« Pas t’m’entir, j’m’en foutais de la musique / J’suis gêné, je déteste l’attention », lance Shreez sur Plankton, percutant single de son premier album solo On frap. En deux lignes, le rappeur lavallois résume sa personnalité avec justesse, l’air de dire qu’il faudra trimer dur pour l’aborder. « Je suis un gars gêné, pas très sociable », confirme-t-il, au bout du fil. « Mais les entrevues, c’est mieux qu’avant. Je suis rendu habitué. »

Sa famille, elle, n’est toujours pas habituée à le voir devant les caméras ou sur les planches. « Ils n’y croient toujours pas… Pour eux, c’est un mystère que je sois capable de faire des spectacles, car j’étais tellement timide quand j’étais jeune. Mais à un moment donné, je me suis habitué, c’est tout. »

Bref, si Shreez est maintenant un rappeur, c’est une question d’habitude. Élevé au son de la côte Est américaine (Nas et Wu-Tang Clan notamment), l’artiste québécois de souche haïtienne a admiré Young Jeezy, Gucci Mane et 50 Cent à l’adolescence, avant de découvrir Chief Keef et toute la scène drill de Chicago, un dérivé plus sombre et cru du trap.

Loin de passer ses soirées à freestyler dans les parcs, comme le présupposent la plupart des histoires classiques du hip-hop, Shreez avait alors une attirance marquée pour le domaine de l’informatique. Ses amis Young Mic, Le Ice et, par la suite, Tizzo sont venus changer le cours de son destin. « À force de traîner avec eux en studio et de les voir chanter, j’ai décidé d’embarquer. Pour le fun, pour passer le temps. »

En 2018, Shreez est aux côtés de Tizzo lorsque sa carrière explose avec Ça pue, On fouette (Prix de la chanson SOCAN 2019), Pour un chèque et autres succès de leurs mixtapes collaboratives 51tr4p Fr4p50 et Fouette Jean-Baptiste, parues à quelques semaines d’intervalle.

« On habitait ensemble à ce moment-là, sur Henri-Bourassa. On s’est fait mettre dehors après trois mois, car on faisait trop de bruit. Les gars faisaient des instrus jusqu’à 5 heures du matin », se rappelle-t-il, amusé.

C’est là que le changement de cap s’est opéré. D’un jour à l’autre, Shreez a arrêté de se foutre de la musique. « Quand j’ai vu que ça marchait, ça m’a donné de la confiance… La confiance de dire que je pouvais faire ça de ma vie. Autrement, j’aurais pas continué. J’aime pas perdre mon temps. »

ShreezAmbitieux, le rappeur de 26 ans sait se faire concis, dans ses entrevues comme dans ses textes. « Mets-toi où tu veux / Mais jamais dans mon chemin / Ton opinion, garde-la pour toi / Comme Benjamin, j’m’en bats les reins », proclame-t-il sur Partie, y allant d’une référence pour initiés à une chanson du rappeur montréalais Benjamin Dokey (Bat les reins).

Cet état d’esprit autosuffisant l’a guidé durant la confection d’On Frap. « Je suis quelqu’un de têtu. Je fais à ma tête, mais je suis pas stupide non plus. S’il y a un conseil qui a du sens, je vais l’appliquer… Mais je veux toujours prendre mes décisions. »

Les productions d’Alain, P.C., DiceFly, RKT Beat, Ruffsound et Alex DaGr8 sont venues l’aider à prendre des décisions éclairées. « Tout part des instrus. Je force absolument rien : j’écoute un beat que je reçois et, si j’ai pas 2-3 bars qui me viennent en tête à la première écoute, je passe au suivant », explique celui qui a enregistré la majeure partie de l’album au légendaire studio de l’ingénieur de son M-Press Live dans le quartier Saint-Michel.

C’est d’ailleurs ce dernier qui aurait sorti Shreez de sa zone de confort sur Rose, l’une des chansons les plus mélodieuses de l’opus. « M-Press veut toujours que je chante », dit-il, en riant. « C’était pas quelque chose de naturel pour moi avant, car on choisissait toujours des beats plus trap avec Tizzo. »

Mais le registre d’influences du Lavallois, un très grand fan d’artistes au croisement du rap et du R&B comme Tory Lanez, va bien au-delà des tendances trap et drill. Omniprésente sur les compositions d’Alain (Rose, J’en dis, Caramel), la guitare donne une couleur originale à ses nouvelles pièces. « Le pire, c’est que c’était même pas voulu [qu’il y ait autant de guitares] ! Alain m’a envoyé plein de beats, et je me suis rendu compte par après qu’il y avait de la guitare sur presque tous ceux que j’ai choisis. »

Entre On frap et La vie gratuite, sa première mixtape solo parue en janvier 2019, l’évolution est notable. Beaucoup moins sombre et graveleux que son prédécesseur, qui regorgeait de références au commerce illégal et à la fraude informatique, le nouvel opus aborde des thématiques plus grand public… ou, disons, un peu moins nichées.

L’intro LVG 2Q (acronyme pour La vie gratuite 2e quart) fait le pont entre les deux projets. « J’avais des CVV pis des logs / Jamais eu les mains dans la drogue », y rappe Shreez, histoire de dissiper tout doute sur son passé. « L’intro, c’est une transition. Je fais pus ça, je vis pus de ça. Maintenant, je rappe », assure-t-il. « Il y a le Shreez d’avant et le Shreez de maintenant. »

« Né pour briller, j’l’ai réalisé récemment / Si j’ai changé de voie, c’est pas juste pour moi, c’est pour mes parents », confie-t-il, juste après sur Diamants. « Toute ma famille écoute ma musique, donc j’essaie que ce soit moins cru. Je le fais aussi pour mon enfant, même s’il ne comprend pas encore mes textes. »

On frap incarne un important changement dans la vie de Shreez. Outre l’amour du «kush», qu’il rappelle sur la puissante Loud, un seul élément semble relier « le Shreez d’avant et le Shreez de maintenant » : l’ardeur au travail.

« On frap, c’est comme ‘’on fouette’’, ça s’applique à tout le monde. C’est le concept de travailler dur. Que tu aies une job de bureau de 9 à 5, que tu fraudes ou que tu sois une danseuse, tu frap », énumère-t-il, à propos de l’expression emblématique de son argot. « Maintenant que je suis dans la musique, je travaille tout le temps. Pendant l’entrevue, y’a mon boy qui va venir me chercher pour aller au studio. Je vais aussi y aller demain, après-demain, après-après-demain… Je prends jamais de break. »

Appelons ça un service essentiel.



L’équipe de Paroles & Musique est ravie de vous présenter une nouvelle série intitulée « Les choix du mois de la SOCAN » dans laquelle nos représentants A&R nous proposent leurs plus récentes découvertes musicales par des membres SOCAN qui les ont particulièrement impressionnés. Nous espérons que cela vous donnera envie de les découvrir et d’explorer leur travail.

Moneyphone
Moneyphone
Ce duo torontois nous propose de jolies chansons qui défient les genres
Voir la vidéo de la pièce « Indecision »
Écouter Moneyphone

Sael
Sael
Rappeur montréalais qui aime les excursions dans le dancehall, le trap et le reggae
Voir la vidéo de la pièce « Coller coller »
Écouter son album Le pommier d’Ève

Hunnah
Hunnah
Des « vibes » R&B et soul éclectiques en provenance de Brampton, Ontario
Voir la vidéo de la pièce « Think About It »
Écouter Hunnah

Jarrel The Young
Jarrel The Young
Du R&B alternatif en provenance de Toronto
Voir la vidéo de la pièce « One Step »
Écouter Jarrel The Young

kmoe
kmoe
De l’hyper pop entraînante proposée par un jeune vancouvérois de 16 ans
Voir la vidéo de la pièce « iced tea »
Écouter kmoe

 



Les garçons ne pleurent peut-être pas selon Tedy, mais ils rêvent cependant beaucoup : l’auteur, compositeur et interprète qui a récemment quitté Montréal pour se rapprocher de la business musicale torontoise lance ces jours-ci Boys Don’t Cry après avoir été repéré par Sony Music Canada.

Il y a la voix, stridente et sensible, il y a chez Tedy la manière surtout, passionnée, enflammée, théâtrale. Il ferait un malheur dans une production de Broadway, ça saute aux oreilles. « Je pense que j’ai traversé une période très dramatique de ma vie lorsque j’ai composé ces chansons, et ça s’entend dans la musique, dit-il. J’ai besoin d’être le plus authentique possible, et si c’est ainsi que ça sort, que ce soit ainsi. »

Né en Haïti, Tedy a grandi en Floride autour de neuf ans, où il a fait une grande partie de sa scolarité (« C’est là où j’ai passé le plus de temps, la Floride a fait une grande partie de qui je suis aujourd’hui ») avant d’emménager avec sa famille à Montréal, où il a passé la dernière décennie. « Le Canada, c’est chez moi », considère le musicien nomade, qui comprend parfaitement le créole et parle fort bien en français, « mais c’est plus difficile pour moi de le parler parce que je réfléchis en anglais; les mots me viennent d’abord dans cette langue ».

C’est donc en anglais qu’il choisit de s’exprimer en musique; dans sa manière de chanter, estime-t-il, on pourrait déceler une influence caribéenne, « mais ce serait inexact de dire que mon style est caribéen – quoiqu’à l’avenir, c’est quelque chose que je pourrais bien explorer. Toutes les options sont ouvertes! »

Ben tiens : ce n’est que le début de l’aventure pour Tedy, qui doit nous raconter comment il est ainsi passé de l’anonymat à signer un contrat de disques avec Sony  – un anonymat bien relatif puisque le musicien affirme qu’il cumulait « presque 50 millions d’écoutes de mes chansons » en ligne avant d’obtenir son contrat. « J’ai toujours gardé le profil bas – en fait, je suis quelqu’un de très insécure. Je suis toujours resté derrière la scène, même que je n’avais jamais publié de photo de moi, préférant lancer mes chansons en ligne. Je composais mes chansons tout seul, dans l’obscurité, je les enregistrais dans ma chambre et les mettait sur le web sans même en faire la promotion. Les gens en faisaient ce qu’ils voulaient; qu’ils sachent qui je suis ne m’importait pas, je voulais simplement qu’ils ressentent quelque chose à travers ma musique. »

Cela va de soi, on ne signe pas avec une major pour demeurer dans l’ombre. Par un de ces heureux hasards de la vie, sa voix a retenu l’attention de quelqu’un chez Sony, et voilà Tedy s’affichant dans des clips et accordant des entrevues. Il a tout dévoilé, jusque dans son intimité – avec la parution de son premier single Boys Don’t Cry, il annonçait à ses supporteurs sur le réseau TikTok appartenir à la communauté LGBTQ+. Les six chansons de ce premier EP abordent beaucoup ça, le désir de s’affirmer, une vision autre de la masculinité. « Avant, je ne croyais pas être capable d’accomplir tout ça », de parler d’une voix franche et de chanter d’une voix encore plus affirmée. « Aujourd’hui, je me sens plus fort. »

Pour Tedy, l’interprétation autant que la musique accompagnant sa voix doivent raconter une histoire. À l’origine, il chantait sur des productions chopées sur le web, « certaines que je retravaillais de mon côté ». Il bosse désormais avec des compositeurs et coréalisateurs attitrés, notamment les Torontois Mike Wise (Ellie Goulding, The Chainsmokers) et Herag Sanbalian. « Une expérience formidable que de pouvoir travailler avec eux, abonde Tedy. Pour la première fois, je pouvais commencer à bâtir des chansons de la base, partir de rien, et créer quelque chose qui était très près de moi et de ce que vis », des chansons qui expriment sa vulnérabilité, le désespoir qu’il a déjà ressenti, « des chansons qui me permettent de raconter qui je suis, comment j’en suis arrivé là et ce que je traverse aujourd’hui. »

Et ça ne fait que commencer! Cet EP en est un de transition pour le musicien, « mais maintenant que toute cette douleur est sortie de moi à travers les chansons, le prochain projet sera musicalement plus varié », prédit Tedy, qui cite Rihanna, Taylor Swift, The Weeknd, Dua Lipa et Justin Bieber comme inspiration.