Pour leur 10e album, les membres de Nickelback – Chad Kroeger, Ryan Peake, Mike Kroeger et Daniel Adair – ont pu profiter d’un avantage dont ils n’avaient jamais joui jusqu’ici dans leur carrière qui dure depuis 25 ans et qui nous a donné 9 albums en studio écoulés à plus de 50 millions d’exemplaires : le luxe de prendre leur temps.
« On n’avait pas de date butoir », nous expliquait Chad Kroeger lors d’un passage à Toronto en compagnie de Ryan Peake afin d’introniser Bryan Adams au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens lors d’un gala au Massey Hall le 24 septembre 2022.
« Y’avait personne qui nous criait après en disant “les gars, si vous ne sortez pas votre album durant le quatrième trimestre, on ne pourra pas faire ceci, cela et ça non plus, et vous pouvez oublier votre tournée aussi!” C’est tout ce qu’on a entendu pendant 20 ans », raconte Kroeger. « Tout était planifié et prédéterminé. C’est tellement agréable de travailler à son rythme. Tu n’as pas besoin de forcer quoi que ce soit et tu peux être créatif quand l’inspiration vient. »
Get Rollin’ est le premier album du groupe originaire d’Alberta et désormais installé sur la côte ouest depuis Feed The Machine (2017). On y entend Nickelback – reconnu pour ces immenses succès rock comme « Photograph » et « How You Remind Me » – explorer des terrains connus, mais aussi totalement inconnus.
Du côté connu, on retrouve des hymnes rock fortifiés de solos de guitare en fusion comme « San Quentin » ou « Skinny Little Missy », tandis que des morceaux avec un côté country rock des années 70 (« High Times ») ou l’onirique ballade pseudopsychédélique « Tidal Wave » voient Nickelback explorer de nouveaux horizons.
Mai l’un des moments préférés de Kroeger sur Get Rollin’ est la nostalgique « Those Days » avec ses relents country. « Rendu à mon âge et plus on s’éloigne de notre jeunesse, pus la nostalgie devient importante pour moi », dit-il. « Quand on est dans la vingtaine, on ne regarde pas vraiment en arrière en se disant “Quand j’avais 17 ans…” C’est quand on arrive dans la quarantaine qu’on se dit “Ah, quand j’avais 16 ans… Je me souviens de ceci, et ceci, et cela”. Tous ces souvenirs deviennent tes jours de gloire, tu sais? Toute cette merde qu’on vit tous un jour ou l’autre commence à s’effacer un peu et à laisser place, je l’espère, à de bons souvenirs. »
L’émotion l’étreint un instant. « Pour moi, “Those Days” me ramène à ce qui nous a poussés à fonder notre groupe », confie-t-il. « Même la merde que tu as vécue et que tu ne voudrais pas partager avec les autres a contribué à faire qui tu es devenu. Si tu effaces cette merde, tu n’es plus la même personne. »
« Perso, je fucking adore où on en est dans notre carrière. Quel façon de gagner sa vie! Y a des bouts qui sont durs, d’autres vraiment très durs, mais nous voilà. Je pense que rendu au point où on en est, j’ai assez chanté à propos de toute la merde qu’il faut endurer dans la vie. Je suis content de pouvoir chanter à propos d’autres trucs, le bon côté des choses. J’espère que ça ira chercher les gens autant que ça vient me chercher. »
Lorsqu’il s’agit de créer ses classiques passés et à venir, Kroeger utilise son studio maison pour créer les grandes lignes, mais les autres membres du groupe ont un droit de veto et ont leur mot à dire sur ce qui fonctionne ou pas. « Les gars contribuent à tout », dit-il. « J’arrive avec un squelette de chanson et je leur demande s’ils pensent que ça vaut la peine de poursuivre cette idée-là. “Est-ce que ç’a le moindre intérêt pour vous? ‘Pensez-vous que c’est une bonne direction pour le groupe?’”
« Ça arrive qu’ils disent non, et c’est très bien comme ça ; essayons autre chose et allons dans une autre direction. Ryan a toujours des bons mots : “je pense que c’est une excellente chanson, mais c’est pas pour Nickelback”. Et comme on fait des albums au “nous” et pas au “je”, cette chanson prend le chemin de la voûte en attendant que je sois prêt à travailler en solo avec quelqu’un d’autre. »
Pour Chad Kroeger, tout est prétexte à un squelette de chanson, que ce soit un riff ou un mot.
« Ça peut être plein de choses différentes », explique-t-il. « Il y a un truc que je dis tout le temps : quand c’est le temps d’écrire une chanson de calibre professionnel, tu devrais commencer par le refrain et savoir, d’un point de vue thématique, ce que les couplets vont lui apporter, parce que c’est dans ces détails-là que tu définis ton thème. »
Il prend une pause pour un effet dramatique avant de rigoler « on fait fucking rarement ça! Mais on est Nickelback et on finit toujours par y arriver. »
Selon Ryan Peake, il y a un seul et unique test qui détermine si une chanson se rend plus loin que le stade de l’audition. « Mon truc, et je me soumets moi-même à cet examen critique quand je crée quoi que ce soit, c’est simplement de me demander si j’ai envie de l’entendre encore », dit-il. « C’est pas plus compliqué que ça pour moi. Et je pense que c’est la façon de penser de bien du monde. »