Lia Liza a été sacrée découverte de l’année aux Golden Owl Awards de Vancouver, et si cette artiste originaire de Colombie-Britannique commence à se faire remarquer, faire de la musique est depuis toujours son but.
« J’ai la musique dans le sang depuis mon enfance », confiait-elle l’an dernier à No Fun Radio, diffusée sur Mixcloud. Elle affirme que son père est un chanteur incroyable et qu’elle-même s’entraîne depuis qu’elle a neuf ans, ce qui lui a permis de décrocher un diplôme d’études postsecondaires en chant. Une fois toutes ces aptitudes acquises, elle a fait ce que bon nombre d’artistes canadiens avant elle ont fait dans le but de poursuivre une carrière musicale : elle s’est installée aux États-Unis.
Habitant désormais Los Angeles, Liza partage son temps entre sa carrière musicale et une carrière de mannequin. Elle a lancé son premier album en 2018, Just What I Needed, une compilation de magnifiques pièces R&B comme la très estivale « Roll With Me » et l’entraînante « The Feeling ». Ces chansons mettent en valeur le talent d’une chanteuse en pleine possession de ses moyens qui sait comment se mettre en valeur sur un « beat » solide pendant plus de trois minutes. Sa carrière de mannequin a également pris son envol et elle a notamment été vue dans la campagne promotionnelle pour les produits KKW Beauty de Kim Kardashian.
Si la musique et le mannequinat sont ses deux priorités pour le moment, elle affirme qu’elle a bien l’intention d’ajouter d’autres cordes à son arc, éventuellement. Dans une entrevue accordée à High Snobiety, Liza affirmait vouloir jouer au cinéma ou à la télé en plus de souhaiter un jour diriger sa propre entreprise « afin de pouvoir redonner à ma communauté ». Qu’elle domine les ondes, les scènes des défilés de mode, le petit ou le grand écran, les ambitions de Liza la mèneront sûrement vers de très hauts sommets.
Photo par William Fradette
Loud décrypte son album Tout ça pour ça
Article par Olivier Boisvert-Magnen | jeudi 23 mai 2019
Après avoir fracassé plusieurs records avec son premier album, Loud bat le fer quand il est chaud avec Tout ça pour ça, un nouvel opus qui compte une fois de plus sur le talent et la complicité d’Ajust et Ruffsound, deux des producteurs les plus en vue au pays. Sans faire d’histoire, le rappeur montréalais nous fait l’honneur de replonger dans le processus de création de chacune de ses 10 nouvelles chansons.
Sans faire d’histoire « Elle a un peu le même rôle qu’avait So Far So Good sur mon précédent album, c’est-à-dire celui de faire un bilan des derniers mois et de mettre la table pour ce qui s’en vient. Je sais pas pourquoi, mais je peux pas m’empêcher d’ouvrir mes albums de cette manière-là. Je trouve ça nécessaire de dire où j’en suis rendu. Certains auraient pu s’attendre à quelque chose de pop en partant, mais non, j’entre de manière très classique. C’est un peu pour établir dès le départ que c’est un album de rap. En terme de bilan, forcément, c’est sûr que c’est assez positif, vu que ça parle surtout de ce qui s‘est passé dans la dernière année et demie. À mon sens, c’est le beat qui m’a amené vers quelque chose d’aussi positif que ça. Ça sonne comme un anthem d’été. »
Médailles « Au premier degré, c’est une chanson qui parle d’accomplissements et de réussite, mais si tu l’écoutes attentivement et si tu regardes le clip, tu constates que je parle aussi de l’envers de la médaille, de tout ce qui vient avec le succès. La musique, ça reste un choix personnel, je me sens pas coincé dans un deal que j’aime pas, mais c’est certain qu’une fois que ton projet est lancé, les opportunités sont nombreuses, et ça devient difficile de dire « non » et de prendre une pause. Tu deviens pris dans une loop continuelle et tu peux pas vraiment en profiter tant que tu t’arrêtes pas. C’est pas mal la seule chanson dont les paroles sont venues avant la musique. J’avais le refrain et le pré-refrain en tête, et les gars ont fait le beat à partir de ça. »
Jamais de la vie « Pour celle-là, Ruffsound et moi, on est allés chez Banx & Ranx (NDLR : prolifique duo de producteurs montréalais au rayonnement international) et on a cherché des mélodies avec eux. En fin de compte, on a trouvé l’ébauche de cette toune-là, que les gars ont ensuite retravaillée. Ça a été assez long comme processus, car on savait qu’elle avait une qualité radio, tout particulièrement dans le refrain, et on voulait être certain de l’amener à un autre niveau. D’ailleurs, c’était important pour moi que le refrain ait un côté universel, et je crois que tout le monde peut s’identifier à cette idée de vouloir être en contrôle de sa vie, à cette idée de ne pas vouloir entrer dans le moule. Dans un contexte pop, c’est quasiment le devoir du refrain de pouvoir résumer l’idée générale de la chanson, même si les couplets sont un peu plus personnels. »
Salles combles « C’est une chanson faite pour les shows avec un refrain qui s’apparente quasiment à une chanson à répondre. Le texte aussi parle de shows, de la dernière tournée que j’ai eue, mais aussi des difficultés de tourner au Québec et des débuts de carrière qui peuvent être assez ingrats. Avec LLA (Loud Lary Ajust), on a vécu des moments où les déplacements nous coûtaient tellement cher qu’on jouait presque gratuitement. Même qu’à des endroits où tu as moins de public, tu peux finir par jouer à tes frais. À travers ce récit-là, il y a une certaine fierté, car depuis le début de mon projet solo, j’ai une centaine de shows qui ont été présentés à guichets fermés. C’est quelque chose que je voulais souligner et célébrer. »
Longues vies « Ça vient d’une réflexion ou même d’une certaine angoisse qui m’habite parfois : celle de perdre sa place. C’est classique de le dire, mais plusieurs trucs qui fonctionnent vraiment bien et vraiment vite n’ont pas toujours une très longue durée. Le monde finit souvent par se lasser de quelque chose qui joue trop partout. La question qui se pose par rapport au marché québécois, c’est donc « combien de temps on peut push jusqu’à tant que ça devienne trop ? ». Forcément, ça va arriver à un moment donné… Dans la chanson, je fais aussi un clin d’oeil à Prodigy et Nipsey Hussle, deux légendes du rap qui sont mortes dernièrement. C’est pour ça que le titre, Longues vies, est au pluriel. C’est pas une réflexion uniquement centrée sur moi, mais plus une réflexion générale sur combien de temps on peut rester au sommet. »
Sometimes All The Time (avec Charlotte Cardin) « À la base, je suis un grand fan de ce que fait Charlotte Cardin. On avait déjà mentionné l’intérêt de travailler ensemble, mais il n’y avait rien de concret sur la table jusqu’à tant que je lui envoie cette toune. Le lendemain, elle m’a renvoyé son couplet par voice memo, et on l’a pratiquement pas retouché après. L’angle de la chanson se prêtait vraiment bien à un duo classique avec deux couplets où l’on s’adresse chacun l’un à l’autre et un refrain rassembleur durant lequel on se rejoint. Charlotte pouvait aussi s’identifier au sujet de la chanson, qui parle des répercussions des relations à distance quand on est toujours sur la route ou bien à l’hôtel. Les communications sont toujours un peu complexes, souvent impossibles. On finit par se parler quand on peut se parler, mais c’est jamais optimal. »
Off the Grid (avec Lary Kidd) « C’est un clin d’oeil à LLA à travers un autre exercice de recap, de bilan. Il y a du positif, mais encore une fois, il y a aussi l’envers du décor. Quand tout ton temps est mappé et que tu sais exactement tout ce que tu vas faire tout le temps, il y a ce désir-là de disparaître sans avertir, de s’en aller loin, de bouger librement. C’est une envie qui m’a toujours habité, comme je le disais sur Hell, What a View. Avec les années, j’ai réussi à trouver un équilibre entre ce que je suis et mon image publique. J’ai notamment réussi à mettre mes limites par rapport aux médias et aux réseaux sociaux. Je gère ça de la manière qui me plait, sans chercher à avoir toujours trop d’exposure. »
Fallait y aller « Celle-là, elle vient de la même session que Jamais de la vie chez Banx & Ranx. À mon sens, ces deux chansons-là, elles vont ensemble. On les a travaillées là-bas, et je suis allé les écrire de mon bord après. C’est une réflexion sur mon parcours, sur le fait que ça fait super longtemps que je fais ça. Il y a eu des hauts et des bas, mais surtout, il y a eu des paliers qu’on a franchis. Après LLA, clairement, il y avait la possibilité que tout soit fini, qu’il ne se repasse jamais rien d’aussi gros dans ma carrière. En fin de compte, le timing de la chose a été la clé. Quand c’était le temps d’y aller, on y est allés à fond. »
Pas sortables « Le texte est un peu arrogant, je dirais. C’est une chanson à écouter pour te primer avant quelque chose… genre un match de UFC. (rires) On l’a vraiment imaginée comme la chanson mosh pit, durant laquelle le public va virer fou en spectacle. À la base, je me suis juste imprégné de l’énergie du beat. J’avais pas le choix d’y aller hard là-dessus. C’est une des rares productions qui étaient pas mal déjà arrangées avant que je me mette à écrire le texte. Ruffsound, Ajust et Realmind (NDLR : coproducteur du hit et Prix de la chanson SOCAN 2018 Toutes les femmes savent danser et de plusieurs chansons de cet album) l’ont composée dans un chalet l’automne passé. Même la finale avec la guitare et les cordes était déjà là. »
GG « GG, ça veut dire « Good Game » (« Bien joué ») dans l’univers du online gaming. C’était vraiment l’idée faire une conclusion dans les règles de l’art, en me permettant notamment d’aller dans des zones plus personnelles. Durant le couplet, la musique est tellement minimaliste et effacée que ma voix prend toute la place au centre. Ça m’a donné l’occasion de m’ouvrir davantage sur ce que je suis, sans trop de tabous. C’est pas quelque chose que j’aime faire tout le temps, mais dans un contexte comme ça, ça s’y prêtait bien. À la fin, le build-up minimaliste culmine avec une explosion en instrumentation live, un genre de jam qui rappelle les productions de Justice League ou de Kanye West. On voulait surprendre les gens avec une fin épique. »
Photo par Eric Parazelli
FouKi : Rester Positif
Article par Olivier Boisvert-Magnen | vendredi 17 mai 2019
Le Club Soda était rempli à ras bord le 11 mai dernier, à l’occasion du lancement de ZayZay, deuxième album de FouKi. Devant un (très) jeune public en liesse, le rappeur de 22 ans a livré une prestation pleine de vigueur – assurément l’une de ses meilleures en carrière.
Visuellement, le spectacle avait quelque chose d’exceptionnel dans le parcours du Montréalais. Derrière lui et ses indéfectibles alliés QuietMike (au portable) et Vendou (aux choeurs) se dévoilaient une immense maison en feu cartonnée, ainsi que des projections cartoonesques, conçues par l’agence Pestacle, en phase avec les thématiques de ses chansons (des assiettes de spaghetti pour S.P.A.L.A., de l’argent qui tombe du ciel pour Gwap…). À trois reprises, les danseurs de l’agence 360 MPM sont venus ajouter une couche de dynamisme avec leurs sympathiques chorégraphies.
« Pour vrai, on a tellement eu de fun », résume FouKi, encore sur un nuage lorsqu’on le rencontre quelques jours plus tard « C’était étonnant que les gens connaissent autant les paroles. On aurait dit que l’album était sorti y’a plus d’un mois, alors que ça faisait à peine une semaine. »
D’emblée, il faut dire que les chansons de FouKi sont faciles à retenir. Simples sans être simplistes, accrocheuses sans être racoleuses, elles bénéficient du talent de compositeur de QuietMike, l’un des producteurs québécois les plus doués de sa génération. Interprétés dans un Club Soda survolté, ces vers d’oreille deviennent des hymnes chantés à l’unisson. Des hymnes à la positivité que le rappeur crée de la façon la plus sincère possible, sans jamais chercher à entretenir une image à laquelle il ne s’identifie pas.
« Je suis parfois en criss, mais 95% du temps, je suis très positif », assure-t-il, lorsqu’on lui demande si, parfois, il se fâche. « Je me considère plus inspiré quand je suis heureux. J’ai l’impression que c’est un héritage du reggae, un style que j’écoute beaucoup. Même si les sujets sont parfois dark dans cette musique-là, il y a toujours le groove qui peut changer le vibe. »
Abordant plus souvent qu’autrement son amour du « kankan » (le cannabis) et de sa copine, les textes de FouKi sont à l’image de son humeur du moment. Propulsé au-devant de la scène rap québécoise, le rappeur vit actuellement un rêve, et on le comprend de vouloir nous en faire part.
La création, une histoire de «vibe»
Pour créer, FouKi a besoin de tranquillité. Joint de « kankan » à la main, beat de QuietMike dans les oreilles, le rappeur recherche avant toute chose une mélodie vocale accrocheuse. « Une fois que je suis dans un bon vibe, je veux trouver des hooks simples, quelque chose que même un bébé d’un an et demi pourrait chanter. Dès que j’en ai un dans la tête pendant plusieurs minutes, je sais que je tiens de quoi et je commence à écrire le texte. »
Sans avoir été parsemé d’embûches, son cheminement a toutefois été ponctué de doutes, tout particulièrement au niveau scolaire. Sur Papillon, il s’ouvre sur son épineux cursus secondaire et sur les difficultés qu’il a rencontrées pour obtenir son diplôme. « École pour adulte, mais regarde-toi, faudrait peut-être que tu commences par en devenir un / J’coulais tout l’temps en français, mais quand même dans les 10 auteurs de Radio-Canada », rappe-t-il, évoquant cette marque de reconnaissance qu’il a obtenue en 2017 de la part de l’émission Plus on est de fous, plus on lit!. Une belle vengeance.
« Le système d’éducation est pas fait pour tout le monde. Et ce que je remarque, c’est que, souvent, les bolés sont les plus awkwards », dit-il, en riant. « L’école, ça t’apprend à être meilleur, mais ça peut aussi t’emprisonner. Overall, c’est peut-être moi qui travaillais pas assez fort, mais dans tous les cas, c’est sûr que le cadre scolaire fittait pas avec ce que je voulais. »
À l’âge de 15 ans, l’adolescent avait la tête ailleurs, sachant déjà qu’il voulait dédier sa vie au rap. Inspiré par la nouvelle vague rap québécoise des Alaclair Ensemble, Koriass et Dead Obies, il a formé le groupe Ségala avec ses amis et s’est lié d’amitié avec un camarade de classe et talentueux beatmaker en devenir : QuietMike. Quelques années plus tard, en 2016, les deux acolytes dorénavant inséparables faisaient paraître leur première mixtape sur Bandcamp, Plato Hess, bougie d’allumage du « rap de gentil » montréalais, mouvement hip-hop hédoniste et spontané duquel se réclament aussi L’Amalgame, Kirouac & Kodakludo et toute la bande du méga collectif La Fourmilière.
Depuis, FouKi et QuietMike ont fait des pas de géants sur la scène rap d’ici, accumulant pas moins de sept projets en l’espace de deux ans et demi. Le terme « productivité » leur colle maintenant à la peau. « Je me force jamais à écrire, donc j’ai jamais le syndrome de la page blanche », répond le rappeur lorsqu’on lui demande son secret. « J’attends qu’une idée me pop dans la tête, et le texte sort tout seul. Le meilleur exemple, c’est Tjrs raison. On était à Québec et je m’obstinais avec ma blonde. Finalement, j’avais tort, donc elle m’a dit : ‘’Tu vois, j’ai toujours raison !’’ J’ai commencé à l’imiter et, d’une manière ironique, c’est devenu une toune. Je rappe la chanson comme si j’étais ma blonde. »
Mais l’exercice n’est pas si ironique que ça. Plus confiant que jamais, FouKi affiche une grande assurance, parfois un peu prétentieuse, sur ce deuxième album, en vantant constamment les mérites et les retombées de son succès, et en fustigeant du même coup ses détracteurs. « J’mets toutes les fuckboys qui parlaient, dans mon dos / Maintenant, on m’paye comme du monde pour rocker des shows / Mais j’ai su faire mon chemin, j’ai pas regardé les autres », rappe-t-il sur la mordante Faut c’qui faut, une collaboration avec le Bruxellois Isha et le Parisien Lord Esperanza.
« Veux, veux pas, y’a des gens qui aiment pas ça que les autres réussissent. Ils vont passer une bonne partie de leur temps à essayer de trouver tes défauts, à t’envoyer chier dans leur salon. C’est drôle à dire, mais leur négativité m’inspire. »
Conscient que son succès instantané soulève les passions sur une scène rap qui nous a habitués aux mêmes têtes d’affiche pendant des années, FouKi accueille à bras ouverts l’engouement des derniers mois. Toutefois, le rythme intense des spectacles a bien failli avoir raison de son éternel optimisme il y a peu de temps.
« Du jour au lendemain, j’ai vécu un bon smash. Y’a même une semaine où j’ai eu envie de tout lâcher… Je me suis questionné et, finalement, je me suis dit que, tant qu’à travailler dans n’importe quel domaine qui me passionne pas vraiment, aussi bien tout donner pour travailler dans ce que j’aime pour vrai. Là, je suis vraiment actif, mais j’ai pas l’intention de faire un album et une tournée chaque année. J’ai peur d’arriver à 26 ans et d’en avoir ma claque ! »
« Je compte donc prendre des pauses, faire des trucs on the side. Je m’intéresse de plus en plus à l’acting, au doublage. Je veux aussi perfectionner mon studio et travailler avec des gens, leur donner des conseils, guider leur création, les aider à trouver des hooks, des flows… J’ai l’impression que le fait d’être devenu une personnalité publique peut m’ouvrir des portes, le genre de portes auxquelles j’aurais jamais eu accès sans diplôme et sans expérience. »