Kandle est apparue dans le paysage musical montréalais il y a quelques années avec un EP qui l’aura propulsée parmi les révélations du cru 2011. On aurait dit un ange blond tombé des nues pour entonner avec aplomb ses compositions érigées sur des bases folk et blues, à partir desquelles se déploient des guitares plus rock. La suite de cette appétissante mise en bouche nous est arrivée en mars dernier avec In Flames, premier album complet.
La voix est placée, le style franc, la sensibilité de Kandle se transmet à travers des textes et des musiques en phase avec les courants actuels. On pense à Marissa Nadler, à Lykke Li ou au romantisme sombre d’un Nick Cave. Kandle chante et c’est pour elle une victoire : « À mes débuts, je ne savais pas chanter du tout! Je pouvais composer une chanson, texte et musique, en 10 minutes, mais l’interpréter ne me venait pas naturellement, je chantais faux et ça me rendait tellement malheureuse!, se souvient la chanteuse de 23 ans. Je viens d’une famille de musiciens : ma sœur, ma cousine, mon père, tout le monde chante! Alors j’ai commencé à m’enregistrer : je m’écoutais, j’identifiais ce qui n’allait pas et je recommençais. Je voulais au moins être en mesure de chanter sur la bonne note et j’ai fini par y parvenir. Ensuite j’ai développé mes habiletés techniques : déployer un registre plus étendu, maîtriser l’art du vibrato, atteindre plus de notes. Et définir un style personnel. Je n’ai aucune formation, alors j’y vais par essais-erreurs, en autodidacte. »
« À mes débuts, je ne savais pas chanter du tout!.. Je chantais faux et ça me rendait tellement malheureuse! »
Pour Kandle, Montréal est la ville chanceuse. Elle s’y est établie il y a trois ans après avoir bouclé son EP. Sam Goldberg, complice musical, coréalisateur du nouvel album et membre du groupe torontois Broken Social Scene croyait en elle. « Il m’a dit que si je venais à Montréal, il pourrait m’aider à monter un band et qu’on pourrait commencer à faire des spectacles. À Victoria, j’étais “la fille de Neil Osborne” (son père est membre du groupe canadien 54-40), on me prenait plus ou moins au sérieux… Moi j’ai faim de cette vie-là, j’ai le goût de faire des tournées et des spectacles, je piaffe d’impatience! Montréal était la promesse d’un recommencement. Je me suis jetée dans le vide en espérant pour le mieux. » Et comme de fait, les choses se sont enclenchées dès qu’elle y a posé le pied.
Il est vrai que les Montréalais sont mélomanes, curieux de la musique qui émerge. « C’est une ville tellement inspirante et excitante! Les gens soutiennent les artistes locaux, on nous donne notre chance. Le public vient entendre ce qu’on a à proposer, on fait jouer nos chansons à la radio. Ça joue pour beaucoup dans les débuts. J’ai retrouvé cette ouverture d’esprit en France, lors d’un séjour il y a quelques mois. Là-bas aussi, les gens, qu’ils connaissent l’artiste ou pas, se déplacent pour faire des découvertes et s’ils aiment ton band, ils achètent l’album. C’est une bénédiction de jouer pour ce type d’auditoire. »
Curieux contraste, les chansons de Kandle – une fille lumineuse, pétillante, sourire dans la voix –, sans être lourdes, sont porteuses de noirceur. Qu’est-ce que la musique permet d’explorer et de révéler? « Il s’agit pour moi d’une processus thérapeutique. Je n’aime pas laisser la noirceur et la tristesse vivre à l’intérieur de moi alors je les fais sortir dans mes chansons… Les gens que je côtoie m’inspirent les textes. Et pas que des garçons et mes histoires d’amour! Je parle de la manière dont les choses m’affectent. Je revisite ces émotions lorsque je monte sur scène. »
Il n’y aura jamais trop de modèles féminins forts dans l’industrie de la musique. « Nous sommes si peu nombreuses! Dans ce milieu, être une fille est autant un avantage qu’un désavantage. Bien sûr, c’est plus difficile de se faire prendre au sérieux pour sa musique, mais lorsque vient le temps de la faire connaître, on me propose des pleines pages dans des magazines de mode et certains me découvrent ainsi… Ça finit par s’équilibrer, je crois. »
Pour Kandle Osborne, trouver sa voix signifie aussi faire entendre ses idées, et son père également coréalisateur de l’album, est pour elle un grand allié. « C’est une industrie dominée par les hommes et ils ne se gênent pas pour te dicter quoi faire. Pendant l’enregistrement, mon père était là pour leur dire : “Hey, c’est l’album de Kandle, alors laissez-la faire ses choix!” Quand je sollicite son avis, il me renvoie la balle et me demande ce que MOI, j’en pense. Il est fier de sa fille, aime me voir évoluer… Même s’il est bien placé pour savoir que je n’ai pas choisi la voie la plus facile. »