Ça fait des années que le groupe post-punk torontois FRIGS prépare un album complet. Le groupe fondé il y a cinq ans et qui s’est déjà appelé Dirty Frigs a passé ses premières années à créer des tempêtes de bruit dans de petites salles comme le regretté Silver Dollar. Le groupe affirme d’ailleurs que c’est l’agent de spectacle de cette salle, Dan Burke, qui a contribué à lancer leur carrière lorsque ses membres ont quitté Montréal pour s’installer à Toronto. Quelques EPs plus tard, le temps était venu, l’an dernier, de commencer à penser à un album complet, mais le groupe devait répondre à une devinette : comment fusionner leur turbulent passé et leur nouveau son plus raffiné ?

« Nous savions que notre matériel est solide, mais nous ne savions pas si les chansons produites lors de deux séances d’enregistrement pourraient former un tout cohérent », explique le guitariste Duncan Hay Jennings. Il parle d’unifier des chansons enregistrées dans le studio maison du groupe en 2015-2016 et celles enregistrées durant leur collaboration avec le réalisateur Ian Gomes (Greys, Odonis Odonis) au studio Union Sound Company.

Lorsque FRIGS a fait ses premiers pas, le groupe était dans son élément au milieu d’une énergie sans bornes, de « reverb » vaseux et de sonorités expérimentales qui lui a valu des comparaisons à Sonic Youth. Mais Jennings admet que le groupe a élargi ses horizons, particulièrement en « explorant l’utilisation de la tension plus que jamais auparavant. C’est un élément central de nos spectacles — la dissonance, des changements dynamiques radicaux —, alors il est naturel que nous souhaitions que cela fasse partie de la “vibe” de l’album. »

Cet album, Basic Behaviour, a trouvé son équilibre grâce à Graham Walsh de Holy Fuck, qui s’est chargé du mixage. « Il a fait un travail remarquable et a ajouté juste la bonne quantité de mortier pour que le tout se tienne », ajoute Jennings.

Maintenant que FRIGS peut rayer un premier album complet de sa liste de choses à accomplir, le groupe pense déjà au prochain, espérant retourner en studio l’été prochain. « On a déjà cinq ou six pièces prêtes pour ce prochain album », affirme Jennings. « Elles ont presque toutes été jouées régulièrement, parfois même tous les soirs, pendant notre tournée, alors nous sommes vraiment confortables avec elles. Nous avons vraiment très hâte de coucher ces nouvelles pièces sur bande. »



Si le Rouynorandien Steve Jolin, rappeur et fondateur de l’étiquette Disques 7ième Ciel a prouvé qu’il était possible de devenir une référence rap hors des grands centres (il voit à la destinée de pointures comme Koriass, Alaclair Ensemble, Brown et Fouki), on peut quand même s’étonner de voir éclore un espoir du rap anglophone émerger de l’Abitibi-Témiscamingue. Car depuis quelques mois, le nom de Zach Zoya, 19 ans, né à Rouyn-Noranda et maintenant installé à Montréal, est de plus en plus souvent cité lorsqu’il est question de pointer les prochains buzz à surveiller.

Faisant maintenant partie de l’écurie 7ième Ciel, Zach Zoya égraine ses singles au compte-goutte et récolte des réactions plus qu’enthousiastes autant de la part des amateurs du genre (son premier single Superficial a atteint les 230 000 écoutes sur Spotify, alors que son second, Who Dat, a dépassé le cap des 100 000 écoutes en 1 mois), que des gros noms du milieu (il a assuré les premières parties de Loud, Bigflo & Oli, Alaclair Ensemble), High Klassified allant même jusqu’à lui donner la responsabilité vocale de son premier single 1919, lancée il y a quelques semaines par le label américain Fool’s Gold Records. Bref, il attire l’attention sur plusieurs plans.

« J’essaie toujours de glisser quelques références à ma ville natale dans mes chansons, explique Zach lorsqu’interrogé sur l’influence de sa terre natale dans sa proposition urbaine. Elles sont bien cachées parfois, mais très présentes. Aussi, je crois que le fait d’être l’un des seuls rappeurs anglophones de l’Abitibi m’a permis de développer un style unique. » Son style, alternant les passages rappés et chantés, un flow distinctif, une créativité impressionnante et une capacité à concocter des hooks accrocheurs, lui auront également permis de décrocher de belles mentions dans Noisey, Exclaim et Complex.

D’ailleurs, Zach Zoya ne cache pas ses ambitions d’exportation : « Je me suis toujours dit que mon but avec la musique est de rejoindre le plus de gens possible. Donc j’ai toujours voulu percer non seulement au Québec, mais à l’international également. Je voudrais que ma musique soit entendue partout. »

Dans les prochains mois, on pourra le voir sur plusieurs scènes estivales, dont le Festival d’Été de Québec, le Festival de Jazz de Montréal et le FRIMAT, et d’autres singles viendront certainement confirmer la rumeur positive à son sujet.



De nos jours, les mots « compte Twitter anonyme » évoquent toutes sortes d’associations louches, de photo trolls dont l’avatar est un œuf dt de « spambots » qui vomissent des #fakenews. Pourtant, lorsque Melissa MacMaster a commencé à furtivement commencé à publier des messages au sujet de la scène hip-hop haligonienne sous le pseudo @902HipHop en octobre 2014, c’était dans le but d’unir cette communauté, pas de la diviser.

Quake Matthews

Quake Matthews

La majorité des gens qui œuvrent dans l’industrie de la musique commencent par être des fans avant d’acquérir les compétences qui leur permettent de transformer leur passion en carrière. MacMaster a fait le chemin inverse. Native d’Antiginosh, elle était consultante pour le Centre for Entrepeneurship, Education, and Development de la Nouvelle-Écosse lorsqu’elle a mis sur pied un partenariat avec un organisme jeunesse à but non lucratif afin d’enseigner la gestion de PME aux créateurs en émergence. Bien que le programme était ouvert à tous les domaines, des arts visuels à la joaillerie, MacMaster a remarqué quelque chose au sujet des participants : la vaste majorité était des MC ou des producteurs de hip-hop.

Malgré une longue histoire avec le rap qui remonte aux années 80 et malgré le fait qu’un ou deux noms connus (Buck 65, Classified) en soient issus au fil des ans, Halifax n’a pas d’infrastructure centralisée qui permette aux artistes locaux d’avoir une carrière viable et de promouvoir la scène locale à l’étranger. MacMaster a donc réalisé qu’elle avait la chance de contribuer à sa construction. Il y avait cependant un problème avec son plan : elle ne connaissait alors pas la moindre chose sur le hip-hop haligonien.

« Quelqu’un m’a dit “tu as beaucoup de connaissances et de compétences en affaires, mais tu ne connais pas la moindre chose sur l’industrie de la musique” », se souvient-elle. « “D’où te vient ta crédibilité en tant que gérante d’artiste ?” Qu’à cela ne tienne, je suis tombée en amour avec la scène hip-hop et j’ai décidé de créer un compte Twitter, @902HipHop, pour promouvoir tout ce qui se passait sur la scène locale. Et c’est là que le “buzz” a commencé : “mais qui est @902HipHop ?” “T’as vu ça sur les réseaux sociaux ? Ils font la promo de notre concert !” Pendant six mois, personne ne savait qui j’étais. Je me cachais derrière ce compte Twitter, puis j’ai commencé à interagir et à travailler plus étroitement avec les artistes. Quake Matthews est devenu mon premier client officiel, et j’ai fait la transition vers la gérance. »

902 Hip Hop Roster
Ben G
Corey Writes
Devontée
Grant Keddy
Haviah Mighty
Jay Mayne
Kayo
MAJE
Matty Galaxy
Nicole Ariana
Quake Matthews
Shevy Price
Thrillah

Au cours des deux années qui suivirent, MacMaster à participé au circuit des conférences internationales et mis sur pied des partenariats avec des programmes d’exportation qui ont pris sous leurs ailes l’écurie d’artistes en pleine expansion de 902 Hip Hop pour présenter des vitrines un peu partout, de l’Utah à l’Europe. Et cette expérience lui a fait réaliser un problème endémique dans l’industrie du hip-hop : les obstacles logistiques chroniques que doivent surmonter les directeurs musicaux qui souhaitent obtenir des licences pour utiliser des pièces au cinéma et à la télé.

Comme MacMaster nous l’explique, « le principal problème est qu’il y a souvent des échantillonnages dans les pièces hip-hop, ou encore qu’il y a trop de co-créateurs sur une pièce, et les directeurs musicaux n’arrivent pas à en libérer totalement les droits. Ou carrément que l’artiste n’a pas les fichiers ! Il y a cette vraiment bonne pièce, et je dis, “j’aimerais l’instrumentale pour un placement”, et on me répond que c’est un “beat” trouvé sur YouTube, qu’ils ne savent pas comment joindre le créateur pour avoir le fichier original. J’entends parler de ces problèmes dans toutes les conférences auxquelles je participe partout dans le monde. »

Heureusement, ce sont là des problèmes que 902HipHop est dans une position unique pour résoudre, en grande partie en raison de l’isolement géographique — et donc de la nature tissée serré — de la scène locale.

« Je gère la carrière de plusieurs artistes hip-hop de hip-hop », explique MacMaster « et je sais que la majorité de leur musique est produite localement. Il n’y a donc aucun problème. Je peux passer un coup de fil à Dylan Guthro ou à n’importe quel producteur et leur demander “dis, y’a des ‘samples’ dans les ‘tracks’ de Quake ?” Personne d’autre n’offrait de guichet unique pour du hip-hop licenciable… et c’est là que je me suis dit “Eurêka !” »

Le résultat de ce « Eurêka » est désormais en ligne au 902hiphop.sourceaudio.com, et les directeurs musicaux y ont un accès facile à un catalogue de près de 400 pièces (au moment d’écrire ces lignes) par 12 artistes néo-écossais différents, toutes libres de droits et prêtes à être licenciées. On peut y effectuer des recherches selon divers critères comme le BPM, le genre, l’atmosphère, et bon nombre d’entre elles sont disponibles en version instrumentale et a capella. L’aspect central de la base de données permet également d’éviter d’avoir à transférer des fichiers via Dropbox ou Google Drive, tandis que l’interface utilisateur conviviale minimise le nombre de messages nécessaires pour conclure une transaction. Si un directeur musical aime ce qu’il entend, il n’a qu’à cliquer sur « License Now », et le tour est joué.

Matty Galaxy

Matty Galaxy

« C’est ce que je fais activement sur une base quotidienne, maintenant », de poursuivre MacMaster au sujet des activités de licence de 902 Hip Hop qui, grâce à un partenariat avec la maison d’édition britannique Split Music, a récemment placé une pièce du producteur Matty Galaxy dans une campagne publicitaire pour l’appli Trainline qui met en vedette le renommé « faux MC » britannique Big Shaq. De plus, comme le site simplifie au maximum les tâches administratives liées à un placement musical, MacMaster peut se concentrer davantage sur la création de nouvelles relations, que ce soit avec les créateurs de l’émission Atlanta ou dans la ville d’Atlanta, où la production télé et cinéma connaît actuellement un boom. La constante dans l’évolution de 902 Hip Hop — depuis sa naissance comme pseudo Twitter jusqu’à sa récente incarnation en tant qu’usine à licences musicales — est l’attitude « j’apprends sur le tas » de MacMaster.

« Au cours de la dernière année, je me suis concentrée sur l’évolution du catalogue du site et j’ai été très diligente dans mon travail auprès des directeurs musicaux, parce que c’est un tout nouveau monde pour moi », explique-t-elle. « J’ai appris la gérance en travaillant avec Quake et j’ai maintenant une autre opportunité, un autre domaine que je ne connaissais pas du tout et que je suis en train d’apprendre ! »