ne pas oublier nos racines. »