Paroles & Musique : Parlez-nous des débuts et de l’évolution d’Intermède Music jusqu’ici ?
Françoise Morin : C’est pour répondre à un besoin non comblé dans le milieu de l’édition musicale au Québec que Christopher J. Reed fonde en 1973 Les Éditions Intermède. Ayant pour mission de respecter et de faire respecter les droits autant financiers que moraux des artistes représentés, l’entreprise a rapidement acquis une excellente réputation et au fil des ans, de nombreux artistes, dont Gilles Vigneault, Robert Charlebois, Jean-Pierre Ferland, Diane Tell, Sylvain Lelièvre et Jim Corcoran, ont fait appel à ses services pour gérer leurs catalogues.

En 1980, Christopher J. Reed fonde Intermède Média spécialisée dans la gestion de musique de production conçue pour les professionnels de la communication travaillant pour le cinéma, la publicité, la vidéo, la télévision, la radio et le multimédia. Un service de consultation musicale est également offert aux producteurs. À titre de consultant musical, Intermède PikMusik met à la disposition de sa clientèle des services de recherche et de sélection musicale et lui fournit les pièces appropriées à ses besoins. De plus, l’entreprise garantit l’émission de licences de synchronisation dûment autorisées et nécessaires aux producteurs pour la vente de leurs émissions.

En 1986, Intermède Communications est fondée, regroupant toutes les maisons d’édition d’Intermède et gérant les œuvres des catalogues acquis au fil des ans. Elle réalise et produit des disques de musique instrumentale qui ne sont pas vendus au détail mais destinés exclusivement aux producteurs audiovisuels et en assure la diffusion internationale.

Où voyez-vous la maison d’édition se diriger avec le décès de son fondateur Christopher, irez-vous vers plus d’éditions originales, de sous-éditions, etc.?
Nous mettons actuellement en application les décisions que Christopher avait prises avant son départ, tout en continuant de véhiculer les valeurs qui étaient les siennes. L’accent est mis sur la production d’Å“uvres originales créées par des compositeurs canadiens, en diversifiant les genres et les styles musicaux. Nous comptons continuer à développer notre présence sur le plan international. Notre catalogue étant distribué à travers le monde, nous avons déjà pu constater que c’était un excellent moyen de faire rayonner le talent et le travail des musiciens canadiens.

« Je pense que l’édition musicale aura toujours sa place. »

Nous demeurons toujours actifs à titre de sous-éditeur au Canada et avons signé des ententes avec de nouvelles librairies afin de garantir aux utilisateurs l’accès à un très vaste choix de musique de qualité produite sur tous les continents.

Vos projets à court et moyen terme pour la maison d’édition et pour ses auteurs? Êtes-vous en mode signature de nouveaux auteurs, par exemple?
Toujours dans le but que les compositeurs canadiens soient plus présents autant ici qu’ailleurs dans le monde, nous mettons nos efforts à la recherche et à la découverte de nouveaux talents pour nos nouvelles productions. Nous sommes également en négociations avec des sous-éditeurs sur certains territoires que nous ne couvrons pas, toujours dans le but de faire connaitre les talents de nos artistes.

Nous avons également un nouveau défi : faire tout notre possible pour que la musique retrouve sa vraie valeur. Il est très important que les compositeurs soient conscients qu’il n’est pas dans leur intérêt, ni dans celui de toute l’industrie, de donner leur musique pour rien. Cela peut leur sembler profitable à court terme mais ça ne le sera pas à long terme. Il y a un grand travail à faire dans ce sens là.

Parlez-nous du répertoire que vous représentez, comment vous le développez et l’exploitez ici et à l’international
Nous nous adaptons bien sûr aux développements technologiques et profitons des avantages du numérique, en particulier d’Internet qui permet aux utilisateurs d’avoir accès à notre répertoire en tout temps. Depuis quelques années déjà, notre catalogue est disponible en ligne sur notre moteur de recherche et de téléchargement www.intermedeone.com pour la clientèle nationale. Nous en contrôlons l’accès et pouvons faire le suivi aisément grâce à un back office particulièrement performant et adapté à nos besoins. Je précise qu’il s’agit d’un système canadien que nous sommes très fiers de promouvoir auprès de nos collègues nationaux et internationaux.

D’autre part, nous travaillons en étroite collaboration avec les sous-éditeurs qui nous représentent dans de nombreux pays et continuons à élargir notre rayonnement. Nous avons des liens qui ont été créés à l’origine d’Intermède et qui sont toujours en vigueur. Ces éditeurs ont un grand respect pour les compositeurs et ils sont très conscients de la réalité qu’ils vivent.

Quel avenir voyez-vous pour l’édition musicale au regard des changements technologiques actuels?
Je pense que l’édition musicale aura toujours sa place et que nous ne devons absolument pas perdre de vue le but que nous avons : promouvoir les auteurs et les compositeurs ainsi que défendre et faire respecter leurs droits. Il y a déjà beaucoup de travail de fait, entre autres, pour que des redevances soient versées aux créateurs dont le travail est diffusé sur Internet, que ce soit par les sociétés de gestion collective ou par les associations de producteurs et d’éditeurs de musique, sans oublier de souligner le très beau travail effectué par l’APEM, dont nous sommes membre. On commence à voir tranquillement des résultats, mais il y a encore beaucoup à faire, surtout qu’Internet est un médium qui, semble-t-il, pourrait supplanter la télévision.

Nos compositeurs ont également, à mon avis, un rôle important à jouer. Nous devons travailler tous ensemble pour que la relève musicale sache quels sont ses droits. Nous sommes là pour les faire respecter et soutenir les compositeurs. Je suis persuadée qu’avec un peu de patience et de travail tout va rentrer dans l’ordre et que la musique de qualité va pouvoir retrouver sa place et ses lettres de noblesse.



La nomination l’an passé de Kevin Lau comme compositeur attitré de la RBC pour l’Orchestre symphonique de Toronto (OST) n’est pas le fruit du hasard. Kevin Lau a résolument aspiré à une carrière de compositeur en créant déjà un grand nombre d’œuvres depuis le début de ses études de doctorat en musique à l’Université de Toronto, il y a une dizaine d’années. L’annonce de l’OST est survenue la veille de l’obtention de son diplôme à l’Université de Toronto.

De nombreux autres jeunes compositeurs poursuivent des études de doctorat en musique. Mais le travail de Kevin Lau en tant que cofondateur de l’orchestre amateur Sneak Peek Orchestra (avec le chef d’orchestre Victor Cheng) et son œuvre de compositeur en résidence avec le Mississauga Symphony ont réellement scellé l’entente avec l’OST. Il a également réalisé d’autres compositions et commandes notamment pour l’orchestre du Centre national des Arts, l’Ensemble Paramirabo, l’orchestre de Toronto, l’orchestre Kindred Spirits, le South Bohemian Chamber Philharmonic et le Hannaford Street Silver Band. Kevin Lau a clairement démontré sa passion, son instinct et son talent.

En tant que compositeur affilié à l’OST, Kevin Lau doit composer une nouvelle œuvre chaque année durant deux ans. Sa première œuvre, Treeship, a été dirigée par Peter Oundjian au Roy Thomson Hall en juillet 2013, et sa deuxième sera exécutée dans le cadre du New Creations Festival par l’OST en mars 2014.

« J’aime tellement composer de la musique que je ne vois pas comment je pourrais vivre autrement. »

Le rôle de Kevin Lau pour l’OST, en plus de composer, est de sensibiliser le public à la musique, de contribuer à la programmation et de défendre le contenu canadien.

Kevin Lau confie qu’il a commencé à composer dès qu’il a eu connaissance de son affectation. « Treeship est une composition qui ne dure que dix minutes, dit-il, mais elle m’a pris beaucoup plus de temps que tout ce que j’ai écrit auparavant. Elle a exigé tout le temps qui m’était alloué. »

Entendre son œuvre exécutée au Roy Thomson Hall a été très émouvant pour Kevin Lau, mais le processus, de la première lecture en passant par les répétitions jusqu’à cette soirée d’ouverture a été éprouvant.

« Vous devez vous préparer pour cet événement, mais ce n’est pas si facile, dit le compositeur. Les musiciens sont extraordinaires, ils ont vu et joué tant de grandes œuvres. Alors vous voulez être sûr d’avoir composé une musique digne de leur interprétation. Ils ne sont pas tous très âgés et expérimentés, mais bon nombre d’entres eux le sont. L’OST compte environ 80 instruments avec une immense section de cordes, la plus grande avec laquelle j’aie jamais travaillé avant. »

Kevin Lau se doutait que sa première composition pour l’OST ne serait pas la dernière, mais il tenait à y incorporer tout ce qu’il a en fait d’idées musicales.

« La première composition concernait davantage la découverte de ce que je pouvais faire avec un orchestre symphonique, dit-il. Ma nouvelle composition est un peu plus sombre et je fais un peu plus attention à ce que je veux exprimer. »

« Je me sens très privilégié, avoue-t-il. Cette fonction m’ouvre des possibilités exceptionnelles. J’aime tellement composer de la musique que je ne vois pas comment je pourrais vivre autrement. »



Dennis Ellsworth travaillait comme cuisinier de restaurant quand il réalisa qu’il était prêt à lancer sa propre carrière musicale en solo. Cet artiste de l’Île-du-Prince-Édouard avait déjà sorti un premier album (Chesterfield Dweller of the Year) alors qu’il vivait à Toronto, où il s’était établi afin de poursuivre une formation comme chef cuisinier. De retour à Charlottetown, il commença à écrire des chansons, à chanter et à jouer de la guitare avec la formation alternative Haunted Hearts, enregistrant alors deux albums, remportant une série de prix et se constituant une base solide d’admirateurs.

Ce n’est cependant qu’après avoir quitté le monde de la restauration et s’être investi complètement avec sa formation musicale que Dennis Ellsworth réalisa qu’il pouvait s’affirmer lui-même comme musicien. Sur un coup de tête, il décida d’envoyer un courriel au musicien et producteur David Barbe (Drive-by Truckers, Bob Mould/Sugar) à Athens, en Georgie, pour lui demander s’il était intéressé à travailler avec lui. « Je m’étais dit que si jamais il disait oui, j’essaierais honnêtement de faire carrière en solo, » se rappelle Ellsworth.

Ellsworth aborde la chanson avec souplesse.

La réponse de D. Barbe eut pour résultat l’album primé d’Ellsworth en 2012, Dusk Dreams, qui non seulement consolida sa réputation d’auteur-compositeur contemplatif, mais confirma également qu’il avait choisi le bon sentier musical.

Ellsworth, qui aborde la chanson avec souplesse, laisse beaucoup d’espace à l’inspiration et à la collaboration. Il considère qu’il n’a qu’à travailler quelques minutes sur une chanson pour savoir si elle en vaut la peine. « Sinon, je passe à autre chose, » dit-il en riant.

Bien que la cuisine et la chanson soient des univers très différents, la musique permet à Ellsworth de puiser dans la créativité qui l’avait conduit à l’origine vers la gastronomie. C’est pourquoi il préfère se rendre au studio avec des chansons encore incomplètes, afin de permettre aux musiciens et aux producteurs de mettre la main à la pâte.

« J’essaie de laisser les choses arriver naturellement parce que je sens que nous suivons le même fil conducteur, » explique-t-il sur sa façon de laisser progresser ses œuvres dans l’inconnu. Par contre, sur scène, Ellsworth est libre de tenir fermement les rênes. « Quand je joue en spectacle, dit-il, j’ai la chance d’être maître de la situation. »

Parcours

  • Bien qu’il n’ait pas grandi dans une famille de musiciens, Ellsworth se rappelle avoir été attiré par la musique dès son jeune âge. Il a commencé à composer des chansons à 15 ans en jouant dans des groupes rock et punk.
  • Ellsworth a remporté le prix de l’album de l’année et de l’enregistrement roots contemporain de l’année (tous deux pour Dusk Dreams) et le prix SOCAN de l’auteur-compositeur de l’année (pour la chanson « Electric Stars ») au Gala de la musique de l’Île-du-Prince-Édouard de 2013.
  • Grâce à ses deux dernières tournées, Ellsworth commence à se constituer une base solide d’admirateurs au R.-U., notamment en partageant la scène avec l’artiste folk anglais John Smith. Tous deux se sont rencontrés à l’occasion d’un programme de musique de l’Î-P-É et ont coécrit depuis plusieurs chansons ensemble.

Faits saillants
Éditeur :
s/o
Discographie : En solo Chesterfield Dweller of the Year (2010), Strange Boat (EP) (2011), Dusk Dreams (2012), Hazy Sunshine (2013) Avec Haunted Hearts Thank You, Goodnight (2009), Howdy (2010)
Membre de la SOCAN depuis 2000
Visitez le site www.dennisellsworth.com