Avec ses centaines de spectacles qui s’entremêlent et se recoupent en même temps à travers Austin, le festival South by Southwest (SXSW) est le lieu de tous les possibles pour les musiciens désirant exporter leur matériel. C’est dans le but de maximiser l’impact des artistes canadiens sur ce territoire pour le moins chaotique que la SOCAN a, encore une fois, effectué son traditionnel périple texan.
Avec plus d’une centaine de membres invités à se donner en spectacle, la SOCAN avait un rôle important à jouer durant le volet musical du festival, qui se tenait du 15 au 20 mars dernier.
Responsable A&R pour la SOCAN (ayant comme objectif de tirer un maximum de profit des contacts de la Société pour en faire bénéficier ses membres), Guillaume Moffet a multiplié les rencontres durant l’événement. « On se rend compte qu’en 2016, face à l’offre surabondante qu’il y a à l’international, la musique est, plus que jamais, une affaire de contacts et de relations, explique le Montréalais. À SXSW, il y a beaucoup de business qui se brasse et de meetings impromptus autour d’une bière. Tout ça fait en sorte que, peut-être pas dans un mois, mais peut-être dans six mois ou un an, il y a des choses qui vont se développer. »
« C’est toujours difficile de savoir comment les choses vont tourner à SXSW », indique l’auteure-compositrice-interprète montréalaise Basia Bulat, de retour au festival cette année. « On a tous nos attentes, mais il n’y a généralement pas d’impact instantané. Au moment où on ne s’y attend plus, on peut finir par recevoir un appel pour jouer dans un autre festival. »
Pour Rodney Murphy, responsable A&R à Toronto, SXSW est une vitrine particulièrement intéressante pour les artistes canadiens. « C’est le festival international où il y a la présence canadienne la plus forte, rappelle-t-il. Évidemment, ça ressemble souvent à une grosse compétition. Notre rôle est donc de pousser les artistes devant les bonnes personnes au bon moment. »
À cet effet, le traditionnel Canadian Blast BBQ a, pour une onzième année, attiré les diffuseurs, producteurs et mélomanes internationaux grâce à sa programmation relevée et hétéroclite, élaborée par la Canadian Independent Music Association (CIMA) et soutenue par la SOCAN. On pouvait notamment y voir le duo électro-pop montréalais Milk & Bone, le groupe rock ontarien Arkells, la formation hip-hop manitobaine The Lytics et la chanteuse folk ontarienne Terra Lightfoot.
À sa toute première présence à SXSW, cette dernière a aussi participé à trois autres vitrines, notamment une plutôt mémorable à l’incontournable Canada House, qui prenait place au bar Friend’s sur la très courue 6th Street. « Nous sommes venus ici dans l’espoir de trouver un agent pour une éventuelle tournée américaine, indique la chanteuse originaire de Hamilton. SXSW me semble être un incontournable pour les artistes canadiens qui tentent une percée aux États-Unis. »
De retour pour une deuxième année consécutive au festival, Milk & Bone cherche également à saisir des opportunités chez nos voisins du sud. Signe que les choses vont bon train, le duo dit avoir été témoin d’un engouement plus généralisé, autant durant le Canadian Blast BBQ que durant ses autres spectacles, notamment celui du Poutine party organisé par M pour Montréal.
« L’accueil est plus intense que l’an dernier », observe Camille Poliquin, l’une des deux chanteuses et musiciennes. « On a rencontré plein de gens dans le but de vendre le spectacle à l’international. Il y a notamment l’organisateur d’un festival qu’on convoite qui semble nous avoir vraiment apprécié. On lui a parlé après, et ça a cliqué. C’est le genre de rencontres qui solidifient les liens. »
Dans le cas précis de Milk & Bone, une présence à SXSW permet, entre autres, de mettre des visages sur des relations virtuelles entretenues depuis plusieurs mois. Pour l’équipe qui accompagne et soutient le duo, l’opportunité est à saisir, ne serait-ce que pour aligner les rencontres avec les producteurs et les diffuseurs. « C’est le genre de présence qui peut confirmer des choses puisque SXSW, c’est avant tout un point de ralliement », résume Guillaume Moffet.
Obtenir un buzz
Ainsi, le festival peut s’avérer bénéfique pour tous les artistes, et non seulement pour ceux de la relève. « Les artistes viennent généralement à SXSW pour se faire découvrir. Autrement, ils viennent pour avoir plus de publicité ou pour obtenir un certain buzz qui fera évoluer leur carrière », explique Michael McCarthy, chef des affaires des membres et développement à la SOCAN. « C’est toujours bon de venir rencontrer les gens les plus influents de l’industrie. »
C’est notamment ce qu’a fait le groupe folk ontarien The Strumbellas, qui a reçu un Prix No 1 SOCAN (pour la chanson Spirits) durant son passage à SXSW. Déjà bien entouré par l’étiquette Six Shooter au Canada et par la prestigieuse Glassnote Records aux États-Unis (derrière les succès de Mumford & Sons et Phoenix notamment), le sextuor en était à sa toute première expérience au festival.
« C’était une expérience fabuleuse. On a eu la chance de jouer devant des foules complètement survoltées », raconte le chanteur de la formation Simon Ward, visiblement épuisé après avoir donné 12 spectacles en 4 jours. « Nous n’avions pas d’objectif précis en nous rendant ici. On voulait tout simplement y jouer pour ce que ça représente. C’est l’un des plus gros festivals au monde, donc c’est certain qu’on s’est fait de nouveaux fans et qu’on a rencontré des gens importants. »
C’est avec le même genre d’attitude que la formation Arkells a remis les pieds à SXSW cette année. Bien implanté au Canada, comme en témoigne le JUNO qu’il a reçu dans la catégorie du groupe de l’année en 2015, le groupe a jugé bon allonger sa tournée américaine avec quelques spectacles à Austin, même s’il ne recherche rien en particulier. « C’est une chance unique de pouvoir jouer devant des gens de partout dans le monde, indique le chanteur Max Kerman. À SXSW, on ne peut jamais savoir ce qui va éventuellement changer le cours de notre carrière. Ça peut même être un showcase devant 10 personnes! »
Dans tous ces cas, la SOCAN joue un rôle de premier plan afin que ses membres rayonnent à l’international. Milk & Bone a d’ailleurs pu bénéficier du soutien de l’organisation depuis ses tout débuts. « Ce sont dans les premiers à avoir cru au projet », admet Camille Poliquin, citant son passage mémorable à la Maison SOCAN Los Angeles l’an dernier. « Ce sont des gens sur qui ont peut compter, qui veillent sur nos droits et qui nous mettent en contact avec les bonnes personnes. »
Le déclin inévitable de l’offre francophone
Pour Guillaume Moffet, il semble pertinent d’aider un groupe comme Milk & Bone à s’exporter puisque son potentiel international est évident. À SXSW, c’est d’ailleurs ce côté «export ready» que les diffuseurs rechercheraient. « Les artistes qui vont se faire repérer ont souvent une équipe solide derrière eux, une équipe capable d’aller chercher un booker et un relationniste américains, qui vont ensuite se battre pour les faire connaître. Si la musique est bonne et que l’équipe n’est pas compétente, ça ne donne rien », juge-t-il.
La question de la langue pèse également dans la balance. Auparavant nombreux grâce à la défunte initiative Planète Québec, les groupes franco-canadiens n’ont pas eu une place de choix cette année. « C’est plus difficile d’avoir un retour sur investissement avec eux, admet Guillaume Moffet. Avec les belles percées que les artistes québécois font en France, c’est souvent plus logique de concerter nos efforts dans des conventions musicales en Europe francophone, par exemple. »
Remarqué au dernier CMJ Music Marathon, Chocolat est l’un des seuls groupes francophones à avoir été de la programmation de SXSW 2016. Accumulant les spectacles, le groupe montréalais a réussi à tirer son épingle du jeu grâce à son rock impétueux aux influences américaines évidentes. « Ça a vraiment bien été, résume le guitariste Emmanuel Éthier. Ça m’a même réconcilié avec l’idée du showcase. J’étais déjà venu avec d’autres bands avant, et ça avait été un coup d’épée dans l’eau. »
Par-dessus tout, les cinq artistes disent avoir apprécié leur expérience puisqu’ils ont pu rencontrer d’autres musiciens de calibre. « C’est pas juste une affaire de business. Il y a aussi le fait de découvrir une scène rock et de sentir qu’on en fait partie le temps d’un festival », indique le claviériste Christophe Lamarche.
Bref, les retombées de SXSW sont aussi nombreuses que les raisons qui poussent les artistes canadiens à y retourner année après année.
2016 aura toutefois été une année particulièrement mémorable pour le cortège canadien. « C’est beaucoup plus intéressant pour les artistes d’ici qu’il y a cinq ans, analyse Guillaume Moffet. En ce moment, il y a une bonne vibe autour de la musique canadienne, entre autres grâce aux énormes succès de The Weeknd, Drake, Alessia Cara et Justin Bieber. Aux yeux de beaucoup de gens, c’est rendu cool d’être canadien. Faut en profiter pendant que ça passe. »