Jusqu’à il y a trois ans, l’artiste vancouverois Boslen s’orientait vers un tout autre avenir. Inscrit à l’Université de Victoria grâce à une bourse d’études sportives et jouant dans l’équipe nationale de rugby du Canada, il a vu s’écrouler son rêve de devenir un joueur professionnel de rugby après s’être déchiré le ligament croisé antérieur. Prisonnier de sa résidence étudiante durant son long rétablissement, il a commencé à se demander sérieusement ce qu’il allait faire de sa vie.

« La musique m’a vraiment aidé », reconnaît-il. « Elle m’a empêché de m’effondrer ou d’imploser. [Cette période de retrait] m’a vraiment forcé à agir et m’a inspiré l’idée de me tourner vers la musique. »

Non que la bascule de Boslen dans le rap et le R&B ait été une surprise totale pour ses intimes. Il avait commencé à faire du rap à 13 ans dans son patelin de Chilliwack, en Colombie-Britannique, sur des thèmes d’un enfant de son âge comme les punitions ou le fait d’avoir à faire la vaisselle. « C’était débile », concède-t-il en riant. « Aujourd’hui, par contre, j’ai un certain vécu. Je peux aborder des sujets dans lesquels les gens se reconnaissent et même, peut-être, les inspirer. »

Boslen s’est attaqué à la musique avec la fougue et la prouesse qu’il avait consacrées à sa carrière de joueur de rugby. Depuis le lancement de Motionless, son premier EP, en 2018, il s’est produit en compagnie d’artistes comme Rae Sremmurd, A$AP Rocky et Young Thug, et il a fait la première partie d’un spectacle de Cypress Hill à Vancouver devant plus de 100 000 spectateurs. Il est sur le point de lancer son premier album complet et de « faire honneur à Vancouver ».

Intitulé DUSK to DAWN et lancé dès cet été par l’entremise de Capitol Records/Universal Music Canada, cet album devrait confirmer la réputation de Boslen comme un artiste inclassable qui est aussi à l’aise dans le rap pur et dur que dans le R&B expressif ou la pop émotive. Côté paroles, il explore des thèmes profondément personnels comme la vulnérabilité, l’autonomisation, les relations empoisonnées et l’oppression.

« Comme jeune Noir et Autochtone élevé par une mère monoparentale, je me sentais obligé de jouer le rôle du maître de la maison, d’être fort et de ne pas montrer mes sentiments parce que je croyais que c’était un signe de faiblesse », explique Boslen. « Mais je pense que, avec cet album, le fait de m’exprimer à travers ma faiblesse sera la chose la plus forte que je puisse faire. Ce que je voudrais accomplir par-dessus tout, ce serait d’en aider d’autres à s’autonomiser ».



Originaire de France, ex-journaliste spécialiste des sports équestres, Xavier Debreuille est aujourd’hui directeur du développement et des éditions au sein de Musicor Disques, en plus de siéger au conseil d’administration de l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM). Il partage avec nous son expérience du métier et prodigue quelques conseils aux aspirants éditeurs et auteurs-compositeurs à la recherche du parfait partenaire éditorial.

Musicor, Logo« Le métier d’éditeur est mal compris, notamment des musiciens eux-mêmes », reconnaît Xavier Debreuille, qui s’est initié au complexe univers des éditions via le milieu de la télé sportive dans lequel il évoluait avant de s’installer ici. À une autre époque, remarque l’éditeur, les auteurs-compositeurs se tournaient naturellement vers les éditeurs; aujourd’hui, ceux-ci « pensent souvent pouvoir faire ce travail eux-mêmes parce qu’une idée reçue veut que l’éditeur, ça ne fait que leur prendre des sous, que ça ne sert à rien et que simplement en s’inscrivant à SOCAN, ça peut suffire ».

Cette perception est peut-être nourrie par une confusion des genres entre la maison de disque et la maison d’édition, croit celui qui, incidemment, travaille sur ces deux tableaux. « Évidemment, une œuvre vit beaucoup plus facilement à partir du moment où elle a été enregistrée. Donc, si c’est la maison de disque qui fait l’enregistrement et qui ensuite en assure l’exploitation, la commercialisation, la confusion des genres vient sûrement du fait que c’est la maison de disque qui fait le boulot, et pas l’éditeur. »

Il en revient aux éditeurs eux-mêmes de préciser l’importance du travail d’éditeur – notamment à travers les nombreuses formations professionnelles que prodigue l’APEM, une initiative « importante dans laquelle il faut que le milieu de l’édition s’engage encore plus fort. Les formations sont super, mais leurs succès relèvent encore de la démarche de ceux qui y participent, c’est-à-dire les membres de l’industrie qui ont déjà envie de s’informer davantage. La prochaine étape, je crois, c’est d’offrir ces formations au Cégep, dans plus de festivals. Il faut aller à la rencontre des artistes. »

Tout ça dans le but d’encourager et former la relève. « Un bon éditeur, c’est d’abord un bon gestionnaire. Quelqu’un d’extrêmement rigoureux et attentif aux détails, parce qu’il y a une grosse partie du travail qui relève de l’administration, qui s’ajoute au volet artistique. C’est de la gestion, administrative, mais humaine, aussi: on travaille avec des artistes, tous uniques, avec leurs égos, avec des auteurs-compositeurs qui peuvent parfois aussi souffrir de vivre dans l’ombre » des interprètes.

« Il ne faut pas hésiter à essayer autre chose, à aller voir ailleurs »

Aux aspirants éditeurs, Xavier Debreuille offre deux conseils. Le premier : « Mettre les choses au clair avec les auteurs-compositeurs dès le début de la collaboration. Ne pas attendre le succès ou l’insuccès – lequel est d’ailleurs souvent plus facile à gérer – pour que l’éditeur et l’auteur s’entendent finalement. Avant même d’entrer en studio pour commencer une collaboration, il faut que l’éditeur discute avec l’artiste, ou que les éditeurs de deux différents artistes se soient parlé, pour bien établir les règles du jeu. Ce que je dis-là n’a rien d’artistique, mais c’est important. »

« Autre conseil que j’aimerais donner aux éditeurs : favoriser les collaborations entre auteurs-compositeurs. Je crois qu’il est important que ceux-ci élargissent leurs horizons sur le plan de la création. C’est sûr que lorsqu’on trouve un mix qui fonctionne bien, un compositeur et un auteur qui travaillent bien ensemble disons, c’est tentant d’encourager cette collaboration, mais il ne faut pas hésiter à essayer autre chose, à aller voir ailleurs. »

Pour y parvenir, Musicor Disques invite régulièrement des auteurs-compositeurs à participer à des camps d’écriture en vue de l’enregistrement de l’album d’un artiste interprète – ce fut le cas pour ceux d’Alexe Gaudreault (révélée lors de la première saison de La Voix, en 2013) et de Geneviève Jodoin (gagnante de la 7e saison de La Voix). « C’est comme ça qu’on évolue, sinon on finit par tourner en rond. »

« Tout revient aux relations humaines », rappelle Xavier Debreuille. « Il faut que l’auteur-compositeur ait confiance en son éditeur. Après, moi, j’essaie d’être le plus réaliste possible avec les auteurs lorsqu’ils m’approchent. Je leur explique le travail que je fais. Je ne leur raconte pas que tout sera facile, il n’y a rien de garanti. »



Post ScriptAmour fatal, paru le 14 avril dernier est leur premier EP exclusivement en français depuis les trois pièces qu’ils avaient lancées en 2013. À leurs débuts, ils ont sorti un album bilingue en 2015, des singles en français, puis un EP anglophone en 2019. Le duo franco-albertain Post Script fabrique des mélodies qui savent vivre dans toutes les langues. Alors qu’ils pourraient s’apitoyer sur leur état insulaire, Paul Cournoyer et Steph Blais embrassent leurs attraits uniques, prêts à jouer toutes les cartes pourvu que la musique soit dans le paquet.

Faire partie de la scène culturelle, en Alberta, c’est faire partie d’une petite famille. « J’ai grandi dans une famille francophone, dit Steph. Ma tante faisait un spectacle chaque année pour les francophones du coin. J’ai commencé la musique comme ça. Les écoles sont très impliquées avec les programmes de musique aussi. C’est beau de voir que même si on n’est pas plusieurs, il y a un noyau qui produit du nouveau matériel et qui veut que ça dure. »

« Il y a des gens qui nous ont inspirés, ajoute Paul. On nous a donné l’exemple qu’on pouvait chanter dans les deux langues aussi. Pour nos demandes de spectacles, c’est plus approprié parfois de jouer en anglais, mais on a tout ce qu’il faut pour pouvoir jouer les deux cartes. »

Là où les difficultés se font sentir, c’est lorsque vient le moment de bâtir un réseau. « Il y a une scène intéressante de festivals en été en Alberta, mais on n’a pas de réseau de salles de spectacles comme le ROSEQ au Québec, précise Paul. C’est impressionnant de voir ce que les artistes ont comme possibilités là-bas. » Avec une population plus petite, même pour se produire en anglais, les salles ne pleuvent pas. « On n’a pas de salle de spectacle moyenne, renchérit Steph. On peut jouer devant 50 personnes ou bien dans un stade. À part à Edmonton ou Calgary, il n’y a pas d’industrie, pas de label, sauf pour le country anglophone. » « Ça pourrait être pire, mais ce n’est vraiment pas parfait », complète Paul.

Même s’ils font de la musique depuis plusieurs années, Paul et Steph sont toujours heureux d’incarner l’émergence musicale de l’Ouest, conscients que les opportunités y sont moins tangibles. « Sur Avec toi, d’ailleurs, on parle de quand on était quatre dans une chambre d’hôtel pour faire de la tournée. C’est pas toujours facile l’émergence », rigole Paul.

Le texte et la musique naissent en même temps pour le duo, peu importe la langue dans laquelle ils écrivent. « On est vraiment du genre à accrocher sur la mélodie, dit Paul. C’est du travail collaboratif. On complète souvent les idées de l’autre. » C’était ensuite un choix créatif de se rendre à Moncton pour enregistrer le EP avec Benoit Morier. « Il vient de Winnipeg et c’est vraiment un gars passionné, soutient Paul. On voulait réimaginer nos arrangements avec lui et pousser notre fil conducteur indie rock, surf rock. Maxime Gosselin qui joue aussi avec Lisa LeBlanc a travaillé avec nous. On s’est vraiment donné une cohérence en choisissant ces gars-là. »

Si Louis-Jean Cormier, Jimmy Hunt, Chocolat et Peter Peter inspirent beaucoup Paul, ce sont les voix de Cœur de pirate, Safia Nolin et Les sœurs Boulay qui influencent davantage Steph. Dans tous les cas, l’inspiration musicale francophone, pour eux, prend racine dans l’est du pays. Le duo a laissé passer la pandémie avant de sortir ses « tounes en banque ». « Comme on avait fait un EP exclusivement en anglais, on avait le goût de faire du franco, lance Paul. Ça aide avec les ressources humaines, faire un album juste en français ou juste en anglais. Ce n’est pas facile de promouvoir un album bilingue. »

La vie sur la route, l’amour à distance, les horaires opposés font partie des sujets qui ont inspiré le couple pour ce EP. Bien qu’elle ait été écrite avant la pandémie, Échos nous enchaîne à nos espoirs de jours meilleurs avec des phrases qui s’insèrent à merveille dans l’époque : « je m’étouffe sous le poids de mes attentes », « est-ce une fin que je vois à l’horizon ». Si j’te disais nous laisse entendre les deux voix d’un couple séparé par les kilomètres. Un amour qui s’attend et s’entend malgré la distance.

La route et les concerts leur manquent, mais Paul et Steph ont répété et ils sont prêts pour la suite. « Heureusement, on est en couple ensemble donc on a pu jouer, rigole Steph. On est sur un kick créatif, autant en français qu’en anglais et on pense vraiment que de retrouver le sens de la communauté, après la pandémie, ça va juste faire grandir notre désir de faire de la musique pour les gens, devant les gens. »