« Did I stop to breathe? »
Ces premiers mots de Waltzing Disappointments, la première des neuf chansons du quatrième disque de Pascale Picard, The Beauty We’ve Found, sont pour le moins évocateurs. « Une chanson qui parle de dépression, ça donne le ton, hein ? », clame-t-elle avec un brin d’ironie. « Le message est clair, poursuit-elle en parlant de son album: c’est là qu’on s’en va ! Ce n’est pas la dépression post-partum, mais j’ai déjà souffert d’épisodes dépressifs plus jeune. »
Emballée par l’aventure en solitaire qu’elle mène depuis deux ans, Pascale Picard s’est façonné un fuselage tout neuf fait d’un alliage léger, dix-huit mois après avoir donné naissance à sa fille et quatre ans depuis son disque précédent, All Things Passed.
« Quand j’ai commencé à écrire des chansons, ce qui m’inspirait c’est ma douleur. J’ai eu une adolescence extrêmement tourmentée, j’étais vraiment malheureuse. Je parlais beaucoup du suicide pis des idées noires qui me hantaient. Mais c’était trop intense pour être exprimé en français. J’aurais fendu en deux. De le faire dans une langue seconde m’a permis de m’ouvrir davantage. Et mon anglais s’est amélioré au fil des ans. »
« Avoir un enfant, ce n’est plus juste moi dans mon petit univers, ça m’a énormément changé. Je suis rendue hypersensible en général, tout devient plus beau ou plus triste, je regarde tout avec une loupe dans le cœur. »
Tel un placard secret entr’ouvert, Picard dévoile sur cet album aérien et dépouillé le côté sombre de ses états d’âmes sur des nappes de piano et de cordes, quelques guitares de Simon Pedneault et un dialogue harmonique duveteux, sans surcharge sonore. Avec le complice idéal, le multi-instrumentiste Antoine Gratton, maestro des textures, qui a donné à l’écriture de la musicienne l’écrin musical adéquat.
« Les thèmes abordés sont plutôt sombres, admet-elle, je pense qu’on a tous besoin de voir les deux antipodes de notre âme. Mais ce n’était pas un objectif au départ de faire un disque plus dark. Dans cette optique, Antoine et moi on a vraiment connecté, on est allé à fond. Il a réussi à habiller les chansons sans dénaturer mes maquettes créées en préproduction ». Autrement dit: faire prendre la mayonnaise musicale à partir de règles non définies.
Enregistrées en deux sessions de six jours au studio b-12 à Valcourt (où fut conçu le projet collectif Sept jours en mai en 2015), les neuf chansons composées par l’auteure de Gate 22, son méga-succès, transcendent l’exercice. « Je ne voulais pas puncher de 9 à 5 ». Jeunes parents, Picard et Gratton ont emmené dans l’immense maison les grands-parents qui ont occupé les petits tandis que le tandem créatif s’échinait dans la pièce d’à côté.
« Je regarde tout avec une loupe dans le cœur. »
Elle nous partage pêle-mêle le fruit de ses inspirations: « The Beauty We’ve found, c’est un peu la chanson carpe diem de l’album: l’amour ce n’est pas permanent, mais il ne faut pas s’empêcher d’aimer quelqu’un pour autant. Witch Hunt, clairement une toune sombre, se sentir rejeté, l’intolérance des autres… La tempête, seule chanson en français qui raconte le décès de ma belle-mère suite à un cancer il y a trois ans. Too Little Too Late parle d’alcoolisme, des dommages collatéraux, etc. ».
On pourrait ajouter que sur la très country Rock Bottom, il n’y a pas de batterie et que In Town semble sortie d’un film de Tarantino. « Je raconte une histoire que je verrais bien en vidéoclip. Il y a un petit côté alternatif-trash que j’aime ».
Une chose est sûre, The Beauty We’ve Found est un indispensable disque de chevet. Ses textes sont plus aboutis, elle qui a travaillé avec Xavier Lacouture dans des ateliers d’écriture à Tadoussac. « C’est la première fois que je développe des outils pour écrire. Pour l’autodidacte que je suis, c’est un plus ».
Pascale Picard a aujourd’hui 36 ans. En 2007, lorsque Me Myself & Us est sorti, on le rappelle, elle fut propulsée avec ses chansons anglophones dans la stratosphère du showbizz avec un fort potentiel à l’international. Outre la contagieuse Gate 22, plusieurs hits radio de ce même disque ont attiré les projecteurs sur elle, fille de Québec qui a grandi à Sainte-Julie, puis Charlesbourg et Beauport avant de s’établir à Stoneham avec sa smala, point de chute pour la planchiste à neige assidue qu’elle est.
« Je me suis beaucoup fait demander Sorry cet été (en tournée solo), ça faisait longtemps que je l’avais jouée ! » Mais le contexte est très différent de ses débuts: « j’ai fait du bar pis je me faisais caller toutes sortes de niaiseries ».
Que dirait la Pascale Picard d’aujourd’hui à celle de 2007? « Je lui chanterais Whole (la dernière chanson du disque) qui parle de se faire confiance pis de s’écouter ».
Après ce généreux entretien de trente minutes, on n’allait pas terminer l’entrevue sans parler de Paul McCartney et du concert en 2008 qui soulignait le 400e anniversaire de la Ville De Québec ou The Stills et le Pascale Picard Band ont été invités à jouer en début de soirée. « Je me fais encore arrêter dans la rue pour ça. J’étais au top à ce moment-là. L’artiste du moment. On n’a pas fait de sound check. Il y avait des snipers sur le toit de l’hôtel Concorde ! Si Paul était venu une année avant ou après 2008, ce n’est pas moi qu’on aurait appelé. S’il était venu sur les Plaines cette année c’est Hubert Lenoir à qui l’on aurait demandé ! »