Le 14 septembre 2017 à la soirée des artisans des Gémeaux, le travail de Ramachandra Borcar n’est pas passé inaperçu. Pour la série L’imposteur diffusé à TVA, il a remporté deux statuettes, l’une pour la « meilleure musique originale : fiction » et l’autre, pour le « meilleur thème musical : toutes catégories ». Bien qu’il en était à une huitième nomination en carrière comme compositeur de musique sur image, celui que certains ont connu sous le nom de Ram comme musicien ou DJ avait un sourire dans sa voix. « Crois-moi, ça fait toujours plaisir de gagner un prix. »

Il faut dire que l’équipe de L’imposteur avait permis un contexte créatif idéal pour leur compositeur musical. Puisque le réalisateur Yan Lanouette-Turgeon et Ramachandra Borcar se connaissaient depuis leur fructueuse collaboration pour le film Roche, papier, ciseaux – qui a même obtenu un prix pour sa bande sonore au Jutra – l’apport de la musique est donc arrivé très tôt dans le développement de la série. Avant le tournage, Lanouette-Turgeon lui a transmis quelques scénarios pour que Ram s’imprègne de l’histoire. Puis des images, avant même le montage final d’un premier épisode, ont également été envoyées. C’était bien assez pour inspirer une direction musicale.

« Pour la saison un, L’imposteur se passait presque totalement en huis clos avec le comédien Marc-André Grondin. Il n’y a pas d’histoires parallèles. Cela procurait une grande intimité à ce thriller. Je ne voulais donc pas que la musique sonne trop gros, je voulais même créer de la proximité. Et pour ça, je suis allé dans des sons abstraits, instrumentaux avec beaucoup de rythmes donnés par des percussions. »

Ramachandra Borcar, qui cherche toujours à surprendre, est allé là où le genre musical ne va habituellement pas pour une série thriller. Et c’est là, dans ce désir de déjouer les règles et d’innover, que Borcar trouve son plaisir. « Je ne voulais pas écrire un thème traditionnel en 4-4 et en harmonie. Je me suis plutôt orienté vers une construction musicale en collage, telle une mosaïque, avec des sons abstraits et beaucoup d’effets. Je suis allé puiser dans la musique électronique, expérimentale et l’électroacoustique. Cela a été mon canevas de travail. »

C’est par la suite que Ram est allé trouver des résonnances à même l’histoire de L’imposteur afin d’en raffiner certains passages musicaux. Il a appuyé l’idée que le personnage principal a un jumeau secret en écrivant des mélodies qui jouent sur cette impression de paire. Il y a donc des clarinettes, des guitares électriques, des trombones en duo, qui jouent en même temps ou qui se répondent de manière dissonante. « Pour moi, c’est le rôle du compositeur que de travailler avec l’histoire. Je travaille en parallèle avec tous les éléments narratifs, sans la déjouer, la déformer, sans distraire sans raison, mais tout en donnant à cette musique, une personnalité. Je vise le mariage parfait entre l’image et le son. »

Ramachandra Borcar

Pour ce, Ram cherche partout pour ses sons qui créeront ce lien unique avec l’histoire. Il puise parfois dans sa collection d’instruments inventés, passionné de ces objets qu’il trouve sur l’internet, mais surtout via des inventeurs qu’il rencontre dans les grandes foires comme le NAMM (National Association of Music Merchants).

L’homme qui a signé plus 33 thèmes musicaux pour des films, des documentaires et des séries télévisuelles (Un crabe dans la tête, Famillia, Le prix à payer, L’ange gardien) a pris la décision il y a un an de partager son temps entre Montréal et Los Angeles. Une décision prise à la suite de la signature avec l’agence Evolution Music Partner qui le représente sur le territoire américain.

« Je ne délaisse pas Montréal pour autant, je ne fais que m’ouvrir à de nouvelles possibilités de création. » Pour Borcar, c’est là l’essentiel. Ce profond désir de polyvalence musicale, cette envie de toucher à de multiples genres musicaux, lui-même multi-instrumentiste, est ce qui l’allume le plus. « Je n’aime ni la facilité ni la répétition. Mon rêve de compositeur, c’est de toujours me renouveler, de me surprendre, d’aller là où je ne pensais pas aller musicalement. Et de me retrouver devant des projets qui m’obligent à chaque fois un dépassement. »



hard logo« L’explosion des nouveaux médias partout dans le monde — pensez à Netflix — a entraîné un changement profond et une croissance importante de l’industrie de la musique de production au cours des cinq dernières années. »

C’est ce qu’affirme Ross Hardy, un compositeur, ex-employé de la SOCAN et éditeur de musique qui a fondé, en juin 2013, et dirige le catalogue et label de musique de production hard.

« Il y a 10 ou 15 ans, vous auriez sans doute eu à éplucher 5000 ‘tracks’ avant d’en trouver une avec une voix », explique Hardy. « De nos jours, les entreprises et labels de musique de production comme la nôtre représentent des opportunités très concrètes et intéressantes pour les compositeurs et les auteurs. Il existe de nouveaux modèles dans le monde de la musique de production qui sont au services des artistes pratiquement comme une équipe de gérance ou d’A&R. La musique de production est en train de devenir le nouveau modèle de maison de disque. »

« Dans les faits, une compagnie de musique de production est à la fois une maison de disque et un éditeur, et c’est ce qui la rend si efficace. Cela permet d’optimiser le processus d’octroi de licence pour le cinéma, la télévision et les autres médias en plus de nous permettre de garder le contrôle sur les bandes maîtresses et les droits d’auteur. Les compilations par thèmes que nous produisons ne sont en rien différentes de n’importe quel autre album. La principale différence est que les médias sont notre principal canal de distribution, et non pas l’industrie de la musique comme telle. »

CraigMcConnell

CraigMcConnell of/de hard

Voilà une bonne nouvelle pour les # CompositeursÀL’affiche de la SOCAN ainsi que tous les autres créateurs qui cherchent à diversifier leurs sources de revenus et leurs avenues créatives.

D’une certaine manière, l’actuelle vitalité de l’industrie de la musique de production est le côté positif de la crise qu’ont traversée bon nombre de compositeurs à l’écran. « Il y a 5 ou 6 ans, alors que je faisais beaucoup de travail pour des émissions de téléréalité et de divertissement, j’ai commencé à remarquer que je voyais de plus en plus de « cues » provenant de catalogues de musique de production, et j’ai commencé à recevoir de moins en moins d’appels de mes clients », explique le partenaire et président de hard, Craig McConnell, un vétéran de la composition à l’écran, producteur de disques et auteur-compositeur membre du conseil d’administration de la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image (SCGC). « J’avais donc une nouvelle source de concurrence en tant que compositeur : j’ai décidé de mettre sur pied mon propre catalogue de musique de production. C’était très naïf, car je n’avais aucune idée de ce que ça impliquait. »

Tout s’est mis en place lorsqu’un ami commun lui a présenté Hardy, qui travaillait chez l’éditeur ole à la mise sur pied d’un premier catalogue de musique de production, MusicBox. Lorsque Hardy a quitté ole — ou comme il le dit lui-même, l’« université ole » en raison de tout ce qu’il a appris sur l’industrie de l’édition musicale —, il a décidé de fonder un label. Il a été compositeur pour tant de labels au fil des ans qu’il avait accumulé un immense catalogue de musique, en plus d’apprendre une vaste quantité de choses d’une valeur inestimable sur l’industrie. L’un des premiers appels qu’il a faits fut à McConnell. En une seule année, hard a publié 12 compilations de musique de production et était distribué dans quatre territoires majeurs.

Le nouveau accord entre hard et APM
« Lorsque nous avons commencé à parler aux gens [de l’écurie 100 % canadienne de hard], ç’a suscité beaucoup d’intérêt. C’est là qu’APM Music est entré en scène a dit ‘Nous contrôlons les parts de marché au Canada et nous n’avons pas beaucoup de musique canadienne ! »  explique Hardy au sujet d’APM — une entreprise mondiale de musique de production et de musique sur commande établie à Hollywood — et de l’entente qu’il a récemment signée afin d’inclure le répertoire de hard au catalogue d’APM. « Le fait que nous proposons des contenus 100 pour cent Canadiens plaît au marché mondial’, poursuit-il. ‘Par ailleurs, ça nous a toujours agacés, Craig et moi, que la majorité des pièces contenues dans les catalogues de musique de production utilisés au Canada, même aux plus hauts niveaux, viennent majoritairement de compositeurs hors du Canada. »

« Trois ans plus tard, nous en serons bientôt à près de 50 albums et une écurie de près de 50 artistes et compositeurs, tous Canadiens », dit fièrement Hardy.

Et même si la majorité de ses artistes sont bien établis — on y compte pas moins de six lauréats d’un prix JUNO —, la porte de hard est toute grande ouverte aux talents émergents. « Nous sommes de plus en plus un label fondé sur ses artistes et qui soutient les talents émergents », affirme Hardy. « Nous sommes à la fois une maison de disque et un éditeur de musique. Nous sommes fiers du fait que nous offrons aux artistes une visibilité dans le marché qu’ils n’auraient pas eu autrement. Leurs produits peuvent profiter d’une distribution dans plus de 80 pays à travers le monde et de placements média auxquels ils ne pouvaient que rêver, auparavant. Nous disons à tous nos artistes : ‘nous n’allons pas te catégoriser. Fais ce que tu fais le mieux ! Tu as carte blanche. »

Il y a tout de même quelques paramètres plus techniques qui doivent être respectés. Pour travailler avec hard en tant qu’artiste, vous devez avoir la capacité de produire, d’enregistrer et de mixer vous-même vos créations. « C’était presque impensable il a à peine 20 ans, mais plus maintenant », explique McConnell. « Prenez un mec comme Skrillex. Il enregistre ses albums sur un ordinateur portable assis dans son bus de tournée. Il y a plein de gens comme lui maintenant, et pas juste dans le domaine de la musique électronique, des gens qui possèdent l’expertise technique, à l’aide de leur seul ordinateur, pour produire des enregistrements de classe mondiale. Ce sont ces gens avec qui nous voulons travailler. »



Un seul concert : c’est tout ce qu’il aura fallu pour que les membres de Johnson Crook réalisent qu’il y avait quelque chose d’unique qui unissait ces quatre musiciens. Peu de temps après avoir fait connaissance dans le cadre du programme d’entrepreneuriat artistique du Canada’s Music Incubator en 2014, Noel Johnson, Jared Craig et les frères Nathan et Trevor Crook ont décidé de donner un concert au Cameron House, à Toronto : la réaction de leurs amis et collègues a été si positive qu’ils ont décidé de former un groupe pour voir où cela les mèneraient.

Ce qui a suivi a été des séances de création que le groupe décrit comme « libératrices », à plus forte raison que les gars n’avaient aucun échéancier à respecter ni aucune limite, musicalement. Cela leur a permis de puiser dans leurs nombreuses influences, de Stevie Ray Vaughan aux Eagles en passant par des artistes plus contemporains comme Terra Lightfoot et Leon Bridges. Ils ont donc entrepris de patiemment créer leur propre son, un son qui prend racine dans le country, le folk et le rock des années 70, mais avec un accent tout particulier sur leur principale force : les harmonies.

Tout ça a été capté en direct durant l’enregistrement en studio de leur premier album intitulé The Album. Le projet explore l’amour et les peines d’amour, mais avec un fort courant de thématiques bien canadiennes dans les textes, ce qui s’explique par le fait que chacun des membres du groupe a grandi dans une petite ville (bien qu’ils soient désormais tous établis à Toronto). Le groupe est d’ailleurs très fier de cela et affirme qu’aucun de ses membres ne craint d’être « trop Canadien… Quand on voyage d’un bout à l’autre du pays et qu’on joue dans plein de villes différentes, ça nous permet de toujours nous sentir chez nous. Le paysage change, mais on a toujours l’impression de jouer devant des amis et des voisins. »

Un de ces amis est le légendaire rockeur canadien Tom Cochrane qui, après avoir entendu leur chanson « Mr. Nobody », leur a offert de l’enregistrer avec eux. « Tom a été incroyablement généreux », de dire les membres du groupe. « La chanson comporte déjà beaucoup de voix, et sa voie et son phrasé se sont parfaitement intégrés. » Un harmonieux pas de plus vers l’avenir de ce groupe !