Kevin Figs

Jeune bambin, Kevin Figs n’avait aucune intention de créer de la musique, et ce bien que la vie semblait l’y prédestiner. Né à Toronto, puis élevé au centre-ville de Montréal,  dans une famille où la musique était omniprésente, les astres semblaient judicieusement alignés pour la cause. Son père l’initie à la guitare, la basse, la batterie sitôt ses premiers pas effectués. Puis fiston, du haut de ses six ans (!), devient éventuellement batteur au sein du groupe de musique de l’église High Park Church de Toronto, où il lui arrive de reprendre les baguettes lorsque son horaire le lui permet.

Aujourd’hui dans la mi-vingtaine, et cumulant plus de huit années de métier bien comptées qui l’emmènent de Toronto à Los Angeles en passant par sa maison à Montréal, Figs peut se targuer d’être  l’un des auteurs-compositeurs et producer bien en vue parmi ceux et celles de sa génération. Et s’il a brièvement côtoyé les devants de la scène au sein de the401 jadis, l’artiste n’entretient aujourd’hui aucun intérêt à ressortir de l’ombre : « Créer de la musique n’est pas quelque chose que je rêvais de faire quand j’étais petit… Donc tout ce que je crée est nécessairement pour quelqu’un d’autre. Je n’ai pas cette ambition de performer, mais c’est définitivement devenu ma grande passion, donc c’est pour moi ET pour les autres. Ma plus grande ambition est probablement de maitriser et mettre en œuvre une éthique de travail béton. »

Cumulant sur sa route quelques bombes pop qui retentissent aux quatre coins du globe pour le compte de Jeremih, Shawn Desman, Virginia to Vegas, Alyssa Reid, pour ne nommer que ceux-ci, en plus de ponctuellement revisiter quelques gros tubes ici et là – le jeune créateur, qui s’attire les accolades de Cirkut et quelques autres lions de l’industrie, possède une feuille de route plus qu’enviable jusqu’ici.

Travaillant la plupart du temps aux côtés de son grand ami et complice O C, à l’égard de qui il ne tarit pas d’éloges – « il est carrément l’une de mes plus grandes inspirations » –, le tandem est notamment responsable de We are stars, récipiendaire du SOCAN Pop/Rock Music Award en 2015, des susmentionnés Virginia to Vegas feat. Alyssa Reid : « L’instrumental de la chanson a tout d’abord été créé en une nuit avec O C mais nous n’avons même pas pu la terminer parce que nous nous sommes embarrés hors de mon propre studio! Nous étions déjà très excités par cette chanson bien avant qu’elle atterrisse entre les mains de l’entourage d’Alyssa Reid. Notre gérant de l’époque leur a essentiellement dit : “This one’s the one”, et tout s’est imbriqué naturellement. »

Et la suite s’est enchaîné dans une fulgurance dont Figs est le premier surpris « Composer des chansons, c’est ce que je fais pratiquement au quotidien, donc je travaillais sur une poignée d’autres chansons au même moment, mais de voir une de nos créations bénéficier d’aussi grosses rotations sur les radios, c’était fantastique! »

Évidemment, les succès cumulés sur la route font de lui une tête bien en vue au sein de l’industrie. Et l’homme se permet aujourd’hui d’anticiper des collaborations potentielles : « C’est sûr qu’il y a des moments où j’ai des voix en tête lorsque j’écris… Jeremih était définitivement l’une de ces voix. Lorsque j’ai entendu Birthday Sex j’ai tout de suite été sous le charme de sa voix… » L’homme et son acolyte O C ont aussi collaboré au dernier gravé de l’artiste, Late Nights.

Et si Figs n’est, selon ses dires, aucunement versé dans le côté glamour qui peut auréoler le métier, il affirme sans ambages que son principal souci est de toujours bosser à la dure : « Je suis extrêmement reconnaissant de pouvoir faire de la musique tous les jours de ma vie, mais ce n’est pas qu’une grande partie de plaisir non plus. Certains volets de ma vie peuvent en payer les frais, mon réseau social, ma famille… Et j’ai dû apprendre avec le temps à devenir très versatile, à pouvoir écrire dans des endroits où il n’y a parfois pas même une table et une chaise pour écrire avec 10 paires d’yeux rivées sur moi qui attendent une chanson. »

Un pari clairement payant.



Jean Anfossi est un éditeur qui ne recule devant rien. Contre vents et marées, dans un écosystème où la technologie change complètement la donne, où les redevances fondent comme neige au soleil et où la concurrence est sans pitié, il a réussi à bâtir une impressionnante libraire de musique de production canadienne.

Puis, après 11 ans, il a décidé de changer l’image de marque de son entreprise — MFP (Music for Productions) — et a embauché de nouveaux employés à Toronto et Montréal dans le but de recentrer ses activités sur le marché québécois et mettre encore plus d’accent sur la musique pour la télé et le cinéma.

Jean Anfossi a commencé sa carrière chez Warner/Chappell Music Publishing Canada. Lorsque les services administratifs de l’entreprise ont déménagé au sud de la frontière, il a commencé à travailler avec son mentor, Mark Altman de Morning Music. C’est là qu’Anfossi a pris goût aux librairies de musique de production, alors qu’il collaborait avec Altman à la création des premières collections de Morning Music.

Il avait bien compris que la vague du numérique était en fait un tsunami, et c’est avec cela en tête qu’il a fondé MFP en 2005 : le premier guichet unique de licences musicales au Canada où les clients pouvaient écouter et acheter d’œuvres musicales.

Depuis, le paysage n’a cessé de se métamorphoser. Des éditeurs plus imposants tels que ole ont commencé à faire l’acquisition d’importantes librairies de musique et à se mettre à jour technologiquement.

« Je martèle sans arrêt que les compositeurs devraient être payés pour leur travail, et pas seulement en termes de redevances d’exécution. »

Jean Anfossi

Photo by Jacqueline Grossman

MFP était un petit poisson dans un étang de plus en plus hostile, mais Jean Anfossi est un batailleur et il est parvenu à tirer son épingle du jeu en devenant un as du référencement naturel (SEO) en tirant un maximum de profit des Adwords de Google. Mais même avec ces tactiques, le retour sur l’investissement continue de diminuer au fur et à mesure de l’évolution du monde numérique.

Le domaine de la musique de production a également vu arriver bon nombre de nouveaux joueurs et de nouveaux types de licences. Des géants de l’image libre de droits tels que Getty et Shutterstock ont élargi leur offre de service afin d’inclure la musique, et Jean Anfossi sait que cela a fait très mal aux éditeurs traditionnels.

« La musique libre de droit diminue la valeur de la musique en faisant fi des redevances de synchronisation », affirme-t-il. « Les éditeurs se satisfont d’une petite avance et des redevances d’exécution provenant d’organisations comme la SOCAN. Mais les compositeurs et les éditeurs qui comptaient sur les revenus de synchronisation pour arrondir leurs fins de mois trouvent de plus en plus difficile de survivre dans l’environnement actuel. »

Depuis toujours, le pain — et le surtout le beurre — de MFP provenait de la publicité et des vidéos d’entreprise, mais au fur et à mesure que la concurrence augmentait et que les tarifs diminuaient, Jean Anfossi n’a eu d’autre choix que de se réorienter.

« J’ai récemment décidé de me concentrer sur le marché québécois », explique l’éditeur. « J’ai embauché Pascal Brunet pour administrer nos affaires du bureau de Montréal. Il a travaillé chez Virgin-EMI Music pendant 15 ans et il a des tonnes de contacts. Son expérience et ses connaissances du domaine de la musique seront un atout important pour notre entreprise, surtout dans un marché aussi créatif que le Québec en termes de productions locales et internationales. »

Le catalogue de MFP a considérablement grossi, par ailleurs, grâce à un récent partenariat avec BMG/USA dont les librairies de musique de production contiennent plus de 50?000 œuvres, portant ainsi l’offre de pièces éditées ou sous-éditées par MFP a plus de 160?000 œuvres.

« Nous sommes désormais en mesure d’offrir à nos clients des domaines de la télé, du cinéma, de la publicité, des entreprises et du multimédia un éventail incroyable de musique de grande qualité », se réjouit M. Anfossi.

Selon Darrel Shirk, le directeur des opérations de BMG/USA, « la synergie avec MFP est indéniable. Avec leur feuille de route au chapitre de la distribution et notre offre musicale de premier ordre, nous savons tous que les possibilités sont infinies. »

Par ailleurs, Jean Anfossi se fait le porte-étendard des droits des compositeurs et des éditeurs auprès de tous ses clients.

« Je martèle sans arrêt que les compositeurs devraient être payés pour leur travail, et pas seulement en termes de redevances d’exécution », explique-t-il. « Trop de compositeurs donnent pratiquement leur musique parce qu’ils arrivent à peine à joindre les deux bouts. Je n’accepte pas de compositeurs sur notre site Web s’ils sont également dans des librairies de musique libre de droits. À quelques rares exceptions que j’ai accepté de représenter, mais sous un pseudonyme. »

Jean Anfossi a également une autre corde à son arc, une nouvelle entreprise baptisée ReelSongs.com qui se spécialise dans la musique indie/alternative destinée à la télé et au cinéma, et ReelSongs est le dépositaire de Fieldhouse Music appartenant à BMG, entre autres catalogues.

« J’adore mon métier », avoue M. Anfossi. « Je ne suis pas pressé de vendre mon entreprise. Je vais continuer de bâtir ma librairie avec toujours plus de contenus canadiens. Je viens tout juste de recevoir 15 pièces d’un compositeur québécois qui fait dans la musique traditionnelle québécoise. C’est une offre unique, car personne ne peut composer ou jouer de la musique de ce genre s’il n’est pas originaire du Québec. Je crois que de telles offres sont ce qui donne une véritable valeur à ma librairie, parce que je possède du matériel exclusif qu’il est impossible de trouver ailleurs. »



Des artistes membres de la SOCAN tels que Dear Rouge ou Cœur de Pirate peuvent désormais compter sur un allié inattendu et relativement nouveau pour leur promotion au pays et à l’étranger : Spotify Canada.

Ce service mondial de diffusion en continu a commencé ses activités au Canada en novembre 2014 après des années d’attente et il fait depuis tout en son pouvoir pour aider les artistes canadiens — dont la très vaste majorité sont membres de la SOCAN — à s’établir nationalement et internationalement grâce à des listes d’écoute et des vitrines préparées avec beaucoup de soin.

Il faut dire que Spotify livre la marchandise : le service compte sur un auditoire de 100 millions d’utilisateurs mensuels actifs partout à travers le monde (Spotify ne fournit pas de données régionales) et il est devenu, depuis son lancement en Suède en 2008, un des plus importants influenceurs de la planète.

C’est en raison de cette influence que le vétéran de l’industrie, Nathan Wiszniak, a accepté il y a 18 mois le poste de directeur des relations avec les maisons de disques chez Spotify Canada.

« Nous souhaitons vraiment faire notre marque au Canada, mais l’ultime but est de mondialiser les artistes canadiens. » — Nathan Wiszniak de Spotify Canada

« Lorsque vous regardez une plateforme mondiale telle que Spotify, elle possède la capacité de créer des auditoires qui permettront aux artistes canadiens de se faire connaître partout dans le monde », explique M. Wiszniak, dont la carrière dans l’industrie l’a vu passer de nombreuses années dans le domaine des ventes pour des maisons de disque telles que Fusion III, Fontana North et Sony Music Canada. « C’était une opportunité incontournable pour moi. »

La popularité grandissante de ces services de diffusion en continu — Spotify, Tidal, Apple Music, Google Music Play, Galaxie/Stingray Music, Groove et Slacker, tous détenteurs d’une licence de la SOCAN — y est également pour quelque chose. Les diffusions en continu ont représenté 15,5 millions $ des 308 millions $ de revenus engrangés par la SOCAN en 2015, une augmentation sur 12 mois de 24,4 %.

Pour Spotify Canada, des réussites telles que celles de BadBadNotGood, Ria Mae, SonReal ou Jazz Cartier sont en partie dues au succès de leurs « Spotlight » sur les artistes locaux.

Un bon exemple est celui des lauréats d’un prix JUNO 2016 et du volet anglophone du Prix de la chanson SOCAN 2015, le duo et couple de Danielle et Drew McTaggart mieux connu sous le nom de Dear Rouge.

« Dear Rouge a été un de nos Spotlight en 2015 », explique Wiszniak. « Dès le départ, nous avons travaillé en étroite collaboration avec le groupe, la maison de disque et leur équipe de gérance afin d’établir et de déployer un plan à long terme. Dear Rouge a fait un excellent travail avec ses listes de lecture de l’artiste afin de maintenir l’intérêt entre la parution de leurs simples. »

« À partir de cela, nous avons pu travailler avec nos équipes internationales pour les inclure à des listes de lecture dans d’autres pays et cela a eu pour effet que les États-Unis sont devenus le territoire le plus important pour Dear Rouge, représentant près de 40 % de leur part de marché. »

Dear Rouge a également connu un franc succès de l’autre côté de l’Atlantique grâce aux efforts de Spotify Canada. « Le troisième plus important territoire pour le groupe est l’Espagne, nous savons donc que nous sommes parvenus à mondialiser notre plateforme et à accroître nos auditoires, ce qui leur ouvre des portes pour effectuer des tournées dans ces marchés. »

« Lorsque nous avons su que Spotify s’établirait au Canada, nous leur avons tout de suite fait savoir que nous souhaitions nous impliquer activement afin de créer des listes de lecture et de nous faire les porte-étendards du service », explique Drew McTaggart de Dear Rouge. « Ils nous ont donc inclus sur de nombreuses listes de lecture, ce qui nous a donné une tonne de visibilité… Je crois que « Black to Gold » compte désormais plus de 30 millions d’écoutes, ce qui est incroyable. Grâce à Spotify, notre album jouit d’une distribution mondiale, même si nous ne l’avons lancé qu’au Canada… USA Today a publié une critique de notre chanson et l’a qualifiée de « hit » de l’été. C’était totalement hallucinant, car ils l’avaient entendue sur Spotify… Et lors de notre première tournée aux États-Unis, nous n’avons pas eu à lancer quoi que ce soit : à tous les spectacles, il y avait des gens qui disaient être là après nous avoir entendus sur Spotify… Des labels américains sont intéressés à nous mettre sous contrat en ce moment à cause de ces chiffres. »

Les artistes du Québec ont également profité de la « catégorie Francophone unique qui se trouve dans notre section Genres et Ambiances », ainsi que des collaborations entre Spotify Canada et d’autres bureaux régionaux de l’entreprise.

« Cœur de Pirate a collaboré avec notre équipe en France sur des programmes régionaux et des listes de lecture », poursuit Wiszniak. « En fin de compte, nous sommes parvenus à lui créer un marché français aussi important que celui du Canada. »

« Prenez l’exemple d’un groupe très québécois comme les Dead Obies : un de nos éditeurs responsable de la liste de lecture de hip-hop international a pu les inclure à sa liste et les faire connaître d’un plus vaste auditoire. Le Canada demeure le principal marché des Dead Obies, mais les États-Unis sont bons deuxièmes, plutôt intéressant pour un groupe qui a cumulé plus de 1,8 million de diffusions au cours de la dernière année seulement. »

« La mondialisation et la collaboration avec nos équipes dans d’autres marchés : voilà comment nous y sommes parvenus. »

Les outils de promotion de Spotify Canada sont également au service d’artistes indépendants tels que le très discret Allan Rayman, un auteur-compositeur-interprète torontois qui n’est pas sous contrat (bien qu’il compte sur les services de gérance de Joel Carriere, le dirigeant de Bedlam Music Management et Dine Alone Records) mais dont la musique — particulièrement son album Hotel Allan — est sur une excellente lancée. La chanteuse pop Saya a également été propulsée au sommet des palmarès de « viralité » grâce à sa pièce « Wet Dreams », principalement en raison du soutien de ses fans.

Alors, comment ça fonctionne??

Une fois que Spotify Canada reçoit de la musique d’une de ses nombreuses sources, incluant les gérants et les artistes eux-mêmes, Wiszniak travaille en étroite collaboration avec un éditeur de liste de lecture pour « identifier les priorités ».

« Nous comptons beaucoup sur les données — elles nous servent d’indicateur à savoir si les choses bougent et quel est l’auditoire initial de cette musique », explique-t-il. « Ainsi, lorsqu’il y a une nouveauté ou que les choses bougent sur la plateforme, que ce soit en raison d’un phénomène viral ou grâce à Discover Weekly, notre vitrine hebdomadaire que les gens écoutent pour découvrir de nouveaux artistes, nous travaillons ensemble afin de prioriser ces parutions. »

L’un des outils de promotion les plus efficaces demeure les Spotlight, lancés en décembre 2015.

« Nous identifions des artistes qui sont sur le point de percer au Canada et à l’international au cours de la prochaine année », explique encore M. Wiszniak. « Nous collaborons avec ces artistes afin de les aider à percer sur d’autres territoires. Nos palmarès “viraux” sont d’excellents indicateurs de la musique qui fait vibrer les amateurs, surtout lorsqu’il s’agit d’artistes que nous ne connaissons pas encore. »

Parmi les autres responsabilités de Nathan Wiszniak dans le cadre des relations avec les maisons de disque, on retrouve un volet d’éducation auprès des divers intervenants de l’industrie et de ce que Spotify peut faire pour eux.

« Tout simplement, je suis la personne ressource pour l’industrie de la musique », dit-il. « Maisons de disques, distributeurs indépendants, agrégateurs comme Orchard ou Kobalt, plateformes de labels indépendants aux États-Unis, tous ceux qui ont besoin de distribution et même des labels directs tels que Paper Bag : je parle avec tous ces gens chaque semaine ou aux deux semaines afin de m’assurer que nous sommes à jour quant à leurs calendriers de parutions. »

Nathan Wiszniak informe également des organisations telles que l’Association canadienne des éditeurs de musique (CMPA) et la SOCAN au sujet des « meilleures pratiques » de Spotify, en plus d’entretenir des liens directs avec les artistes et leurs gérants. Dans l’ensemble, M. Wiszniak explique que le mandat de Spotify Canada est tout simplement d’être une « vitrine pour les artistes canadiens ».

« Nous souhaitons vraiment faire notre marque au Canada, mais l’ultime but est de mondialiser et desservir les fans des artistes canadiens. »