L’anxiété additionnelle provoquée par la COVID entraîne chez bien des gens un sentiment d’impuissance qui perturbe leur sommeil et leur concentration, mais il contribue également à la prise de conscience de l’importance de la tranquillité, voire de l’ennui. Le batteur et compositeur de renom Larnell Lewis a toujours accordé beaucoup d’importance à la pleine conscience, c’est-à-dire la pratique de se concentrer entièrement sur le moment présent, et il appartient sans aucun doute à cette deuxième catégorie.
« La pratique de la pleine conscience est devenue une partie encore plus importante de ma vie avec cette pandémie », dit-il depuis sa résidence de Toronto. « Conscience, tranquillité, vivre dans le moment, tout ça m’aide vraiment à concentrer mon énergie et mon intention. La COVID a forcé beaucoup de gens à regarder ce qu’il y a devant eux. Moi, c’est ma famille qu’il y a devant moi. Je suis souvent en tournée et là je me retrouve chez moi, et je vois mes enfants grandir, j’apprends à les connaître. »
Vivre le moment présent est si important pour ce batteur incroyablement novateur et très demandé qu’il a intitulé son premier album In The Moment. Dans les notes de la pochette du disque paru en 2018, Lewis écrit : « Les compositions de cet album sont basées sur un ensemble de moments et de souvenirs que j’ai gardés avec moi au cours des 15 dernières années. Alors que je m’embarque dans ce nouveau périple, une règle très importante me vient à l’esprit et elle peut s’appliquer à de nombreuses situations dans la vie : efforce-toi d’être dans le moment en toutes circonstances. »
Lewis a profité de nombreux moments de pleine conscience : en tant que membre du groupe de Brooklyn ayant remporté trois Grammy Awards, Snarky Puppy (qui est de nouveau finaliste en 2021) ; lors d’une tournée mondiale avec des poids lourds du jazz comme Pat Metheny, John Scofield et Gary Burton ; en tant que directeur musical lors de la première, dans le cadre du Festival international du film de Toronto, du documentaire acclamé par la critique sur Quincy Jones, QUINCY, où il a dirigé les performances de personnalités comme Chaka Khan et Mark Ronson ; lorsqu’il a joué au Carnegie Hall aux côtés de David Crosby, lorsqu’il a reçu l’Oscar Peterson Award for Outstanding Achievement in Music (du Humber College) en 2004 et le Emerging Jazz Award (2017) de la Toronto Arts Foundation.
C’est à l’église que Lewis a été initié à un très jeune âge à la batterie. La pleine conscience s’est manifestée durant les services. « C’est là que j’ai réalisé l’importance de rester immobile, d’être reconnaissant pour ce que l’on a et d’apprécier le processus d’oublier le monde extérieur pour me concentrer sur cet endroit qui me permettait de me recentrer », dit-il.
Il confie pour lui, jouer de la batterie — que ce soit à l’église ou dans une salle de spectacle un peu partout dans le monde — relève d’une expérience religieuse. « On peut sans aucun doute avoir un effet sur l’état d’esprit d’une personne qui vient vous voir en spectacle si leur but est de se recentrer », dit-il. « Ce que je souhaite, c’est que leur journée soit un peu plus ensoleillée après m’avoir vu jouer. »
En novembre 2020, Lewis lançait Relive The Moment qui propose six compositions de son premier album avec de nouvelles performances à la batterie. « J’ai abordé ce projet de la perspective d’un batteur », avant d’explique que lors de la création de In The Moment, il était avant tout « un gestionnaire de projet ». Pas surprenant quand on sait que ce projet impliquait une vingtaine de musiciens de la région de Toronto.
« Celui-ci a un “flow” très différent », explique le musicien. « Ça m’a permis d’apprécier la musique et de raconter différemment l’histoire derrière chacune de ces pièces. » « Coconuts » est l’un de ces morceaux, une œuvre dont il dit que c’est « ma version de raconter la découverte du Saint-Graal ». Lors d’un concert à Toronto l’an dernier, Lewis a raconté avec grand bonheur l’histoire de la quête de la noix de coco parfaite. Il me raconte en riant qu’il a même fait l’acquisition d’un marteau spécial qui l’aide à choisir la noix de coco idéale.
L’analogie qu’il établit entre la chasse à la noix de coco et son approche de son art est délicieuse. « Il faut prendre son temps », dit-il. « Tu apprends sans arrêt, tu persistes, et tu continues. On est constamment dans un périple d’apprentissage et ce sentiment merveilleux qu’on ressent lorsqu’on arrive à ce moment.
Tout ce que je peux dire, c’est de continuer à ouvrir des noix de coco », conclut-il en riant.