Il vit à Montréal un peu plus que la moitié de sa vie, mais c’est à Kinshasa que s’ancre son imaginaire comme parolier. Vivotant entre rumba congolaise et house filtrée à la française, l’auteur-compositeur-interprète Pierre Kwenders est passé maître dans l’art de flouter toutes sortes de frontières.

PIerre Kwenders

Photo: Diego Urbina

« Ce dont je suis le plus fier, c’est mon histoire », chante-t-il sur Ego, morceau concocté auprès du faiseur de rythmes français Clément Bazin, une pièce où il s’avoue épris de lui-même et sans détour, avec une grosse dose d’humour, d’autodérision même. Il est de ceux qui supplantent surtout les peines d’amour lorsque vient le temps d’employer la plume. Les thèmes qu’il aborde sont originaux et surprenants, bien souvent.

Nonobstant la confiance en apparence inébranlable qui anime son alter ego, le Congolais d’origine a commencé sa carrière sur le tard. Ce n’est qu’à 16 ans que José Louis Modabi (de son vrai nom) prend la pleine mesure sa vocation. À cette époque, il vient de débarquer au Québec.

« Je viens d’une famille de mélomanes et d’ambianceurs, de mon côté maternelle surtout. On gratte la guitare, on aime la joie de vivre, la fête aussi. Quand la musique et la boisson sont là, tout le monde est heureux. Ça a toujours fait partie de ma vie, mais c’est seulement lorsque je suis arrivé au Canada que j’ai découvert que je pouvais en faire moi aussi, que j’ai découvert ma voix à travers le chant choral. Par la suite, j’ai eu cette ambition d’en faire un métier que je continue à faire encore aujourd’hui. »

Toujours lié à l’ensemble vocal qui l’a formé, une chorale catholique oscillant entre opéra et gospel africain, il confie avoir renoué avec ses anciens collègues le temps d’un enregistrement qui verra la lumière en 2021. « Récemment, je me suis retrouvé avec eux pour une chanson qui sera sur mon prochain album. […] C’est une autre façon de travailler sa voix, mais j’aime me challenger. C’est sûr que je n’ai pas la voix de Céline Dion ou de Whitney Houston, mais avec le peu que j’ai, j’aime bien m’amuser de cette manière-là. »

Congolais avant tout

À bien des égards, Pierre Kwenders est un passeur, un ambassadeur culturel. Fort d’un succès d’estime enviable, une notoriété qui s’est notamment traduite par une nomination à la courte liste du Prix Polaris en 2018, le Montréalais a su faire entrer l’afrobeat dans bon nombre de chaumières de la Belle Province et du reste du Canada. C’est sans mentionner son travail à titre de DJ, au sein du collectif Moonshine, ce rôle mis sur pause en raison de la pandémie de la Covid-19.

Au moins, le vocaliste ne perd rien pour attendre. Ce souci de provoquer les déhanchements et autres sautillements en tout genre teinte à présent ses propres créations, surtout lorsqu’il fait équipe avec un gars comme Clément Bazin. « Le musique de cet EP (Classe Tendresse) se rapproche beaucoup de l’identité de Pierre Kwenders en tant que DJ. Je pense que j’étais rendu là, à ce niveau où j’essaie d’unir ces deux mondes qui ne sont déjà pas très loin l’un et l’autre. J’essaie de renforcer un peu ce pont-là entre mes deux univers. »

Dans un futur proche, le Kinois d’origine (c’est ainsi qu’on appelle les résidents de Kinshasa) vise également à développer le marché congolais. « Il fut un temps où le Congo était un peu comme les États-Unis de l’Afrique.  La musique fait tellement partie de la culture qu’il y a énormément d’artistes. Ce n’est pas pour dire que je n’y trouve pas ma place, mais elle n’est pas aussi grande que ceux qui sont déjà là. Moi je fais mes pas tranquillement. »

À jamais rattaché au pays de son enfance, le coauteur du maxi Classe Tendresse s’offre même un clin d’œil à Koffi Olomidé avec ce titre empreint de douceur. « C’est une chanson qui se retrouve sur un très bel album, Noblesse oblige, que je conseille à tous ceux qui veulent découvrir la rumba congolaise. C’est un classique. […] Lokua Kanza et lui, ce sont des artistes qui m’inspirent énormément. Ce que j’espère, c’est de les rendre fiers, d’une manière ou d’une autre. »



Avec des mentions comme producteur pour des artistes hip-hop aussi populaires que Young Thug, 2 Chainz et le regretté Pop Smoke, pour ne nommer que ceux-là, PittThaKid est une des plus grandes étoiles montantes du milieu des producteurs, beatmakers et auteurs-compositeurs torontois. Si on considère le haut profil de ces placements de chanson, on peut être tenté de croire que la création de beats irrésistibles pour certains des artistes les plus célèbres du milieu du hip-hop est un idéal qui anime Pitt The Kid depuis l’enfance, mais ce n’est pas ainsi que l’aventure a commencé.

« Avant, je faisais du rap, et j’avais besoin de beats pour mes paroles durant ma dernière année de secondaire », explique PittThaKid. « Donc, t’sais, je pouvais pas me permettre d’acheter des beats, et je suis comme, ‘O.K., laisse-moi juste essayer de voir comment je pourrais apprendre à en faire moi-même.’ Et ma carrière de rappeur a probablement duré pas plus qu’un mois, parce que quand j’ai commencé à faire des beats, je suis tombé en amour avec ça. »

D’abord à l’aide du logiciel FL Studio, PittThaKid a continué à se perfectionner en s’inscrivant à des concours de beatmaking avec des organisations comme The Beat Academy durant ses études commerciales à l’Université Wilfrid-Laurier.

Il a éventuellement obtenu sa première grande percée en 2016 en décrochant un placement avec Lloyd Banks, un artiste qui s’était fait connaître dans le band hip-hop G-Unit.

« Je connaissais un ingénieur de New York qui envoyait des trucs pour Banks », se souvient PittThaKid. « Il m’a demandé si j’avais des disques. Et un jour il m’a juste envoyé un texto pour me dire : ‘Hé, on en a un!’ Après ça, t’sais, la chanson est sortie dès le lendemain, c’était le jour de l’Halloween. Je me rappelle que j’étais assis dans ma chambre et que je faisais jouer la piste en boucle, comme, au moins 50 fois de suite, man, parce que je pouvais pas croire qu’il était sur mon beat. »

Depuis, le style musical de PittThaKid a évolué à partir du son boom bap non dilué qu’il affectionnait à l’époque. « Je crois que ce que j’essaie surtout de faire est juste, t’sais, de fusionner la vieille école avec la nouvelle école, t’sais, ça devient une sorte de mélange, mais à travers les genres », explique-t-il. « J’aime habituellement prendre les influences vintage et les mélanger avec les trucs modernes. Je crois que c’est pas mal pour ça que je suis connu. »

PittThaKid a un penchant pour les sons à accents de guitare, chose qui découle souvent d’une approche collaborative. « Bien souvent, si je peux, je suis en studio avec d’autres producteurs », explique-t-il. « Donc, c’est comme, je commence une idée, puis quelqu’un pourra la poursuivre en ajoutant certaines clés ou certains autres instruments différents, ou en établissant la batterie. Et bien souvent aussi, je crée des échantillons, donc je crée l’idée musicale. Et ensuite je l’envoie par courriel au producteur. »

Il arrive parfois que ces idées musicales partent en flèche. C’est ainsi que PittThaKid a un jour envoyé au producteur titulaire de multiples disques de platine B-Rackz une idée musicale comportant un échantillon de sons hachés de chœur d’enfants que ce dernier à porté à l’attention de Mike Will Made-It, le prestigieux producteur d’Atlanta.

« [B-Rackz] a éventuellement utilisé quelque chose que je lui avais envoyé avec Mike Will, et ensuite ils ont fait la totalité du beat, puis 2 Chainz, Schoolboy Q et Eearz ont éventuellement embarqué sur [« Kill ‘Em With Success »], et c’est simplement devenu un succès éclatant », raconte PittThaKid. « Et plus tard j’ai appris que [ça] serait incorporé à [la bande-son] du film Creed 2 avec Michael B. Jordan. Donc, t’sais, je suis allé voir le film au cinéma, et j’ai vu mon nom dans le générique, ce qui est pas mal insensé. Donc définitivement une bénédiction. »

Mais la chanson qui a eu le plus gros effet sur la carrière de Pitt The Kid est « Boy Back », qui fait partie de l’album So Much Fun du MC d’Atlanta Young Thug, mettant en vedette Nav, un autre représentant de Toronto. Pour PittThaKid, la chanson est plus qu’un beat : elle est le reflet de sa carrière jusqu’ici.

« Je vois ça comme une boucle qui se referme », explique-t-il. « Parce que, au début de ma carrière, j’ai essayé de faire des tas de trucs à Toronto, et ça ne m’a pas réellement amené où je devais être. Alors je me suis rendu compte qu’il fallait que j’élargisse un peu mes horizons. Donc, à la fin de 2018, j’ai commencé, genre, à me concentrer sur les États-Unis, à travailler avec le plus grand nombre d’artistes américains possible. Puis là, je me suis dit que ‘quand j’aurai fait assez de percées aux États-Unis, alors je reviendrai à Toronto’ et je montrerai de l’amour. Donc, c’est plus ou moins comme ça que ça s’est passé dans mon cas… C’est mon plus gros placement aux États-Unis, Nav en fait partie, ils filment le vidéoclip à Toronto. »

Fidèle à sa promesse de montrer de l’amour à Toronto maintenant qu’il a remporté un certain succès, PittThaKid ne demande pas mieux que de travailler avec des producteurs émergents qui lui envoient directement des courriels au collabwithpitt@gmail.com. « Bien souvent, quand j’essayais de percer, on ne me donnait pas la chance de faire entendre ma musique », regrette PittThaKid. « Si quelqu’un veut travailler avec moi ou m’envoyer du matériel, je n’arrête pas d’écouter des nouveaux trucs. T’sais, je veux juste donner des chances. »



La première chose que Kevin Comeau et Cody Bowles ont faite après avoir été présentés l’un à l’autre par un ami commun a été de partager leur passion pour le groupe Rush, le prog rock, Star Wars et Star Trek.

Cette chimie est palpable dans le duo musical qu’ils forment aujourd’hui, Crown Lands, où Comeau (guitares, basse, claviers) et Bowles (batterie, voix) rivalisent d’énergie et d’assurance dans de parfaits mélanges de classic psych, de prog, de folk et de blues.

« On voulait que cette chimie transparaisse dans notre musique », explique Comeau. « Il y avait de la magie le jour où on s’est connus, et il y en a toujours. »

Ils ont peaufiné leur son au fil des ans grâce à d’incessantes tournées avec des poids lourds du rock comme Jack White, Primus et Rival Sons. Il était donc important pour eux que leurs chansons dégagent la même énergie que leurs spectacles en direct lorsque le moment est venu de sortir leur premier album éponyme. Enregistré au RCA Studio A de Nashville avec Dave Cobb, lauréat de six Grammys, l’album a été conçu comme une captation en direct afin de permettre des moments de spontanéité.

Lancé en août 2020, ce premier opus amène le duo à aborder des sujets aussi sérieux que celui du racisme systémique au Canada. « La chanson ‘End of the Road’ porte sur les femmes autochtones, les enfants et les représentants de la bispiritualité qui ont disparu et été retrouvés assassinés le long de la route des larmes en Colombie-Britannique », explique Bowles, qui est de descendance à moitié micmaque. « La musique est chargée d’une forte émotion. [On dirait que] la guitare pleure, et le rythme sous-jacent fait songer à une longue marche pénible. »

Le band s’attendait à passer 2020 en tournée, mais on comprendra que c’est resté en plan. Les musiciens en profitent pour travailler sur leur prochain album dans leur studio en forêt au nord d’Oshawa, en Ontario, où ils habitent. Ils trouvent moyen de tisser des polyrythmies et des accords étranges dans leur rock and roll accrocheur tout au long de leur exploration lyrique de notre temps.

« On écrit des chansons qui prennent en compte ce qui se passe à l’heure actuelle autour du monde », explique Comeau. « On essaie de refléter cette situation dans notre musique en espérant pouvoir redonner espoir à des gens qui vivent probablement les heures les plus sombres de leur vie. »

« Feeling Good », ça va
Juste avant la publication du présent article, Crown Lands a reçu un immense coup de pouce publicitaire de Peloton, une entreprise spécialisée en équipements de conditionnement physique et en médias dont la nouvelle campagne publicitaire télévisuelle/numérique/en ligne pour le Royaume-Uni et l’Allemagne présente deux nouvelles versions du classique « Feeling Good » de Nina Simone, soit une reprise de cette chanson par Crown Lands et une version hip-hop du rappeur Duckwrth de Los Angeles, et ce, en plus de la version originale. « Lorsque Peloton nous a invités à travailler sur cette chanson iconique de Nina Simone », explique Crown Lands dans un communiqué, « on savait qu’il fallait lui faire honneur et la reprendre à notre compte. Nina est une femme d’une force incroyable, et le monde a plus que jamais besoin d’entendre son message. » Outre la publicité proprement dite, Crown Lands a lancé l’enregistrement intégral de sa reprise de la chanson de Nina Simone, qui sera intégrée dans de futures classes de conditionnement physique.