Jon Vinyl n’a pas que de bons souvenirs de ses débuts en tant qu’auteur-compositeur. « Ça s’est passé horriblement », dit-il en riant. « J’avais énormément de difficulté à mettre mes émotions en mots, à trouver une mélodie accrocheuse et, en plus, à chanter dans la bonne tonalité. » Mais même si le processus a été ardu, la satisfaction que le jeune homme de Pickering, en Ontario, aujourd’hui âgé de 21 ans, a retirée de la création musicale « était incroyable » et il a tout de suite eu la piqûre.

Vinyl (né Jonathan Hamilton) a enfin trouvé une formule de création qui lui convient : son inspiration lui vient de sa vie quotidienne et s’exprime sous forme de vignettes R&B magnifiques et scintillantes. Influencé par les plus grands noms du genre, de Luther Vandross à Frank Ocean, le style de Jon Vinyl est songé et posé, il prend le temps de transformer ses impressions sur les romances passagères (« Cherry Blossom ») et ses expériences personnelles (« Nostalgia ») en vastes mélodies qui entraînent l’auditeur dans l’univers sonore personnel de l’artiste. « Ce qui compte le plus pour moi c’est que ma musique soit accessible », dit-il. « Le fait que mes paroles puissent aider quelqu’un qui vit quelque chose de difficile vaut la peine en soi. »

L’un des objectifs les plus importants de Vinyl est de se produire devant des milliers de fans qui chantent en chœur avec lui. C’est un processus qui prendra un certain temps, mais sa musique a déjà fait son chemin vers des milliers, et peut-être même des millions d’auditeurs lorsque, au début de sa carrière, un ami passablement célèbre de son école secondaire a parlé de lui sur ses réseaux sociaux : Shawn Mendes. Mendes a partagé la chanson « Nostalgia » avec ses fans, ce qui a donné un coup de pouce considérable à Vinyl. Leur amitié dure et compte toujours pour lui, et il affirme que Mendes et lui ont de « longues et profondes conversations » au sujet de la musique et de la vie.

« On discute des hauts et des bas de la création musicale, des paroles authentiques et du syndrome de la page blanche », confie-t-il. « Mais la chose qui nous frappe toujours après nos conversations, c’est que notre passion pour la musique est plus forte que tous nos doutes. »

Voilà une perspective et une confiance importantes à posséder alors qu’il prépare sa prochaine étape importante. L’année 2019 verra en effet la parution de son premier EP qui saura sans aucun doute trouver un auditoire prêt à chanter en chœur avec lui.



Bryan Adams et Jim Vallance ont écrit tant de chansons pop ensemble depuis 1979 que, comme le veut l’adage, ils pourraient le faire les yeux fermés. Mais il y a trois ans, le duo a accepté de piloter un projet dont ni l’un ni l’autre ne s’attendait à être un tel apprentissage et autant de travail : écrire la musique d’une comédie musicale sur Broadway, Pretty Woman : The Musical.

« Je pense que ni Bryan ni moi ne savions tout à fait dans quoi on s’embarquait », admet volontiers Vallance. « Nous n’avons entrepris aucun autre projet et nous avons très peu écrit pour d’autres à part Pretty Woman. Ç’a vraiment accaparé tout notre temps au cours des dernières années. »

La comédie musicale est inspirée de l’immense succès au box-office Pretty Woman, paru en 1990, mettant en vedette Julia Roberts et Richard Gere, scénarisé par J.F. Lawton et réalisé par le regretté Garry Marshall qui a joué un rôle clé dans le développement du spectacle sur Broadway jusqu’à sa mort en 2016. Il raconte l’histoire d’une brillante et fougueuse prostituée, Vivian Ward (interprétée dans le spectacle par Samantha Barks) et d’un homme d’affaires riche et ambitieux, Edward Lewis (Andy Karl) et il a été adapté pour la scène par le metteur en scène et chorégraphe lauréat de deux prix Tony, Jerry Mitchell.

« Nous devions tout simplement écrire les meilleures chansons que nous pouvions. » — Bryan Adams

Après cinq semaines d’avant-premières à Chicago plus tôt cette année, le spectacle est officiellement présenté sur Broadway depuis le mois d’août au Nederlander Theatre, et la critique est très positive. L’enregistrement de la distribution originale — que Vallance et Adams ont produit en à peine deux semaines aussitôt que le rôle masculin principal a été attribué et toutes les chansons finalisées — est maintenant disponible en format numérique et physique.

C’est le metteur en scène Mitchell qui avait le dernier mot et qui a conseillé à Adams et Vallance de ne pas être trop « rigoureux » – par exemple, si un acteur descend les marches d’un escalier en chantant, ne lui faites pas chanter « Me voici, je descends les marches d’un escalier » », explique Vallance. Il les a également empêchés d’être trop métaphoriques ou d’utiliser des mots vides de sens simplement parce qu’ils sonnent bien. « On pensait pouvoir en passer quelques-unes sous son nez, mais Jerry voit tout », rigole Vallance.

Les auteurs-compositeurs ont volontiers accepté les directions du metteur en scène dans la mesure où ils se savent exégètes dans cette discipline et malgré le fait qu’ils ne sont pas habitués à se faire dicter leur conduite lorsqu’ils enregistrent les albums d’Adams. Personne ne dit au chanteur de classiques internationaux comme « Cuts Like a Knife », « Run To You », « Summer of ’69 » et « Straight From the Heart » dont les albums se sont écoulés à 75 millions d’exemplaires de faire ses devoirs ou de changer ceci ou cela. « Dans une comédie musicale, chaque chanson, chaque strophe, chaque mot doit être au service de l’histoire », explique Vallance. « Le metteur en scène était intraitable à ce chapitre. »

Jim Vallance, Bryan Adams, Pretty Woman

Au travail sur Pretty Woman en studio. (Photo : Angie Bambii)

« Nous écoutions ce qu’il avait à nous dire, puis on retournait à la case départ et on écrivait une nouvelle ébauche », raconte Bryan Adams. « Les gens qui ont beaucoup d’expérience dans la création de comédies musicales comprennent le format, les boutons qui doivent être enfoncés tout au long du spectacle. Nous n’en savions rien, alors ce fut tout un apprentissage. Je ne dirais quand même pas qu’il y avait une règle immuable sur la façon de créer ce spectacle. Nous devions tout simplement écrire les meilleures chansons que nous pouvions. »

Vallance est toutefois moins avare de détails qu’Adams lorsque vient le temps de discuter du processus de création d’une comédie musicale, et il nous a avoué, dans une entrevue séparée qu’il y a bel et bien des règles. Voici ce qu’il a appris du metteur en scène.

« Il y a des tournants absolument critiques… Nous l’avons appris sur le tas. Le metteur en scène, le producteur et le librettiste ont tous été d’une grande aide, mais ils étaient également très pointilleux et s’assuraient que cochions les bonnes cases et touchions les bons points », poursuit Vallance.

« De toute évidence, le numéro d’ouverture est crucial. Il faut captiver l’auditoire, et ces paroles ont dû être réécrites deux ou trois fois sur une période de deux ou trois ans. Le résultat final n’est pas tout à fait celui de notre point de départ, mais le metteur en scène insistait pour que le personnage baptisé Happy Man soit de toute évidence un narrateur. Il est dans le numéro d’ouverture et, le temps de trois couplets, décrit Vivian et Edward, leurs origines et leur trajectoire. Il dit même “Soyez attentifs, je serai votre guide pour toute la soirée”. Ça, c’est le résultat final, mais ce n’est pas là que nous avions commencé. Le numéro d’ouverture est crucial. »

« Le dernier numéro du premier acte est également crucial, car il faut que les spectateurs en veuillent encore plus, vu que c’est l’entracte. La deuxième chanson de premier acte est ce qu’on appelle traditionnellement sur Broadway la chanson “I want” (je veux). Nous ne savions pas ça. Pratiquement toutes les comédies musicales jamais créées ont une chanson “I want”. Dans My Fair Lady, c’est “Wouldn’t It Be Loverly”. La chanson “I want” est la chanson où le personnage principal explique aux spectateurs, littéralement, ce qu’il souhaite, ce qu’il espère accomplir au fil des 150 prochaines minutes et tout au long de l’histoire », poursuit-il.

Les chansons de Bryan Adams au grand écran

  • « Heaven » et « Best Was Yet to Come » — A Night in Heaven, 1983
  • « Hiding From Love » — Class, 1983
  • « Try to See It My Way » — Voyage of the Rock Aliens, 1984
  • « Everything I Do (I Do It for You) » — Robin Hood: Prince of Thieves, 1991
  • « All for Love » — The Three Musketeers, 1993
  • « Have You Ever Really Loved a Woman? » — Don Juan De Marco, 1995
  • « Star » — Jack, 1996
  • « I Finally Found Someone » — The Mirror Has Two Faces, 1996
  • « Here I Am » — Spirit: Stallion of the Cimarron, 2002
  • « I’m Not the Man You Think I Am », « It’s All About Me », « Rely on Me », « Too Good to Be True », « Gift of Love » — Color Me Kubrick: A True…Ish Story, 2005
  • « It Ain’t Over Yet » — Racing Stripes, 2005
  • « Never Let Go » — The Guardian, 2006
  • « Mysterious Ways » — Cashback, 2006
  • « Way-Oh » et « By Your Side » — Jock of the Bushveld, 2011
  • « Nobody’s Girl » — TalhotBlond, 2012

« Nous avons écrit trois ou quatre chansons “I want”. Chacune d’elle survivait à cinq ou six mois de répétitions, puis le metteur en scène venait nous voir et nous disait “ça n’est pas tout à fait ça. Il faudrait que ce soit un peu plus ceci ou cela.” Ce n’est pas que nous ne nous étions pas efforcés de lui donner ce qu’il nous avait demandé, mais les paramètres changeaient. À mesure que les répétitions prenaient forme, que les rôles étaient distribués et que les acteurs apportaient leurs propres couleurs au projet, le metteur en scène repensait une scène et nous demandait d’écrire une toute nouvelle chanson. »

« La chanson “I want” a eu trois ou quatre incarnations en deux ou trois ans. Elle nous a donné beaucoup de fil à retordre. Elle s’intitule “Anywhere But Here”. L’autre tournant crucial est ce qu’ils appellent la chanson de 23 h. C’est l’avant-dernière chanson. C’est là que l’histoire trouve sa conclusion. Notre chanson s’intitule “Long Way Home”. C’est l’une des premières chansons que nous avons écrites et présentées, en 2015. Elle n’a subi pratiquement aucune modification tout au long du projet. Puis vient le numéro de clôture [“Together Forever”]. Il faut que les spectateurs rentrent chez eux remplis de bonheur. »

« Nous recevons une ovation debout tous les soirs, ce qui est chouette. J’imagine que notre numéro de clôture fait ce qu’il a à faire », conclut Vallance.

La trame sonore en deux actes — disponible en séquence, incluant le préambule et la reprise, sur Pretty Woman : The Musical (Original Broadway Cast recording) — propose les 20 chansons originales du spectacle, du numéro d’ouverture, « Welcome to Hollywood », à la grande finale, « Together Forever ».

Plusieurs d’entre elles sonnent typiquement Bryan Adams (« Ce qui est inévitable, puisque c’est notre style d’écriture », explique Vallance). La pièce « On A Night Like Tonight », aux accents tango, n’est pas sans rappeler son « hit » finaliste aux Oscars, « Have You Ever Really Loved a Woman? ». Plusieurs autres nous font sentir en terrain connu, du phrasé lyrique de ballades comme « Freedom » et « You and I » à la dose de rock de l’entraînant duo « You’re Beautiful », la non moins entraînante « Never Give Up » et la puissante « I Can’t Go Back ». Mais le duo créatif s’est également aventuré hors des sentiers battus du côté du jazz sur « Don’t Forget to Dance » et même du côté du rap sur « Never Give Up ».

« J’en suis fier », de dire Adams. « Ce fut beaucoup de travail. Ç’a été très amusant et je crois que la distribution est fantastique. On a parcouru beaucoup de chemin pour arriver où nous en sommes. Comme je disais l’autre jour, j’aimerais me jeter à corps perdu dans un autre projet de comédie musicale tout de suite, car je suis encore dans cet état d’esprit. »

Pourquoi pas Summer of 69 : The Musical? On pourrait notamment découvrir ce qui est arrivé à Jimmy et Jody et aux autres élèves de l’école…



« Did I stop to breathe? »

Ces premiers mots de Waltzing Disappointments, la première des neuf chansons du quatrième disque de Pascale Picard, The Beauty We’ve Found, sont pour le moins évocateurs.  « Une chanson qui parle de dépression, ça donne le ton, hein ? », clame-t-elle avec un brin d’ironie. « Le message est clair, poursuit-elle en parlant de son album: c’est là qu’on s’en va ! Ce n’est pas la dépression post-partum, mais j’ai déjà souffert d’épisodes dépressifs plus jeune. »

Pascale PicardEmballée par l’aventure en solitaire qu’elle mène depuis deux ans, Pascale Picard s’est façonné un fuselage tout neuf fait d’un alliage léger, dix-huit mois après avoir donné naissance à sa fille et quatre ans depuis son disque précédent, All Things Passed.

« Quand j’ai commencé à écrire des chansons, ce qui m’inspirait c’est ma douleur. J’ai eu une adolescence extrêmement tourmentée, j’étais vraiment malheureuse. Je parlais beaucoup du suicide pis des idées noires qui me hantaient. Mais c’était trop intense pour être exprimé en français. J’aurais fendu en deux. De le faire dans une langue seconde m’a permis de m’ouvrir davantage. Et mon anglais s’est amélioré au fil des ans. »

« Avoir un enfant, ce n’est plus juste moi dans mon petit univers, ça m’a énormément changé. Je suis rendue hypersensible en général, tout devient plus beau ou plus triste, je regarde tout avec une loupe dans le cœur. »

Tel un placard secret entr’ouvert, Picard dévoile sur cet album aérien et dépouillé le côté sombre de ses états d’âmes sur des nappes de piano et de cordes, quelques guitares de Simon Pedneault et un dialogue harmonique duveteux, sans surcharge sonore. Avec le complice idéal, le multi-instrumentiste Antoine Gratton, maestro des textures, qui a donné à l’écriture de la musicienne l’écrin musical adéquat.

« Les thèmes abordés sont plutôt sombres, admet-elle, je pense qu’on a tous besoin de voir les deux antipodes de notre âme. Mais ce n’était pas un objectif au départ de faire un disque plus dark. Dans cette optique, Antoine et moi on a vraiment connecté, on est allé à fond. Il a réussi à habiller les chansons sans dénaturer mes maquettes créées en préproduction ». Autrement dit: faire prendre la mayonnaise musicale à partir de règles non définies.

Enregistrées en deux sessions de six jours au studio b-12 à Valcourt (où fut conçu le projet collectif Sept jours en mai en 2015), les neuf chansons composées par l’auteure de Gate 22, son méga-succès, transcendent l’exercice. « Je ne voulais pas puncher de 9 à 5 ». Jeunes parents, Picard et Gratton ont emmené dans l’immense maison les grands-parents qui ont occupé les petits tandis que le tandem créatif s’échinait dans la pièce d’à côté.

« Je regarde tout avec une loupe dans le cœur. »

Elle nous partage pêle-mêle le fruit de ses inspirations: « The Beauty We’ve found, c’est un peu la chanson carpe diem de l’album: l’amour ce n’est pas permanent, mais il ne faut pas s’empêcher d’aimer quelqu’un pour autant. Witch Hunt, clairement une toune sombre, se sentir rejeté, l’intolérance des autres… La tempête, seule chanson en français qui raconte le décès de ma belle-mère suite à un cancer il y a trois ans. Too Little Too Late parle d’alcoolisme, des dommages collatéraux, etc. ».

On pourrait ajouter que sur la très country Rock Bottom, il n’y a pas de batterie et que In Town semble sortie d’un film de Tarantino. « Je raconte une histoire que je verrais bien en vidéoclip. Il y a un petit côté alternatif-trash que j’aime ».

Une chose est sûre, The Beauty We’ve Found est un indispensable disque de chevet. Ses textes sont plus aboutis, elle qui a travaillé avec Xavier Lacouture dans des ateliers d’écriture à Tadoussac. « C’est la première fois que je développe des outils pour écrire. Pour l’autodidacte que je suis, c’est un plus ».

Pascale Picard a aujourd’hui 36 ans. En 2007, lorsque Me Myself & Us est sorti, on le rappelle, elle fut propulsée avec ses chansons anglophones dans la stratosphère du showbizz avec un fort potentiel à l’international. Outre la contagieuse Gate 22, plusieurs hits radio de ce même disque ont attiré les projecteurs sur elle, fille de Québec qui a grandi à Sainte-Julie, puis Charlesbourg et Beauport avant de s’établir à Stoneham avec sa smala, point de chute pour la planchiste à neige assidue qu’elle est.

« Je me suis beaucoup fait demander Sorry cet été (en tournée solo), ça faisait longtemps que je l’avais jouée ! » Mais le contexte est très différent de ses débuts: « j’ai fait du bar pis je me faisais caller toutes sortes de niaiseries ».

Que dirait la Pascale Picard d’aujourd’hui à celle de 2007? « Je lui chanterais Whole (la dernière chanson du disque) qui parle de se faire confiance pis de s’écouter ».

Après ce généreux entretien de trente minutes, on n’allait pas terminer l’entrevue sans parler de Paul McCartney et du concert en 2008 qui soulignait le 400e anniversaire de la Ville De Québec ou The Stills et le Pascale Picard Band ont été invités à jouer en début de soirée. « Je me fais encore arrêter dans la rue pour ça. J’étais au top à ce moment-là. L’artiste du moment. On n’a pas fait de sound check. Il y avait des snipers sur le toit de l’hôtel Concorde ! Si Paul était venu une année avant ou après 2008, ce n’est pas moi qu’on aurait appelé. S’il était venu sur les Plaines cette année c’est Hubert Lenoir à qui l’on aurait demandé  ! »