L’année 2019 marquera le quinzième anniversaire du groupe rap « transmusical » montréalais Nomadic Massive, événement qui sera souligné par la sortie d’un nouvel album original, ici comme en France où le talent des six membres fondateurs a trouvé reconnaissance. Entre temps paraîtra le 23 novembre Miwa, nouvel EP du groupe impatient de présenter son nouveau matériel. Conversation avec Meryem Saci et Waahli.
Sans se consulter, Waahli et Saci offrent la même réponse : le ciment qui solidifie chacun des six membres de Nomadic Massive, c’est le hip-hop. Le premier, qui vient de lancer un premier album solo intitulé Black Soap, l’apprête avec une touche de créole haïtien et des rythmes afrobeat et afro-caribéens.
« J’ai grandi dans les années 90 avec le hip-hop des États-Unis. C’est ce rap-là qui a formé mon appréciation de la culture et ma manière de m’exprimer en musique », abonde Waahli, qui rappe et chante en français, en créole, mais surtout en anglais. « Ado, je ne parlais même pas bien l’anglais; j’ai fait le choix d’aller à l’école en anglais pour comprendre la langue du rap et ainsi me familiariser avec la culture hip-hop. Ensuite, pour le créole, ça allait de soi : je suis né ici, mais mes parents, eux, sont nés en Haïti. »
Le parcours de Meryem Saci diffère seulement par son expérience d’immigrante, elle qui est arrivée à Montréal d’Algérie il y a un peu moins de vingt ans. « J’étais déjà intéressée par le rap avant d’arriver, raconte-t-elle, mais c’est à Montréal que ça s’est développé. J’étais d’abord fan de r&b, je ne savais pas si le rap c’était pour moi, or quand t’es fan de r&b, t’es en phase avec le hip-hop. De plus, ma passion pour le rap a été très importante dans mon apprentissage de la langue [française et anglaise], sans compter la découverte de sa culture, de l’histoire des Noirs en Amérique et la manière dont cette musique s’est développée dans le monde. Ensuite, le rap est devenu pour moi un outil pour dénoncer, prendre position, militer. Le rap, c’est un espace de libre expression. »
Rap, donc, et multiculturalisme, les deux mamelles auxquelles s’abreuve la force créatrice de Nomadic Massive, véritable melting-pot d’idées et d’influences : Waahli et son rap créole, Meryem qui chante en anglais et en arabe, « y’a ensuite Tali qui amène son patois [jamaïcain], Lou [Piensa, rappeur et compositeur] l’espagnol », en plus d’Ali Sepu, multi-instrumentiste aux racines chiliennes, Rawgged MC qui partage aussi des origines haïtiennes, Butta Beats le réalisateur/compositeur/rat de studio, un noyau dur auquel se greffent régulièrement d’autres collaborateurs, pensons seulement à l’auteur-compositeur-interprète Vox Sambou.
« C’est toute la beauté de la chose », explique Meryem, qui a lancé au printemps 2017 son propre album solo baptisé On My Way : « On s’entend sur certaines valeurs fondamentales, ce qui nous enligne sur des prises de positions, sociales et politiques. Certains thèmes qu’on approche en chansons vont résonner davantage chez un des membres ou un autre, mais au final, on a tous une prise de position semblable. Si y’a de la critique, un débat entre nous, ça fera aussi partie du texte, mais le message va dans un même sens. »
Ainsi ce Miwa, collection de nouvelles chansons mettant la table au nouvel album. « On attaque la création de cet album différemment des précédents, explique la musicienne. Cette fois-ci, on avait l’occasion de vraiment travailler, tous ensemble au même endroit, dans un contexte où on avait l’occasion de créer en simultané la musique et les thèmes, où on trouvait notre rythme de travail. »
Ce contexte de travail collectif, « plutôt que chacun de son côté avec ses idées, ses maquettes, ses instrus », a pris racine lors d’une tournée en France à l’été 2017, poursuit Saci. « Notre optique était vraiment de débuter l’écriture de l’album par une page blanche, tous les membres ensemble. On mettait tout sur la table, nos idées, nos instrus, nos jams, pour ensuite choisir ce qui nous inspirait. Lorsqu’on s’entendait sur un instrumental, on le retravaillait pour composer de nouveaux arrangements en groupe, puis on développe la mélodie et le texte. C’était surtout l’occasion de prendre le temps de jammer, de trouver les sons, de réarranger, de développer les thèmes, pour ensuite passer à la postproduction et calibrer tout ça en studio, retravailler les sons de batterie, les structures des chansons. Le but : arriver à une harmonie parfaite entre enregistrement organique et le travail numérique » à l’ordinateur.
« À la base, on n’a pas nécessairement un concept clair pour un album. Par exemple, avec le nouvel EP, on ne s’imaginait pas qu’il allait s’appeler Miwa », ou « Miroir » en créole. « Une fois qu’on a décidé que Miwa serait le single et qu’on allait faire un EP, on s’est naturellement retrouvés à nous concentrer sur des thèmes en lien avec la chanson : l’introspection, le reflet du monde qui nous entoure. Ça s’est naturellement imposé. Pour l’album, on est encore en train de développer le thème. »
Ce sera la surprise du printemps; entre temps, Miwa paraîtra le 23 novembre prochain.