Pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs, la SOCAN a demandé à plusieurs de ses membres Noirs d’écrire un texte sur le sujet de leur choix. Voici celui de Lionel Kizaba, auteur, compositeur, batteur et interprète québécois originaire de la République démocratique du Congo (RDC). Kizaba est en nomination dans la catégorie Global Music Album of the Year au prochain Gala Juno, et est nommé trois fois au Gala Dynastie à Montréal dans les catégories Artiste ou groupe musical de l’année s’étant illustré à l’international, Artiste ou groupe musique du monde de l’année et Artiste ou groupe musical francophone de l’année.
J’ai commencé ma carrière au Congo en tant qu’artiste jazz aux côtés de mon oncle, le professeur François Mantuila Nyomo. J’ai eu la chance d’accompagner plusieurs artistes congolais et d’initier mon projet solo de jazz fusion au Congo. En immigrant au Québec, j’ai suivi une formation pour artistes professionnels arrivants au Québec, EURÊKA. Cette formation m’a donné des outils pour m’intégrer à l’industrie de la musique québécoise. À mes yeux, pratiquer mon art au Québec était une opportunité en or.
J’ai eu la chance d’accompagner des artistes québécois exceptionnels dont Manu Militari, Mario Saint-Amand et Sébastien Lacombe. J’ai pu créer des liens professionnels solides. En arrivant au Québec, j’ai été ébloui par la diversité culturelle et la richesse artistique. J’étais heureux de constater que le Québec avait une grande ouverture d’esprit, et grâce à ma persévérance et mon travail acharné, j’ai pu élargir mon réseau de contacts.
Après avoir passé plusieurs années à accompagner des artistes, j’ai décidé de me lancer en tant qu’artiste solo afin d’élargir mon champ artistique. Mais, malgré mes 12 ans de carrière musicale au Québec, je constate que la reconnaissance de ma musique ici n’est pas encore tout à fait à la hauteur de mes attentes. En effet, il est encore difficile pour les artistes afrodescendants d’être reconnus à leur juste valeur. En dépit de mes réalisations en tant que producteur indépendant (Kizavibe, novembre 2022), performeur international (États-Unis, Brésil, Chili, Colombie, Chine, Corée, Angleterre, Espagne, Italie, etc.), et local, je réalise que mon art est plus apprécié à l’extérieur du Québec. Pourtant, la sortie de mon dernier album Kizavibe a rencontré un grand succès auprès de mes fans montréalais.
J’ai eu la chance de performer plusieurs chansons de mon album à la Société des Arts technologiques de Montréal, au festival Nuit d’Afrique et au Festival de monde et design de Montréal et Festival AfroMonde. Je possède une identité artistique unique qui vaut la peine d’être connue. Je suis choyé d’avoir une équipe d’artistes extraordinaires qui me soutiennent tels que mon DJ producteur et réalisateur Pierre Béliveau, qui a réalisé mon album, et mon guitariste Maxime Archer Fortin, qui est toujours avec moi sur la route sur les grandes scènes des festivals à l’international.
Malgré tout, l’industrie de la musique québécoise a grandement évolué depuis le début de ma carrière. L’inclusivité est de plus en plus présente dans les émissions de variétés (comme Belle et Bum, à Télé-Québec) ainsi que dans les galas de musique. Toutefois, afin que l’industrie évolue réellement, il serait essentiel que les institutions culturelles et artistiques reconnaissent et intègrent activement le travail des artistes Noires. C’est-à-dire d’inclure les artistes de la communauté Noire dans les festivals et les jurys de subventions aux productions musicales.
Ensuite, il serait important de continuer à éduquer et sensibiliser notre société aux enjeux auxquels certains artistes Noirs font face. Cette sensibilisation peut se faire par l’intermédiaire d’ateliers, de séminaires ou de programme sur l’art afrodescendant. Je pense qu’il est encore difficile pour la société québécoise d’admettre que les personnes Noires vivent des inégalités dans leur pratique artistique. Reconnaître cet enjeu faciliterait l’avancement de l’intégration et de la reconnaissance des artistes Noirs québécois. Il serait également indispensable que le Québec s’éduque sur l’histoire des différentes communautés afrodescendantes. Cela permettrait aux institutions culturelles de mieux comprendre notre histoire, notre réalité et la philosophie derrière notre art.
Je pense que le Québec possède une communauté artistique incroyable et qu’il faut continuer à encourager et soutenir les artistes Noirs afin qu’ils puissent être reconnus à leur juste valeur. Je suis optimiste que les choses vont continuer à s’améliorer encore et encore.