Mikel Hurwitz se qualifie lui-même d’« organiseur de sons » et il est vrai que son travail en tant que compositeur, musicien, producteur et chef d’orchestre lui permet d’agir en ce sens d’une myriade de façons. Qu’il en soit conscient ou non, ses musiques de film influencent l’humeur et la perception du public, son travail de musicien et de producteur fait ressortir des éléments qui changent la manière de jouer une œuvre, et son approche à titre de chef d’orchestre informe la musique qui est jouée en temps réel.
Ces multiples talents ont été réunis lors du récent séjour de Hurwitz au prestigieux Los Angeles Film Conducting Intensive (LAFCI), un cours dirigé par des vétérans de la musique à l’image d’Hollywood conçu pour aider les compositeurs à l’image à développer leurs compétences en matière de direction d’orchestre.
« Ils sélectionnent un groupe de participants pour écrire, orchestrer, diriger et enregistrer une œuvre en quatre jours en plus de préparer des œuvres existantes », explique-t-il. « Je n’avais jamais dirigé un grand orchestre auparavant, alors c’était une toute nouvelle expérience pour moi et ç’a été une occasion incroyable d’étudier une trame sonore et de réfléchir à la manière de la diriger. Ça fait travailler une autre partie de ton cerveau quand tu prépares une trame sonore pour diriger un orchestre comparativement à quand tu l’écris. Tu dois penser à toutes les sections de l’orchestre et à chaque musicien et tu n’as pas de métronome ; c,est un défi super amusant. »
Le parcours de Hurwitz est aussi éclectique que son œuvre en tant que compositeur à l’image où l’on retrouve des trames sonores pour une comédie sur la communauté latino-américaine, un documentaire sur le baseball, un film d’horreur humoristique et d’innombrables comédies romantiques pour Hallmark. Il a un passé d’activisme social et est diplômé en géographie politique et en études latino-américaines de l’Université de Colombie-Britannique, ainsi qu’en musique de film du Berklee College of Music. Il a vécu à Los Angeles pendant huit ans alors qu’il était l’assistant de Danny Elfman sur plusieurs films – dont notamment The Grinch, Dumbo, Justice League et Girl on the Train –, avant de rentrer à Toronto, sa ville natale, il y a deux ans. Il joue d’une tonne d’instruments – piano, clarinette, percussions, guitare et divers instruments à cordes d’un peu partout sur la planète – et il a joué avec des orchestres de musique classique, des trios jazz et des groupes d’improvisation ainsi qu’avec Cinemastasia, un ensemble qui joue de la musique pour des films muets. Tout ça dans le but de créer un impact émotionnel pour les auditeurs.
« La palette de styles dans lesquels je peux improviser est assez large, et ça aide beaucoup », confie Hurwitz. « Mais en même temps, je n’aime pas être trop spécifique en matière de genres musicaux, parce que ça peut facilement sonner un peu quétaine. J’ai travaillé sur un film à propos d’un vignoble argentin, et le truc, c’était d’éviter d’aller trop loin dans la tentation d’utiliser le tango. Il y a toujours une façon d’utiliser une idée rythmique, mais avec un instrument auquel on ne s’attendrait pas ou encore une idée rythmique inattendue avec un instrument inattendu ; ça donne de la saveur sans tomber dans l’exagération. »
« Psychologiquement, c’est fascinant, parce que quand tu deviens trop prévisible, tu perds ton auditoire », poursuit-il. « Il faut que tu trouves l’équilibre parfait entre le fait d’être évocateur et de soutenir ce qu’on voit à l’écran et dans le scénario, mais sans en mettre trop. Il se produit quelque chose de magique, je crois. Même moi je ne comprends pas totalement d’où vient une mélodie quand je réagis à un extrait de film. C’est quelque chose qui flotte dans l’air et mon travail, c’est de l’observer, de réagir et de laisser venir ce qui doit venir pour ensuite prendre ça et le polir. »
Le prochain projet de Hurwitz est un album de sa musique à lui où il organise les sons différemment. « J’ai enregistré avec le Budapest Art Orchestra et j’utilise et traite cet enregistrement comme si je le remixais en le passant à travers des synthés et en traitant les sons de pleins de façons différentes avec des effets, des “overdubs” et plein de trucs un peu “weirds”. Je joue par-dessus l’orchestre de toutes sortes de façons inattendues. C’est super intéressant. »