Olivia Penalva a observé son plus récent simple, « Love Me » accumuler plus de 20 millions d’écoutes sur TikTok, et ses reprises de succès pop sont passés de YouTube à American Idol et America’s Got Talent, mais il n’en demeure pas moins que la chanteuse de la génération Z est encore plus fière de sa réussite « old school ».

Olivia Penalva« Ce qui compte le plus pour moi est la radio », dit-elle. « [“Love Me”] grimpe les palmarès pop et “contemporary hit radio”, ce qui est complètement dingue. Les chiffres n’arrêtent pas de monter, j’en suis renversée. »

La jeune femme de 20 ans originaire de Vernon en Colombie-Britannique a entendu sa propre voix à la radio à l’âge de 13 ans quand sa fantaisiste chanson de noël « Christmas For Two » s’est inscrite dans le Top 30. Le titre a été co-écrit à l’automne 2013 à Los Angeles avec Andrew Allen, un auteur sous contrat chez Sony/ATV qui est également originaire de la région de l’Okanagan en Colombie-Britannique et qui avait signé son propre tube de Noël en 2009.

« C’était la première fois que je me rendais à L.A. et nous ne savions pas vraiment ce qu’on allait écrire, mais le sujet de Noël est venu sur la table », raconte Penalva. « Tu sais qu’à l’approche du temps des fêtes, la radio cherche non seulement toujours plus de chansons de Noël, mais elle cherche des artistes canadiens qui ont des chansons de Noël… Je me souviens être partie à rire en disant que j’allais essayer de me mettre dans cet esprit-là même si ce n’était pas l’hiver. »

Son ouverture aux idées des autres l’a bien servie, puisqu’elle s’est associée à des compositeurs d’horizons musicaux divers pour une série de simples et de EPs. « Love Me » a été co-écrite par Penalva et les membres SOCAN Emery Taylor (surtout connu pour la pop et l’EDM) et Brian Howes (dont les nombreux crédits rock comprennent des succès pour Daughtry, Puddle of Mudd et Skillett). Parmi ses précédentes collaborations, citons « Ferris Wheel » avec Brian West (Nelly Furtado, Maroon 5), et « Forgettable » avec Josh Cumbee (Madonna, Nick Howard).

“Je crois que je suis tombée en amour avec la co-écriture dès le premier jour”

« Je crois que je suis tombée en amour avec la co-écriture dès le premier jour », explique-t-elle. « Écrire seul peut devenir intimidant. Le fait d’être dans une pièce avec d’autres auteurs, de leur parler et de partager leurs expériences, mais aussi de s’appuyer les uns sur les autres pour trouver des idées, m’a ouvert un tout nouveau monde. Ça n’est jamais la même chose, j’ai tellement de plaisir à écrire avec d’autres créateurs. C’est vraiment amusant. »

La collaboration avec des auteurs professionnels a également permis de relever un défi particulier aux créateurs adolescents : comment écrire profondément sur la condition humaine alors que l’on commence tout juste à avoir ses propres expériences de vie ? Penalva admet que ses premières chansons comme « Ferris Wheel » essayaient de « composer avec » son âge, mais qu’elle a vite dépassé ce stade.

“J’adore créer des mélodies. J’aime aussi écrire des textes, mais j’ai longtemps trouvé difficile de mettre des mots sur ce que je voulais dire parce que j’étais si jeune », dit-elle. « Mais après un moment, je me suis dit “Tout ça est amusant, mais j’ai plus de profondeur que ça”. Les gens avec qui j’écrivais m’aidaient à trouver les étincelles pour toutes ces idées, et leur expérience me servait de guide. J’ai beaucoup appris sur l’écriture de chansons de cette façon. Mais au cours des deux ou trois dernières années, alors que j’arrivais à l’âge adulte, quelque chose en moi a changé. Plus rien ne pouvait m’arrêter. »

Penalva dit que depuis le début de la pandémie, elle écrit sans arrêt, même si les voyages à L.A. et à Nashville ont été remplacés par des sessions Zoom. Elle se prépare à sortir son premier album dans le courant de l’année, et elle a tellement de titres desquels choisir qu’elle doit consulter une liste de tous les auteurs-compositeurs afin de ne laisser personne de côté.

Certains noms se démarquent, néanmoins : Nolan Sipe, dont la chanson « Honey, I’m Good » a été un succès du Top 10 de Billboard pour Andy Grammar ; le lauréat d’un prix SOCAN Daniel Powter (« Bad Day ») ; Ryan Stewart (Carly Rae Jepsen) ; Tyler Spry (de One Republic); et Jessica Mitchell, qui a co-écrit « The Chase » sur l’album Courage de Céline Dion.

Quand il est question de savoir à quoi ressemblera son album, la chanteuse en révèle le moins possible. « Cette année, j’ai en quelque sorte tout adopté », dit-elle. « C’est ce qui est si génial dans la musique pop de nos jours — tant que t’es fidèle à toi-même, tu peux faire ce que tu veux. »



La rappeuse et chanteuse montréalaise ne pouvait mieux tomber : elle présente Yellow Crane, son mini-album paru à la fin novembre, comme « une lettre d’amour à Wuhan », la capitale de la province du Hubei, au centre-est de la Chine. La ville où elle a ses racines, où habitent toujours sa grand-mère et une partie de sa famille maternelle. Une ville de plus de dix millions d’habitants qui, jusqu’en février 2020, était quasi-inconnue de la majorité des citoyens de cette terre. Une ville qui, un an plus tard, a bien besoin d’un peu d’amour…

Hua LiCette ville-là, en effet. L’épicentre de la pandémie de COVID-19. Pas tout à fait la manière rêvée d’accéder à la notoriété. « C’est une drôle de coïncidence parce qu’avant même le début de la pandémie, j’avais déjà choisi que j’écrirais des chansons à propos de Wuhan », assure l’autrice-compositrice Hua Li. « Donc j’ai amené cette idée avec moi pendant ma résidence de création au Centre des arts de Banff en mars dernier, il y a donc presque un an. Or rendu à mars 2020, tout le monde avait entendu parler de Wuhan… »

Hua Li était donc à Banff lorsque le premier confinement est survenu. « Tout d’un coup, ça a complètement changé la perspective que j’avais à propos de mon projet. À l’origine, je m’imaginais écrire un EP racontant l’histoire de la ville, avec un tas d’informations à propos d’elle, pour que les gens en apprennent un peu à propos de cette ville qui compte beaucoup pour le pays – c’est une très grosse ville ! – mais que personne ne connaît vraiment. Mais en raison de tout ce qui se passait, j’ai plutôt choisi d’écrire une sorte de lettre d’amour à cette ville, presque comme une campagne promotionnelle pour contrer tout ce qu’on racontait de mal à propos de Wuhan à cause du virus. »

Sur les quatre belles chansons de Yellow Crane, Hua Li en a composé trois; la dernière, intitulée Electronic Girl, s’avère une reprise d’une chanson d’un groupe de math rock, quasiment inconnu ici, nommé Chinese Football. « J’avais une idée assez floue pour ce projet, celle de faire la reprise d’une chanson d’un artiste ou d’un groupe originaire de Wuhan », une ville que l’on présente comme le berceau du punk chinois, une scène musicale qui n’existe d’ailleurs que dans cette ville.

« Alors, poursuit Hua Li, j’ai envoyé des membres de ma famille à la pêche pour me dénicher des chansons, mais je n’étais pas emballée par leurs suggestions… Je savais par contre qu’il y avait une vraie scène rock indépendante à Wuhan – une scène que ma famille ne fréquente pas vraiment ! Alors j’ai cherché, en commençant par fouiller dans les groupes shoegaze de Bejing – le shoegaze est vraiment gros là-bas -, et de fil en aiguille, je suis tombée sur Chinese Football, un groupe math rock de Wuhan. »

Le type de groove néo-r&b / hip-hop électronique de Hua Li et le math rock sont comme chiens et chats dans nos oreilles, et la musicienne sera la première à admettre le peu d’intérêt qu’elle accorde à ce dérivé du rock progressif, « mais cette chanson-là m’a intriguée. Et j’aime vraiment le rock indépendant, qui m’a en partie inspiré – je crois aussi que c’est la raison pour laquelle je me suis vraiment sentie chez moi, à Montréal », où elle a composé et enregistré (avec le coup de main du réalisateur et multi-instrumentiste Alexander Thibault) les chansons de Dynasty, son tout premier album paru en septembre 2019 sur étiquette Next Door Records.

Bref, sa version d’Electronic Girl, chantée en mandarin, est formidable, tout comme le sont la cool rap Water et les plus mélodieuses Four More Days (une « chanson d’amour en quarantaine ») et Dream Narratives in Modern China. Yellow Crane est un coda parfait à Dynasty qui, en raison de la pandémie, n’aura malheureusement pas connu la vie qu’il mérite sur scène.

« Je ne te cacherai pas que la dernière année fut très éprouvante pour moi; la majorité des membres de ma famille résident toujours à Wuhan, de sorte que la situation m’a fait paniquer davantage que les gens qui m’entourent ici. […] Quant à savoir si ce que j’ai vécu cette dernière année sera exprimé dans mes nouvelles chansons, je répondrais que mes opinions et mes convictions ont toujours transpiré dans mon travail, même si je ne suis pas vraiment explicite. »

« J’écris des choses qui me sont toujours très personnelles, et souvent à propos de relations humaines – pas forcément amoureuses, mais plutôt le rôle que je joue dans toutes mes relations avec les autres. Et à cet égard, je pense, tout ce que j’ai pu vivre finit par émerger [dans mes chansons]. Tout ce qui se passe autour de moi trouve son chemin dans ma musique, surtout que 2020 aurait dû être une année chargée de concerts et de tournées pour moi. Alors j’ai eu à me réinventer – c’est le mot de l’année, ça! –, forcée à m’isoler, de sorte que j’ai composé énormément de nouveau matériel. Et parce qu’il y avait tellement d’anxiété et d’incertitude dans l’air, ça m’a fait un bien énorme de pouvoir tout canaliser ça dans la création. » Hua Li souhaite offrir un nouvel album au début de 2022.



Depuis toujours, les événements tragiques, les séparations et la perte d’êtres chers inspirent des chansons. Bien que leurs auteurs y racontent des expériences personnelles, ces chansons qui sont en harmonie avec leur temps continuent parfois de rejoindre un public longtemps après la disparition de leur auteur-compositeur – parce que les sentiments évoqués par les paroles et la musique ne démodent pas.

« I’ll Never Smile Again » est une de ces œuvres, inducted into both the Canadian Songwriters Hall of Fame (CSHF) et à l’American Recording Hall of Fame et reste un trésor de notre patrimoine musical.

Nous sommes dans les années 1930. La Grande Dépression s’éternise. Il n’y a presque pas de travail. L’Europe se dirige vers la Deuxième Guerre mondiale. À Toronto, Ruth Lowe, une jeune femme de 23 ans, écrit « I’ll Never Smile Again ». Cette ballade sentimentale lui est inspirée non pas par une, mais par deux énormes pertes : la mort de son père en 1932, puis le décès de son mari en 1939.

Lowe était une musicienne accomplie. Après la mort de son père, elle a fait vivre sa famille en vendant ses chansons et en les interprétant elle-même.  C’était de début de l’âge d’or des Big Bands. Lowe était de la partie. Après l’avoir entendue chanter un soir à Toronto, Ina Ray Hutton l’invita à se joindre à plein temps à l’orchestre entièrement féminin qu’elle dirigeait. Lowe a accepté et est partie en tournée.

Après un concert présenté un soir à Chicago, l’autrice-compositrice acceptait de faire une sortie avec un homme qu’elle ne connaissait pas encore, l’agent publicitaire musical Harold Cohen. Ce fut le coup de foudre mutuel, et ils se sont mariés peu après. Un an plus tard, le malheur frappait une seconde fois avec la mort subite de Cohen.

« C’est la perte des deux hommes de sa vie dans un espace de temps aussi court qui lui a inspiré la chanson », raconte son fils Tom Sandler. « Maman avait le cœur brisé. Un jour, elle a dit à ma tante qu’elle ne pourrait “plus jamais sourire sans lui”, et le lendemain, elle écrivait  d’un trait cette chanson obsédante. »

Lowe partagea ensuite la chanson avec le chef d’orchestre de variété torontois Percy Faith, qui l’a tout de suite adorée.  Avec la permission de l’autrice-compositrice, Faith a créé les arrangements de la chanson et l’a enregistrée sur 78-tours avec son orchestre.  Elle a été diffusée pour la première fois en 1939 sur les ondes de la radio de la CBC dans le cadre de l’émission régulière Music By Faith.

Mais Lowe savait qu’elle détenait un succès qui pouvait largement dépasser les frontières du Canada. Ambitieuse, l’autrice-compositrice en partagea l’enregistrement et la partition avec le chef d’orchestre de jazz Tommy Dorsey par l’entremise de son guitariste – qui fréquentait une des amies de filles de Lowe à l’époque. Le chef d’orchestre a écouté la chanson « I’ll Never Smile Again » et, comme Percy Faith avant lui, elle l’a vivement ému.

Ruth Lowe, First Billboard Chart, I'll Never Smile AgainDorsey a fait de nouveaux arrangements pour la chanson avec son orchestre et l’a ensuite présentée à Frank Sinatra et aux Pied Pipers, qui l’ont enregistrée. Cette chanson sentimentale a non seulement lancé la carrière de Sinatra, mais elle a constitué son premier succès No. 1 au palmarès de Billboard en plus de se hisser en première place du palmarès moderne de Billboard, qu’elle a dominé durant 12 semaines consécutives en 1941.

« Avec la guerre qui battait son plein en Europe, les cœurs brisés se multipliaient », observe Sandler. « Il y avait toutes ces femmes qui perdaient leur petit ami ou leur mari, et voici qu’arrive une chanson qui raconte l’histoire d’une femme qui pleure son homme. La chanson a résonné. Je la considère comme un moment important de l’histoire de la musique : Dorsey, maman, Sinatra, la guerre… tout s’est emboîté. La chanson fait un tabac dans les palmarès! »

Comme toutes les grandes chansons, plus d’un demi-siècle plus tard, « I’ll Never Smile Again » résiste à l’épreuve du temps. C’est l’œuvre qui a donné à Frank Davies l’idée de créer le Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. Au cours des décennies, elle a été reprise Fats Waller, Sarah Vaughan, Billie Holiday, Big Joe Williams, Count Basie, Dave Brubeck, Oscar Peterson, Eddie Arnold, The Platters, Carl Perkins, Cleo Laine, Barry Manilow et Michael Bublé, pour ne nommer que ceux-là.

Au cinéma, la chanson a été entendue dans les films Good Morning, Vietnam et The Color of Money, puis, à la télévision, dans The Fugitive, McHale’s Navy et Leave it to Beaver ainsi que dans les émissions d’Ed Sullivan, Perry Como et Lawrence Welk.

Un héritage impressionnant pour une chanson écrite par une jeune veuve torontoise de 23 ans au cœur brisé.

 Pour en savoir plus sur le patrimoine de Ruth Lowe dans le domaine de la chanson, on peut lire Until I Smile at You, un livre de Sandler et Peter Jennings publié en 2020, ou se rendre sur www.untilismileatyou.com