En plein cœur d’une intense tournée nord-américaine, le DJ et producteur Frédérik Durand (alias Snails) se démarque à l’international avec le « vomitstep », un anti-genre musical qu’il a développé après avoir tenté de reproduire les sons métalliques de son maître à penser Skrillex.

Snails

Joint au téléphone à Albuquerque, alors qu’il s’apprête à donner 20 spectacles en 21 soirs, le Montréalais originaire de Sainte-Émélie-de-l’Énergie semble tout particulièrement enthousiaste. Et avec raison. Depuis la sortie de son premier album The Shell en octobre dernier, celui qui s’était habitué aux festivals et aux premières parties est maintenant la tête d’affiche d’une tournée au budget de près d’un million de dollars.

« Le défi, c’était de convaincre les gens qui m’ont vu dans les trois dernières années de venir à un vrai show de Snails. Jusqu’à maintenant, c’est vraiment au-dessus de mes attentes : 6500 personnes à Seattle, 3000 à L.A., 2300 à Vegas… De voir tous ces gens-là un soir après l’autre, ça me redonne de l’énergie. C’est ça qui me donne un boost quand je suis fatigué. »

Au-delà de leur présence, c’est la gentillesse et la fidélité des fans qui motivent Frédérik Durand. En guise d’offrande de leur part, il a reçu un nombre impressionnant de « kandys », ces bracelets et pendentifs artisanaux emblématiques de la culture des ravers et de leur leitmotiv « PLUR » (Peace, Love, Unity, Respect). « C’est une marque de respect vraiment énorme [de recevoir ça]. C’est pas une mode très répandue à Montréal, mais aux États-Unis, c’est vraiment la folie. Je m’étais amené un petit coffre pour les ranger, et il est presque plein… et on n’est même pas encore à la moitié de la tournée ! Ça montre que j’ai une audience vraiment passionnée. »

Loin de tenir son public pour acquis, le musicien et graphiste de 29 ans a mis le paquet pour sa tournée, en développant un concept scénique atypique autour de son alter ego Slugz. Héros d’une planète d’escargots menacés par un régiment de grenouilles venant de mettre la main sur la lance de sel, une arme spéciale qui pourrait les anéantir, celui-ci devra entreprendre un voyage dans le cosmos pour se rendre sur la planète Sluggtopia, où se trouve l’armure (« The Shell ») qui protègera son peuple.

« Le show est découpé en six chapitres, et j’ai monté des visuels et des montages sonores qui mettent en perspective l’histoire. Au début, il y a des bruits de guerre, des jeux de lumière, un vaisseau spatial qui s’allume… » explique celui qui, pour l’occasion, a travaillé avec deux compagnies montréalaises, Solotech et 4U2C. « Je voulais absolument pousser mon concept au maximum afin d’en donner le plus possible au public. C’est un peu en réaction aux nombreux shows d’artistes EDM que j’ai vus dans les dernières années. Leur mise en scène, c’est souvent juste de la boucane et quelques visuels. Des fois, je me demande si c’est moi qui suis trop bizarre ou bien eux qui sont trop relax. »

L’influence Skrillex

Chose certaine, Snails n’a pas la même approche ni le même parcours musical que ses collègues. Guitariste à l’adolescence, il a été happé par Led Zeppelin et The Doors, avant de découvrir « des groupes plus lourds et intenses » comme Metallica et Slayer. À la fin de son adolescence, l’electro fougueux des Boys Noize, The Bloody Beetroots, Justice et autres MSTRKRFT lui apparait comme une révélation, à l’instar du dubstep d’un certain Skrillex quelques années plus tard.

« Quand j’ai vu que son projet Scary Monsters and Nice Sprites avait réussi à entrer dans le Billboard 200, ça a piqué ma curiosité. Il arrivait sur une scène underground avec l’intention de tout démolir, de tout révolutionner. Le son qu’il avait, personne ne l’avait jamais fait, et moi, ça m’obsédait… à un point tel où je tentais de refaire les mêmes sons que lui ! Finalement, j’ai jamais été capable (rires), mais c’est un mal pour un bien, car c’est comme ça que j’ai développé mon propre son. »

Ainsi est né, après plusieurs essais et erreurs, le « vomitstep », un anti-genre qu’il s’est lui-même forgé afin de se différencier des autres courants électro qu’il juge trop restrictifs. Construit à l’aide de son synthétiseur « throat », ce style musical s’apparente au dubstep, mais s’en éloigne par ses basses plus gutturales, ses influences trap et ses sons moins métalliques. « Y’a quelque chose de plus organique et granuleux dans le vomitstep. Tu peux vraiment entendre la matière, comme si t’étais dans la gorge de quelqu’un. Bref, c’est assez bizarre à expliquer », concède l’artiste, en riant.

De plus en plus reconnue, cette signature musicale a fait son chemin jusqu’aux oreilles de Skrillex il y a quelques années. Appelé à venir collaborer avec son idole alors qu’il était de passage à Los Angeles, Snails se souvient encore du stress qui l’habitait lors de ce premier échange, qui s’est matérialisé sur la chanson Holla Out du premier et seul album de Jack Ü, feu projet collaboratif de Skrillex et Diplo.

« Je suis resté 30 minutes sur le bord de la porte après avoir dit allô. J’étais sans mot. Le gars qui avait changé la musique électronique était là, devant moi », se rappelle-t-il, encore ému. « Après, Diplo et lui m’ont montré quelques démos sur lesquels travailler et, sans surprise, j’ai choisi le plus bizarre. J’me suis assis sur leur petit divan et, par erreur, j’ai créé un son qui, finalement, est devenu le son principal de la chanson. J’ai composé ça en vingt minutes et, pendant les trois heures suivantes, j’osais pas le leur faire entendre. Skrillex m’a mis en confiance, et on a fini par jammer ensemble jusqu’à 10h30 du matin. »

Fort de cette expérience, qui lui a valu des remerciements de la part des deux artistes lors de leur double victoire aux Grammy l’an dernier, Frédérik Durand se dit privilégié d’avoir réussi à se tailler une place de choix sur le circuit électro international. Malgré tout, il avoue être un peu déçu du manque d’engouement médiatique québécois à son égard. « On n’est jamais roi dans son propre pays et, sincèrement, je m’attendais à ça, car j’ai l’impression que ma musique a une portée plus anglophone », estime celui qui entamera le sprint final de sa tournée actuelle au MTELUS le 28 décembre prochain. « C’est certain que j’aimerais avoir plus de rayonnement à Montréal, que le monde d’ici reconnaisse plus la valeur de mon travail, mais je suis loin de m’arrêter à ça. Ça m’amène juste à travailler plus fort. »



Voilà plus de 10 ans que le trio punk-country-rock WD-40 n’avait pas offert de nouveau matériel. L’arrivée de La nuit juste après le déluge…, cinquième album sociofinancé en moins de 72h (!) marque le retour d’un des derniers groupes-cultes férocement indépendants encore actifs issus de la vague rock alternatif québécoise du début des années 90. Rencontre avec Alex Jones, qui, avec son inséparable frère Jean-Lou et le batteur/archiveur/responsable des communications/et toutes autres tâches connexes Hugo Lachance, sortait à peine de scène, lors d’un lancement mémorable (comme aux premiers jours) au Lion d’Or, à Montréal.

En 2018, WD-40 fêtera ses 25 ans d’existence, de survivance, de rock, de chansons devenues des classiques de l’underground, d’excès, de dérapages pas toujours contrôlés, de demi-succès avorté et de shows parfois mythiques, parfois pathétiques, mais toujours à la hauteur de la réputation d’authenticité qui a guidé ce groupe originaire du Saguenay depuis ses débuts.

À l’écoute de La nuit après le déluge…, on sent bien que ce retour inattendu n’a pas été motivé par l’appât du gain ou une quelconque envie de surfer sur la nostalgie d’une époque révolue. Non. À travers la grande majorité de ces 10 nouvelles chansons, on sent un vécu récent, encore douloureux, peut-être exprimé avec plus de poésie et de subtilité que lors des épisodes précédents, mais de manière tout aussi intègre qu’avant face aux sentiments écorchés de son auteur, le chanteur et bassiste Alex Jones, qui ne peut s’empêcher de donner du vrai en pâture à qui voudra bien l’entendre.

La genèse de cet album du retour remonte à il y a deux ans alors qu’Alex vivait une rupture amoureuse difficile : « Le trois quarts des tounes de l’album ont été écrites pendant l’année de ma séparation », raconte Alex dans le hall d’entrée du Lion d’Or où les fans de la première heure le saluent à tour de rôle en empruntant le chemin de la sortie, non sans avoir acheté un t-shirt au kiosque de merch en passant. « On est revenus ensemble elle et moi depuis… Mais c’est vraiment l’album où je me suis le plus mis à nu, c’est l’histoire de ce que j’ai vécu, l’histoire de ma vie. C’est toujours ce que j’ai fait, c’est juste qu’aujourd’hui, c’est plus lourd de conséquences.

Quand t’as vingt ans pis que tu pars sur la brosse pis que tu trompes ta blonde, c’est une chose. Mais quand t’as 40 ans pis que tu trompes ta blonde, c’est autre chose, y a des enfants dans le portrait, y a une hypothèque qui n’est pas payée… C’est le poids de tout ça, c’est la recherche de l’équilibre, essayer de refaire marcher tout ça qui m’a inspiré pour les textes de La nuit juste après le déluge… Je ne l’ai pas décrit mot pour mot comme sur mes premiers albums, mais j’ai plutôt essayé de graver l’essence du sentiment que j’avais. Je me suis ramassé devant rien, je suis tombé aussi profond dans l’abime que quand j’étais héroïnomane… C’est la douleur et le manque qui me fait créer. »

« La seule chose qui fait que je suis intéressant, c’est quand je fais de la musique, sinon je suis un total nobody. C’est ce qui donne un sens à ma vie et c’est ce qui rend mes filles fières de moi. »

Mais la douleur et le manque, s’ils ont souvent été les moteurs de création d’Alex Jones, ont aussi été ses pires ennemis dans le passé. L’homme est tombé plus d’une fois au combat de la dépendance aux substances servant à compenser ses manques et à engourdir sa douleur. À un point tel qu’il n’a pas pu suivre le rythme : « J’avais plus rien, j’avais même vendu mon linge ! Mais je me suis refait, j’ai fait autre chose que de la musique, j’ai eu des enfants, je me suis acheté un bungalow en banlieue, je me suis investi dans les téléséries québécoises (NDLR : notamment pour la série Au secours de Béatrice) en montant les échelons, en partant de technicien au décor jusqu’à la direction artistique, pis ça m’a aidé énormément, ça m’a fait vivre pendant quatre ans. »

Musicalement, il faut bien avouer que si WD-40 est tout à fait reconnaissable sur La nuit juste après le déluge…, on y remarque une tendance plus assumée pour les influences rockabilly et psychobilly. Un nouvel embranchement stylistique qui s’intègre parfaitement à la personnalité musicale du répertoire du groupe et qui trace les contours d’une personnalité plus définie à l’album : « Je voulais aller vers ça et j’avais approché Yann Perreau pour lui offrir de s’impliquer au niveau de la réalisation, raconte Alex. Je l’ai rencontré dans un café le matin et il m’a invité chez lui, on a bu du rhum, on a écouté les versions démos des tounes dans sa cuisine, et c’est lui qui m’a incité à exploiter plus le côté rockabilly. Finalement, il a pas pu nous aider à réaliser l’album, par manque de temps, mais je l’ai écouté ! C’est sa contribution à l’album, je l’adore Yann! »

C’est finalement Mingo L’Indien, claviériste et guitariste du groupe de « rock pétrochimique » Georges Leningrad qui s’est chargé de l’enregistrement, de la réalisation et du mixage de La nuit juste après le déluge… Un choix qu’Alex Jones ne regrette pas une seconde malgré la personnalité particulière de l’homme : « Mingo c’est un homme insaisissable, un homme vraiment très étrange. Les sessions de création et d’enregistrement se sont étalées sur trois ans, ça nous prenait quelqu’un pour toute ramener ça pour que ça finisse par ressembler à quelque chose. Et il a fait un beau travail. »

Au final de cette entrevue improvisée, Alex Jones n’en démord pas. WD-40, c’est sa vie. Si son désir de reconnaissance est maintenant plus raisonnable quant aux perspectives de connaitre le véritable succès populaire (il rêve maintenant d’être invité à Belle et Bum !), il n’en demeure pas moins convaincu que sa place est sur un stage, peu importe lequel, là où on voudra de lui et ses acolytes, pour célébrer l’effet cathartique du rock et le partager avec ses semblables.

« La seule chose qui fait que je suis intéressant, c’est quand je fais de la musique, sinon je suis un total nobody. C’est ce qui donne un sens à ma vie et c’est ce qui rend mes filles fières de moi. Ça fait que tant qu’on va m’appeler pour aller jouer quelque part, je vais y aller. Je veux pas attendre 11 ans avant de faire un autre album. C’est ce que j’aime le plus faire de ma vie pis ça va continuer. La vie est excessivement courte. Il faut faire quelque chose maintenant. Si tu ne fais rien maintenant, il ne se passera rien après. »

WD-40 sera en spectacle le 2 mars, au Lion d’Or dans le cadre de Montréal en Lumière.



La nouvelle a eu l’effet d’une bombe. Le 24 mai 2016, nous apprenions que Gord Downie, le chanteur et parolier du groupe The Tragically Hip, était atteint d’un cancer du cerveau incurable. Il est mort le 17 octobre 2017 à l’âge de 53 ans, et le pays en entier a pleuré son départ. Les larmes versées auraient suffi à remplir un sixième Grand Lac, immense et profond.

L’impact de la musique des Tragically Hip sur les Canadiens est tout aussi immense et profond que ce Grand Lac des Larmes — appelons-le le Lac Rymal : neuf albums #1, sept simples #1, 13 simples dans le Top 10 et 16 Prix JUNO. La télédiffusion du dernier concert dans la ville natale du groupe, Kingston, pour la tournée Man Machine Poem, le 20 août 2016, qui sera sans doute leur tournée d’adieu, a été vue par 11 millions de Canadiens, près du tiers de la population du pays.

Ce soir-là, j’étais parmi la foule au Legendary Horseshoe Tavern de Toronto, et tous les yeux étaient rivés sur les télés de l’établissement durant ce concert d’adieu. Lorsque les dernières notes du groupe ont cessé de résonner et que les membres du groupe ont salué la foule, Gord Downie est demeuré seul sur scène afin de faire ses adieux. À quelques pas de moi, à ma droite, une femme se couvrait la bouche de sa main, les yeux pleins d’eau. Elle n’était pas la seule. D’un bout à l’autre du pays, nous nagions tous dans ce Lac Rymal.

The Tragically Hip, avec Gord Downie comme poète en résidence, ont écrit des chansons qui provenaient tout droit de l’âme même de notre nation. Comment ? En suivant un vieil adage : écris ce que tu sais, écris qui tu es. Ce faisant, bon nombre de leurs chansons ne sont devenues rien de moins que des icônes culturelles arborant le sceau d’approbation que représente le fait de les entendre chanter autour d’un feu de camp. « Bobcaygeon », « Wheat Kings », « 38 Years Old », « At the Hundredth Meridian », « Ahead by a Century », « Fifty-Mission Cap », « New Orleans is Sinking », et j’en passe.

Les meilleures chansons créent des liens. Elles nous rassurent que nous ne sommes pas seuls dans les hauts et les bas de la vie. La musique de Gord Downie et des Hip crée des liens à l’intérieur même de nous, non seulement en tant qu’être humains, mais également en tant que Canadiens. Évitant le chauvinisme ou le patriotisme à outrance, elles racontent des histoires qui parlent de nous et des lieux où nous vivons – joyeuses et douloureuses, épiques et ésotériques, magnifique comme des montagnes majestueuses et bizarres comme tant de petites villes et leurs idiosyncrasies.

Même si les paroles de Downie étaient souvent paraboliques et cryptiques, elles nous transportaient toujours ailleurs. Nous voilà enfermés dans le coffre d’une voiture. Nous voilà tombant d’une chute d’eau dans un baril. Nous voilà encore dans un club, observant une danseuse nue s’effondrer dans une quinte de toux avant d’assister aux confessions du survivant d’une catastrophe nautique. Les chansons des Tragically Hip nous font vivre des perspectives fascinantes et extraordinaires.

Les mots de Downie prenaient souvent un certain type d’expérience — viscérales et furtives — avant de les raconter avec un aplomb poétique. Cracher du haut d’un pont, juste pour avoir une idée de la distance (« Cordelia ») ou cette « dangereuse attirance » que nous ressentons lorsque nous regardons au-delà du bord d’un précipice. Elles savaient également être intelligemment poignantes « Well, she was nineteen seventy/Burning like a cigarette long season » (NDT, nous ne tenterons même pas ici de traduire librement afin de ne pas causer d’injustice à la poésie de ces mots). Que dire d’une des chansons les plus aimées du groupe, « Ahead by a Century », où les paroles de Downie s’amusent avec le temps et les accords de verbes de manière presque cubiste, passé, présent et futur se juxtaposant comme des images sur de minces feuilles de papier ciré.

La poésie est une manière de voir. Il est évident, à la lumière de son écriture, et même sa manière de parler, que Downie voyait le monde à travers des yeux de poète. D’ailleurs, outre l’écriture de chansons, Downie était également, cela va de soi, un poète qui a publié un recueil de poèmes qui a atteint le statut de best seller, Coke Machine Glow, en 2001.

Lors d’un passage sur les ondes de l’émission Q à la CBC, il avait dit : « ce qui m’intéresse, c’est la façon dont les mots me font sentir, et de tenter de les capter d’une certaine manière, sans trop d’intervention, sans laisser mon intellect diminuer leur puissance évocatrice. » C’est ainsi que même quand ses paroles étaient énigmatiques, elles avaient tout de même une charge émotive. Le langage, l’imaginaire — peu importe ce que ça signifie — nous parlait.

« La musique unit les gens. Mon rôle, peu importe ce que je fais, est d’aider les gens à se rapprocher. » — Gord Downie en entrevue avec The Winnipeg Free Press, le 31 mai 2016

Les dernières années de sa vie, alors qu’il savait que son temps dans ce monde tirait à sa fin, Gord Downie a choisi de les consacrer à la musique. Mais c’est la nature des projets musicaux qu’il a choisi d’entreprendre qui donne la pleine mesure de l’homme.

Lorsque le soleil s’est levé au lendemain du dernier concert des Hip à Kingston, il a entrepris son travail sur le projet Secret Path, un projet qui comprenait un album, une bande dessinée (en compagnie de Jeff Lemire) et un film portant tous sur l’histoire vécue d’un garçon ojibwé de 12 ans nommé Chanie Wenjack qui est mort de froid en tentant de rentrer chez lui a pied après avoir fui les mauvais traitements qu’il subissait dans un pensionnat du nord de l’Ontario en 1966. Downie a créé des musiques qui racontent la douleur qu’ont vécue nos frères et sœurs des Premières nations dans le système des pensionnats ; son travail, sa musique, au service de la réconciliation.

Son dernier projet, complété avant sa mort et lancé de manière posthume en octobre, s’intitulait Introduce Yerself, un recueil de chansons sur des personnes spécifiques qui comptaient pour lui. Downie, une fois de plus, rendait hommage aux liens et à l’amour qui faisaient partie de sa vie.

« La musique est un point de ralliement populaire — son essence profonde permet aux gens d’entrer en contact avec ce qu’il y a de mieux en eux et de donner une voix à l’amour qu’ils ont dans leur cœur. » — Gord Downie, en entrevue avec Bullfrog Power

À son meilleur, c’est ce que la musique accomplit : elle crée des liens, recalibre et réconcilie. Elle nous transporte — littéralement. Elle nous transpose d’un endroit, une pensée, une émotion, une perspective, à une autre. Elle nous rapproche d’une version améliorée de nous-mêmes, de notre personnalité la plus humaine et sensible, même si ce n’est que le temps d’une chanson. C’est alors à nous d’intégrer cette émotion, de la préserver et de la partager. C’est un autre genre de réconciliation : réconcilier qui nous sommes au quotidien avec cette version améliorée de nous que nous révèlent les chansons et l’art, cultiver ce que nous avons de meilleur et l’incorporer de plus en plus à notre vie quotidienne.

Gord, ta musique fait partie de nous. Tu fais partie de nous. Tes chansons nous permettent de célébrer nos meilleurs moments et d’accepter nos pires. Nous continuerons de chanter tes mots et de danser cette folle danse avec toi à travers les mystères de ce que nous représentons les uns pour les autres, et nous le ferons ensemble, parce que ta musique nous rapproche et nous aide à nous réconcilier qui nous souhaitons être et qui nous sommes.