Article par Guillaume Moffet | jeudi 21 juillet 2016
On connaît Aliocha Schneider principalement pour son travail d’acteur notamment à la télé québécoise, mais aussi dans une poignée de longs-métrages français ou encore anglo-canadiens (Closet Monster, prix du meilleur film canadien au Tiff en 2015) et québécois (Ville-Marie, avec Monica Belluci et Pascale Buissières). Il s’est même mérité l’honneur d’avoir été sacré « Rising star » du Tiff en 2015. La jeunesse canadienne a d’ailleurs fait de lui l’un de ses chouchous à la suite de ses rôles marquants dans quelques productions québécoises, dont Taktik, Yamaska, Les Parents et Le Journal d’Aurélie Laflamme.
Le petit frère de Niels a un C.V. tout désigné pour que la prochaine étape le mène à Hollywood ou sur la Croisette, mais un chemin différent se dessine pour le jeune homme de 22 ans : la chanson !
« J’ai écrit ma première chanson à 15 ans en m’inspirant des accords de Lay Lady Lay de Bob Dylan, explique Aliocha, qui, dans sa carrière musicale, n’utilise que son prénom. Je m’occupais alors d’animer les soirées dans un camp de vacances et j’ai pu tester ma chanson le soir même autour du feu en la glissant subrepticement entre mes reprises de Cat Stevens, Jack Johnson ou John Lennon. Le lendemain j’ai entendu un campeur fredonner mon refrain. Ça peut paraître anecdotique, mais ça m’a fait un effet incroyable ! Ça m’a donné confiance et m’a surtout donné envie de répéter l’expérience. »
Ainsi, armé de ses chansons et d’un contrat de production chez Audiogram et d’édition chez Éditorial Avenue, il s’alloue les services de Samy Osta, réalisateur français responsable entre autres des derniers albums de Feu! Chatterton et de La Femme, et nous proposera, le 9 septembre prochain, un premier EP.
Questionné quant à savoir ce qui l’inspire dans l’écriture de chansons, le jeune auteur-compositeur répond : « Les sentiments, les sensations et les pensées nous traversent si vite et ce qui m’intéresse, ce que je recherche, c’est de pouvoir mettre la main sur ces choses informes et éphémères en les cristallisant dans une chanson pour pouvoir les sentir à nouveau et – si c’est réussi – les faire sentir aux autres. »
Si ce premier EP sera complètement en anglais, Aliocha n’exclue pas la possibilité d’un jour composer dans la langue de Molière : « J’ai effectivement plus de facilité en anglais ; ça m’est, étrangement, plus naturel. Les artistes francophones que j’admire ont tous une façon très personnelle et singulière de chanter la langue. Je n’ai pas encore trouvé la mienne. Mes tentatives ressemblent à du « wannabe » Jean Leloup. Je ne pourrais pas non plus reprendre une de mes chansons et y coller un texte en français. J’ai essayé – ça ne marche pas – même avec du Prévert », explique le chanteur, conscient qu’on lui posera la question à plusieurs reprises au fil des prochains mois.
Avec ces perches qui sont déjà tendues vers la France – le EP sort simultanément sur les deux territoires cet automne – il y a fort à parier que l’Hexagone risque de tomber rapidement sous le charme du blondinet. « On est déjà en train de monter une équipe là-bas, label, booking etc. Mais voilà, c’est important pour moi d’être sur les deux pays étant né en France et ayant grandi au Québec. »
Et la suite ? Qu’est-ce que la deuxième moitié de 2016 lui réserve ? Il conclut : « Faire le plus de shows possible ! Je compte passer un peu de temps en France cet automne. Et puis après ce sera l’album ! »
Andrew Allen : écrire pour extérioriser ses émotions
Article par Meredith Dault | mardi 26 juillet 2016
Andrew Allen n’avait que 12 ou 13 ans lorsqu’il a réalisé le pouvoir de la musique pour la première fois. Étudiant le piano depuis la maternelle, Allen a rapidement eu envie d’explorer autre chose que le répertoire classique et a commencé à explorer le monde de la pop — souvent des musiques tirées de films de Disney. « Tout le monde les connaissait et pouvait chanter en chœur », se remémore-t-il au sujet de ses premières prestations pour sa famille et ses amis. « C’était la plus merveilleuse sensation du monde. »
C’est également à ce moment qu’il a réalisé que la musique ne lui permettait pas seulement d’exprimer ses émotions : il pouvait également s’en servir pour aider les autres à faire de même.
Aujurd’hui âgé de 35 ans et comptant quatre EPs et un album à son actif, Andrew Allen, qui est sous contrat avec Sony/ATV, est toujours guidé par le même principe : il écrit des chansons pop honnêtes qui expriment des sentiments réels. Cette approche lui a permis de trôner au sommet du palmarès adulte contemporain canadien à trois reprises en plus de partager la scène avec Bruno Mars, OneRepublic et Barenaked Ladies tout en se bâtissant un auditoire de fans loyaux, mais surtout loyales.
Andrew Allen est né et a grandi à Vernon, en Colombie-Britannique, et il a commencé à écrire ses propres chansons après s’être procuré une guitare électrique (« au grand dam de mes parents qui auraient voulu que ce soit une guitare acoustique ») et avoir formé un groupe de musique alors qu’il était au secondaire. Quelques années plus tard, à l’âge de 21 ans, il a épousé celle qui est devenue Julia Allen après l’avoir courtisée pendant 8 mois. « Mes amis dans le groupe me disaient “Mec, c’est ta Yoko Ono” », raconte-t-il en riant. « Mais je me souviens m’être dit “Je ne vois pas pourquoi je devrais arrêter la musique”. »
Il a tout de même arrêté et, après avoir adopté un mode de vie de 9 à 5, c’est Julia qui, sentant son agitation, l’a poussé à reprendre sa carrière musicale. Il s’est acheté un ordinateur et a décidé d’enregistrer un album à l’aide du logiciel GarageBand. « J’ai créé tout l’album alors que j’avais un emploi à plein temps. » Encore au début de la vingtaine, il a ensuite dévoué son énergie à la tournée, « je jouais n’importe où, dans les boîtes de nuit, les églises, même dans des maisons privées. J’y allais à fond », raconte l’artiste.
« Impossible d’écrire au sujet de la vie si vous ne la vivez pas. »
C’est durant cette période qu’il a écrit une chanson intitulée « Not Loving You », une chanson qu’il décrit comme une lettre d’excuses à sa femme pour avoir passé si peu de temps avec elle. Impressionnée par cette chanson, Julia a contacté le producteur Jeff Dawson au sujet de l’enregistrement d’un album, mais il n’avait pas le budget requis pour retenir ses services. Il a décidé d’emprunter juste assez d’argent pour l’enregistrement d’un EP qu’il a intitulé Andrew Allen, tout simplement.
Le risque a porté ses fruits et sa musique s’est rendue sur le Top 40 adulte contemporain canadien. Peu de temps après, Allen a pris contact avec un représentant de EMI et ila été invité à se rendre à Nashville pour sa première séance de coécriture en studio. Sur place, il se souvient de s’être demandé « c’est vraiment ce que vous faites?? Vous vous assoyez et vous écrivez des chansons ensemble?? »
Mais Allen avait ce qu’il fallait. Au bout d’une séance de quatre heures, celui qui écrit « beaucoup de chansons au sujet de l’amour véritable, pas au sujet d’aventures » est ressorti du studio avec en main le démo de son « hit » de 2012, « Loving You Tonight ». Plus de 100?000 exemplaires ont été vendus et la chanson a séjourné dans le Top 10 adulte contemporain canadien pendant 22 semaines, lui méritant au passage un contrat avec Sony et le catapultant du coup sur la marché de la radio américaine.
Ainsi, en 2012, Andrew et Julian Allen se sont installés à Los Angeles afin qu’il puisse se concentrer sur l’écriture pour d’autres artistes. Et bien qu’il ait créé quelques centaines de chansons et qu’il est très reconnaissant de la chance qu’il a eue de collaborer avec des producteurs de haut niveau, il a également réalisé qu’il n’était pas en amour avec le fait d’écrire pour les autres.
« J’en suis venu à la conclusion que la raison pour laquelle j’écris, à la base, est pour exprimer une idée ou une émotion que j’avais besoin d’extérioriser. Lorsque je faisais ça, les gens étaient touchés. C’était un peu comme écrire des cartes de souhaits pour Hallmark : j’exprimais ce qu’ils n’arrivaient pas à exprimer. »
Mais à l’opposé, Allen dit qu’il avait beaucoup de difficulté à canaliser précisément ce que d’autres artistes tentaient d’exprimer avec leur musique : « Je me disais : “Je veux écrire mes paroles, et s’ils vous conviennent, alors allez-y, utilisez-les.” » Malgré tout cela, il a persévéré et a connu un certain succès. On peut entendre des chansons d’Andrew Allen sur l’album « Atmosphere », mis en nomination aux prix Grammy en 2013, par Kaskade, un artiste du domaine de la musique électronique, sur le deuxième album de l’auteur-compositeur britannique Nick Howard ainsi que sur l’album « Ad Occhi Chiusi », certifié double platine, de l’artiste italien Marco Mengoni (« ma musique traverse les barrières linguistiques, c’est magnifique »), pour ne nommer que ceux-là.
Andrew et Julia sont de retour en Colombie-Britannique, à Port Moody, et sont désormais parents (leur premier enfant est né il y a neuf mois), et il est clairement plus à l’aise lorsqu’il monte sur scène pour ses fans. Il repart sur la route cet été en compagnie du batteur Dan Oldfield (et d’un « selfie stick » : sa tournée est très bien documentée) pour faire la tournée des festivals et des salles de concert. Il a également hâte de repartir en Éthiopie, cet automne, son deuxième voyage avec l’organisme caritatif Canadian Humanitarian. Son premier voyage s’inscrivait dans le cadre d’un concours : deux fans pouvaient l’accompagner afin d’y assister à un concert qu’il donnait avec et pour des enfants là-bas.
Quant à ses objectifs à plus long terme, Andrew Allen refuse de trop se commettre à quoi que ce soit de trop spécifique. « L’industrie de la musique change si rapidement », explique-t-il. « J’ai des objectifs, mais je ne me mets pas trop de pression, parce que si je fais ça, je risque de faire des compromis ou de forcer des choses à arriver qui ne le devraient pas. »
Il y a quelques endroits où il rêve de jouer — notamment le célèbre Red Rocks Amphitheatre, au Colorado —, et il adore pouvoir faire salle comble uniquement grâce à sa musique, mais il ajoute illico qu’il ne veut pas que la poursuite de son rêve l’empêche de profiter des bons moments de la vie.
« Impossible d’écrire au sujet de la vie si vous ne la vivez pas », dit-il. « Je suis à un moment de ma vie où j’ai besoin de vérité et d’écrire ce que j’ai envie d’écrire. Et pour le moment, je me concentre sur ce qui est réellement important. »
Photo par Jen Squires
Chloe Charles : Créer du plus Profond de L’âme
Article par Errol Nazareth | jeudi 21 juillet 2016
Chloe Charles aurait très bien pu créer un des albums les plus émotivement dévastateurs des dernières années, et on lui aurait pardonné. Mais ce n’est pas ce qu’elle a fait, et With Blindfolds On est le reflet de son irrépressible esprit créatif.
En moins d’un an, la chanteuse qui partage son temps entre Toronto et Berlin a perdu plusieurs membres de sa famille, des tragédies sur lesquelles elle revient dans sa pièce « Through Your Eyes ».
La chanson a été écrite « pour gérer d’étranges et confus sentiments de deuil, et aussi pour ma famille », confie l’artiste. « Chaque couplet s’adresse à un membre différent de ma famille et est écrit dans la perspective que lorsque l’on perd quelqu’un, on ne perd pas seulement cette personne, mais aussi une partie de soi, car plus jamais personne ne vous verra avec les yeux de cette personne. Chaque fois que je chante cette chanson, je pense aux membres de ma famille. Je pense à eux, j’entends leur voix, leur rire. C’est très exigeant, parfois, mais la plupart du temps je me sens très près d’eux lorsque je la chante. »
En plus de ses deuils, Charles, dont la mère était blanche et le père noir, doit également gérer le subtil racisme qu’elle perçoit quelquefois dans l’industrie de la musique, particulièrement de la part des équipes de marketing qui ne savent pas trop quoi faire avec elle. Ces expériences se manifestent dans plusieurs chansons de l’album.
« Les gens se trompent sur moi en raison de la couleur de ma peau et tentent à tout prix de me classer uniquement dans le jazz, le soul ou le R&B avant même d’avoir entendu ma musique », raconte-t-elle. « Pourtant, je fais une musique qui n’a pas de race et qui ne devrait pas en avoir. On me presse souvent de créer de la musique avec une sonorité différente, quelque chose de plus cohérent, qui soit mieux formatée pour la radio, quelque chose de plus facile à mettre en marché. »
« Je souhaite que les gens sortent de mon spectacle avec un sentiment qui va au-delà d’avoir simplement été divertis. Je veux qu’ils se souviennent de ces émotions et qu’ils les traversent à mes côtés. »
Chloe Charles raconte qu’on lui sert souvent la même rengaine — « On adore ta musique, mais on a aucune idée de la façon de la mettre en marché » — et elle la trouve ridicule, « parce que si tu es bon en marketing, tu devrais pouvoir trouver une façon créative de mettre en marché un produit que tu trouves bon. »
Malgré cela, Chloe Charles jouit d’un immense succès d’estime. Elle a lancé son album autoproduit With Blindfolds On, son deuxième, lors de deux spectacles à guichet fermé au chic cabaret The Burdock, à Toronto, en mai 2016. Pour publiciser ce lancement, elle a réussi à se faire inviter à chanter en direct durant une des dernières émissions de Canada AM sur les ondes de CTV ainsi qu’à un article dans le magazine NOW. Son premier album, Break the Balance, paru en 2013, a été encensé par la critique dans Billboard, l’édition allemande de Rolling Stone, Mojo, The London Times et Elle. Elle a complété d’importantes tournées européennes et a remporté le prix Sirius/XM Indie Award et le Soundclash Award du Harbourfront Centre.
Selon elle, les artistes sont plus libérés stylistiquement que jamais et elle est convaiuncue que « la musique a besoin de s’entourer de gens créatifs qui apprécient la découverte, l’expérimentation et le risque plutôt que d’approcher la musique et ses artisans comme un produit. » Elle fait fi des esprits étroits et ne vit que selon sa philosophie voulant que la musique doit être « créative, sans peur et prête à toujours repousser les limites. » Il n’est donc pas surprenant que With Blindfolds On soit un joyeux amalgame de pop, de folk, de musique électronique, de pop orchestrale et de R&B qui plaira à tous ceux dont les goûts musicaux ne sont pas cantonnés à un un seul genre.
Les vraies vedettes de ses albums demeurent toutefois sa voix chaude, polyvalente et extrêmement captivante, ainsi que son écriture foncièrement honnête. C’est sur sa chanson « Black and White » — qui a remporté l’édition 2014 du John Lennon Songwriting Contest dans la catégorie Pop — que cela est le plus évident. Elle a créé cette pièce en collaboration avec son ami et lui aussi membre de la SOCAN, Steve Fernandez, un an après la mort de son père. Difficile de ne pas avoir le cœur brisé en l’écoutant raconter la genèse de cette chanson.
« J’étais déchirée par toutes sortes d’émotions : la douleur, la colère, l’abandon », confie-t-elle. « Nous avons eu une longue discussion et j’ai raconté à Steve l’histoire de ma relation avec mon père. J’ai exprimé des choses que je n’avais jamais eu le courage de dire à mon père de son vivant. Steve a noté certaines choses que je lui racontais et nous avons créé cette chanson à partir de ces bribes. »
Chloe Charles affirme créer des chansons qui « viennent me chercher émotivement, qui sont en partie enracinées dans une véritable expérience, afin que je sois capable de partager ce sentiment de manière authentique avec l’auditoire. » « Je souhaite que les gens sortent de mon spectacle avec un sentiment qui va au-delà d’avoir simplement été divertis. Je veux qu’ils se souviennent de ces émotions et qu’ils les traversent à mes côtés. »