Article par Gillaume Moffet | mardi 26 janvier 2016
Jusqu’à il y a quelques mois, on connaissait Le Matos, duo électro montréalais composé des membres SOCAN Jean-Philippe Bernier et de Jean-Nicolas Leupi, comme un secret bien gardé, qui, au fil de parutions intéressantes et de remixes populaires – on se souviendra du lifting électro que les deux musiciens ont donné à Comme des enfants de Cœur de Pirate – faisait sa marque sur la scène indé canadienne.
Ça, c’était jusqu’à leur participation à la trame sonore du long-métrage que l’on pourrait désormais qualifier de culte Turbo Kid, film dont les inspirations sci-fi des années 80 donnait une avenue créatrice taillée sur mesure pour les expérimentateurs du Matos. Ainsi, à coup de synthés vintage, le duo rend hommage aux Vangelis et John Carpenter, faisant, du coup, leur marque à travers le monde, alors que le film connaissait une vie appréciable en festival (Sundance, SXSW et Fantasia, entre autres). Ce travail leur a valu récemment une nomination au gala des Jutra, dans la catégorie Meilleure musique originale.
Leur album Chronicles of The Wasteland auquel on a adjoint la trame sonore dudit film est parue en décembre 2015, permettant au duo de se démarquer non seulement avec ces vignettes kitsch qui remémorent les scènes post-apocalyptiques du film, mais également avec un lot de chansons originales dont un duo énergisant avec la chanteuse londonienne Pawws.
«On est présentement en studio pour faire la bande originale d’une série web pour TV5 qui se nomme « Exode ». C’est un sci-fi huis clos avec un feel rétro. Nous explorons nos amours pour les 80’s une fois de plus, mais avec une approche moins cheese et plus atmosphérique », explique le duo quand on lui demande ce à quoi il sera occupé en 2016, en ajoutant que les deux musiciens préparent un spectacle pour Chronicles of a Wasteland, en plus d’une poignée de projets d’albums et de trames sonores.
Ben Caplan : Le vieux routard apprivoise son côté auteur-compositeur
Article par Meredith Dault | mardi 26 janvier 2016
Nous sommes à la mi-janvier 2016 et Ben Caplan se trouve dans un concessionnaire Mercedes en Allemagne pour y faire réparer les freins du véhicule de location que son groupe, The Casual Smokers, et lui utilisent pour leur tournée. Rien de surprenant à ce que le véhicule ait besoin d’une mise au point : depuis leur arrivée en Europe à la mi-décembre, le groupe a pratiquement donné un spectacle par jour, si on ne tient pas compte d’une courte pause pendant les fêtes, et c’est loin d’être fini.
Une fois la portion européenne de la tournée complétée, Caplan et son amie, Taryn Kawaja, qui fait également partie de son groupe, se rendront directement aux États-Unis pour y donner des spectacles pendant un mois. Puis ce sera direction maison, à Halifax, pour une pause de 5 jours avant re reprendre la route au Québec – tout ça après avoir donné 60 spectacles un peu partout en Amérique du Nord au cours des deux mois qui ont immédiatement suivi le lancement de son deuxième album, Birds with Broken Wings, en septembre 2015é.
« Tout tourne autour de la scène. La seule façon dont je sais faire mon métier, c’est de monter sur scène chaque jour. »
S’il est épuisé, Caplan ne le laisse certes pas paraître. « C’est mon métier. Tout tourne autour de la scène », dit-il simplement. « La seule façon dont je sais faire mon métier, c’est de monter sur scène chaque jour. »
Adoré pour son enthousiasme et sa présence scénique – une récente critique dans TheGuardian le décrivait comme « un maître de cérémonie plus grand que nature » – sans parler de son exubérante barbe, on comprend tout de suite que c’est devant un auditoire que Caplan se sent chez lui.
Formé en théâtre, il repousse consciemment les limites lorsqu’il est sur scène, tel un fildefériste en équilibre entre l’absurde et l’authentique. « Les gens ont soif de connexion et mon côté absurde les incite à baisser la garde », explique-t-il, « mais il faut tout de même s’assurer de livrer quelque chose de vrai une fois cette garde baissée. »
C’est là qu’entre en scène l’art de l’écriture et de la composition. « C’est avec cet aspect que j’aimerais que les gens ressentent une connexion », explique-t-il, ajoutant que même si toutes ses chansons ne sont pas « personnelles », même celles qu’il décrit comme des « expériences intellectuelles », toutes sont une façon de communiquer des idées, peu importe le niveau de théâtralité sur scène.
Malgré toute son assurance sur scène, Caplan avoue sans ambages qu’il lui a fallu du temps pour accepter sa « voix » d’auteur-compositeur. Originaire de Hamilton, en Ontario, il a acheté sa première guitare à l’âge de 13 ans — « j’en jouais sans arrêt?! » — et peu de temps après il fondé un duo folk en compagnie de Joe Girard, un ami d’enfance qui a d’ailleurs participé à la création de la chanson « Deliver Me » sur Birds with Broken Wings. Girard était responsable des textes et Caplan, des mélodies.
Petit à petit, il a commencé à écrire ses propres paroles. « J’ai rapidement réalisé que c’était beaucoup plus excitant de chanter des paroles que j’ai moi-même écrites », se souvient Caplan. Lorsqu’il a emménagé à Halifax pour ses études universitaires, il avait totalement accepté l’écriture. Il lui aura fallu environ deux années pour écrire l’essentiel des chansons qui constituent le corpus de son premier album, In the Time of Great Remembering, paru en 2011.
Depuis, Ben Caplan a reçu d’innombrables éloges et louanges sous forme de nominations et de victoires dans plusieurs galas, dont notamment Artiste de l’année au Nova Scotia Music Awards en 2012 et Enregistrement de l’année par un artiste de la relève aux East Coast Music Awards en 2013, en plus de monter sur scène en compagnie de Symphony Nova Scotia à trois reprises – dont une où il a demandé sa femme en mariage –, en plus d’avoir joué au mégafestival britannique de Glastonbury, une expérience qui figure parmi les meilleures de sa carrière. En septembre 2015, sa chanson « 40 days and 40 nights », tirée de son plus récent album, a séjourné plusieurs semaines au Top 10 du palmarès Top 20 de CBC Radio 2.
Sur Birds with Broken Wings — dont la réalisation était assurée par Socalled (Josh Dolgin) — Caplan rend hommage à ses racines et citant plusieurs des mélodies qui ont bercé son enfance dans la communauté juive de Hamilton. Ce sont des musiques qui, a-t-il constaté, plaisent beaucoup aux spectateurs d’Europe où ses spectacles sont très fréquemment donnés à guichets fermés.
« Il y a un je ne sais quoi dans ce son folk de la Vieille Europe qui vient chercher les gens », dit l’artiste. « Je crois que c’est un peu plus étrange et exotique pour les auditoires européens et canadiens », poursuit-il, « quoique le côté exotique est plutôt nostalgique pour les Européens. »
Bien qu’il planifie la création d’un troisième opus — « il est en route, il doit bien être quelque part?! », rigole-t-il — Caplan est parfaitement heureux sur la route pour faire ce qu’il aime le plus tout en apprenant et en se laissant porter. « Pour le moment, c’est de la tournée et encore de la tournée. »
PVI
Discogaphie:Birds with Broken Wings (2015), Festivus Vol. 1 (EP, 2013), In the Time of Great Remembering (2011), Éditeur: N/A Membre de la SOCAN depuis 2007 Visitez le www.bencaplan.ca (en anglais seulement)
Photo par Melissa Gamache
Emilie & Ogden: Le charme et la grâce
Article par Patrick Baillargeon | jeudi 21 janvier 2016
Depuis qu’elle a fait paraître son premier album 10 000 en octobre 2015, la chanteuse et musicienne Émilie Kahn n’a guère eu de répit. Elle n’a pas tardé à prendre la route en compagnie d’Ogden (le nom du modèle de sa harpe celtique fabriquée par Lyon & Healy), assurant les premières parties du groupe montréalais Half Moon Run. Un long voyage qui l’a conduit de l’Europe jusqu’aux États-Unis.
Un brin réservée, la jeune femme originaire de Saint-Lazare s’exprime calmement, d’une voix douce, à l’image de ses chansons, touchantes et gracieuses. L’univers musical d’Emilie est propice au recueillement, à la rêverie, une folk indie pop voguant entre mélancolie et romantisme. Ses chansons, elle les a composées sur une période de trois ans. À l’époque, et malgré un EP fort bien accueilli à sa sortie en 2013, la musicienne doutait encore de son potentiel et de la portée de son travail.
« J’ai eu de gros moments de doute durant la création de 10 000. Quand j’ai signé avec Secret City (Patrick Watson, Jesse Mac Cormack…), je n’étais pas certaine encore de la qualité de mes chansons. Puis, petit à petit, j’ai repris confiance. J’ai choisi ce titre qui est aussi celui d’une chanson que j’ai composée alors que je me demandais souvent si j’arriverais à percer avec ma musique. Dans ce morceau, je chante «Ten thousand talents that you’ll never see, ten thousand talents that I’ll never be…». Y’a tellement de gens qui font de la musique! Donc même si je sais que je suis capable, je me disais que peut-être personne ne le remarquerait. Ce disque, c’est finalement l’antithèse de cette crainte ».
À l’instar du précédent EP, Emilie Kahn a fait appel à Jesse Mac Cormack pour la réalisation de l’album. « J’avais un autre projet musical avant et j’avais enregistré avec lui. J’ai aussi entendu d’autres choses qu’il avait enregistrées et je le trouvais vraiment génial », détaille Émilie à propos du prolifique réalisateur et musicien. «Donc, quand j’ai démarré Emilie & Ogden, je l’ai approché. Il est très jeune mais c’est un artiste très créatif! On a travaillé une grande partie du disque au Studio B-12; c’est une maison bizarre en pleine campagne avec des millions de pièces. On est demeuré là pendant une semaine. La majorité des voix ont été enregistrées dans un autre studio près de Morin-Heights avec Éloi Painchaud. C’est un processus qui a duré assez longtemps, un long chemin sinueux », admet Emilie au sujet de la gestation et de la genèse de 10 000. «L’album a dormi un certain temps dans un tiroir, car on ne savait pas trop si on allait trouver un label ou si on le sortirait nous-mêmes et finalement on s’est fait approcher par Secret City. »
Dans la foulée de la création de 10 000, Émilie Kahn s’est risquée à reprendre à sa façon la pièce Style de la pop star américaine Taylor Swift et d’éventuellement en faire une vidéo… qui a été vue plus de 325 000 fois sur You Tube.
« Je ne sais plus quoi penser… J’ai encore du plaisir à jouer cette chanson, reste que je n’ai pas envie d’être connue comme une célébrité YouTube. C’était super intense pendant un moment au début et c’était avant que je ne sorte l’album. Je me suis demandé si cela avait été une bonne chose et avec le recul je pense que oui. Je trouvais ça intéressant de prendre une chanson populaire et d’en faire une version complètement différente. En nuançant on arrive parfois à provoquer une autre émotion que celle de la version originale. Cette reprise a généré un petit buzz et a contribué à attirer l’attention des gens et des médias sur ma musique. »
« C’est en fait Taylor Swift elle-même qui a tout déclenché en retweetant simplement un lien avec ma reprise. Je me demande même si elle l’a vu! », s’esclaffe Émilie qui avoue d’emblée avoir un faible pour la pop sucrée. « J’ai écouté beaucoup d’artistes indie quand j’étais ado, St-Vincent, Feist, Metric… Je jouais déjà dans un groupe quand j’étais au secondaire et quand je réécoute ce que je faisais à l’époque je réalise que ce n’est pas si loin de ce que je fais aujourd’hui. Mais j’écoute aussi beaucoup de grosse pop comme Beyoncé, Drake et Taylor Swift bien entendu! »
« On m’a déjà dit après un de mes concerts que je fais des chansons pop mais orchestrées et interprétées de façon complètement différente. Donc ma musique rassemble pas mal toutes mes influences. »