Rencontré trois heures avant de monter sur une scène extérieure aux Francofolies, plus tôt en juin, Jonathan Painchaud insère dans sa liste finale de chansons quelques titres de La tête haute, son cinquième disque en solo et son huitième en carrière sorti le 15 avril 2016 après un hiatus de trois ans. Nouveau groupe, nouveau label, nouveau disque, nouvelle vie, Painchaud vit ses 41 ans avec sérénité.
« Ç’a été une période pour tout digérer ce qui s’est passé avant, pendant et tout de suite après la production de l’album précédent où il y a eu des séparations tant au niveau personnel, qu’au niveau professionnel. J’ai dû prendre de grosses décisions, j’avais besoin d’une pause du métier même si je n’ai jamais eu d’autres revenus que la musique. Bon an mal an, je fais partie des dix artistes qui jouent le plus à la radio. Je suis chanceux. Une majorité de mes revenus annuels proviennent de mes droits d’auteur. C’est ce qui me permet de vivre décemment. »
Quand on a un brûlot comme Pousse Pousse dans le collimateur…
« Avant ce succès de 2007, les dirigeants des stations de radio ne jouaient plus mes chansons. J’étais officiellement un has been. Le silence radio du jour au lendemain. J’ai écrit la toune au gym en me disant : je vais pousser de la fonte pour oublier la honte. Je l’ai écrite en pensant à mes détracteurs. Tiens- toi! Dans les dents! Tu ne peux rien dire de négatif sur cette chanson, elle est inattaquable! »
Painchaud a fondé sa petite boîte de production et gère lui-même sa carrière : « Les jeux de coulisse et la logistique bouffent pas mal d’énergie. Mais l’ultime paie, le bonbon, c’est d’avoir une gratification instantanée lorsque tu joues devant un auditoire».
Les épreuves de la vie font rarement de mauvaises chansons: « La tête haute, c’est l’album où je suis le moins crispé ou coincé; lâcher prise, c’était pas mal le leitmotiv de l’œuvre! Or, ça été le plus ardu à composer de tous mes albums parce qu’il y a toujours eu un événement dans ma vie, un décès, une séparation, un conflit, j’étais tellement dispersé dans ma tête que ç’a été difficile de m’asseoir et de focaliser sur la musique. Je voulais retrouver mon mojo ».
« Travailler avec Éloi, c’est un couteau à deux tranchants. (…) des fois, nos opinions divergent et il faut avoir de bons arguments pour le convaincre »
Et qui d’autres que son frère Éloi, de nouveau à la réalisation? « Il sortait d’un paquet de projets comme La Chasse galerie et La Guerre des tuques 3D (Jonathan y signe la chanson Héros) donc on était tous les deux un peu essoufflés avant même d’entrer en studio. On s’est regardé pis on s’est demandé: où est-ce qu’on trouve notre jus? »
C’est finalement la facture sonore de la chanson titre qui a été la pierre angulaire du reste de l’album. « Autour de cette chanson, on a greffé en satellite tous les autres éléments qui caractérisent ma musique: plus up tempo, plus hop la vie, le folk, le rock… Ça donne dix vignettes de moi à différents moments dans ma vie. C’est dix facettes de qui je suis. »
Et comment s’est passé le processus de création cette fois? « La plupart du temps j’écris les paroles et musiques seul avec mon iPad ou mon laptop. Je fais des maquettes et les présentent à mon frère en studio afin de travailler les orchestrations. Travailler avec Éloi, c’est un couteau à deux tranchants. Des fois il va mettre l’épaule à la roue et initier une idée au service d’une chanson, mais des fois nos opinions divergent et il faut avoir de bons arguments pour le convaincre, dit le frérot en pouffant de rire. En bon auteur-compositeur chevronné, il est capable de pointer les points forts de mes chansons… tout comme mes faiblesses. Il est arrivé qu’il me renvoie à la table d’écriture pour modifier un couplet ou un refrain. »
En gros plan sur la pochette du disque, son chien Peyo a aussi inspiré une chanson, Le quadrupède pétomane. « Je fais un clin d’œil à la chanson française à la Renaud ou Brassens, mais en racontant les flatulences de mon chien! Sur une autre des dix chansons, Plus que la vie elle-même, il y a ce moment super intime avec ma fille où je parle de me laisser porter par les vents et de laisser aller mes histoires personnelles de façon candide. » La chanson Ma belle infirmière en est un exemple patent. Et tourne maintenant à la radio.
« J’ai aussi davantage le souci du détail dans ma musique, conclut-il. À mes débuts, quand j’ai commencé à écrire des chansons, on ne mettait pas beaucoup de papier sablé sur les coins, mais ce n’était pas trop grave tant qu’il y avait une notion d’honnêteté. Mais on n’était pas perfectionniste. »