Nous sommes ravis de vous présenter le premier épisode de notre nouvelle série trimestrielle intitulée Jeunes pousses où nous vous présenterons un profil de très jeunes membres de la SOCAN qui se font remarquer grâce à leur musique. Nos premiers sujets : Moscow Apartment.

Moscow Apartment est un duo torontois composé de Brighid Fry et Pascale Padilla, toutes deux âgées de 15 ans, au sujet duquel les éloges ne tarissent pas depuis sa création il y a un an.

Ces meilleures amies qui fréquentent la Rosedale Heights School of the Arts ont été consacrées Meilleures jeunes auteures-compositrices aux Toronto Music Independent Awards et Meilleures jeunes artistes aux Canadian Folk Music Awards 2017. Elles ont également fait un tabac lors de la 16e édition du Winterfolk Festival en plus passer l’été dernier en tournée sur le circuit des festivals partout au Canada ; Winnipeg Folk Festival, Hillside Festival de Guelph, Shelter Valley et Summerfolk, entre autres.

En septembre 2017, le duo lançait un EP éponyme de cinq chansons réalisées par Samantha Martin et qui a attiré l’attention des critiques d’un bout à l’autre du pays grâce à des titres originaux comme « Francis and Isolde », « Annie » et « The Things You Do » qui révèlent une maturité innée et un adorablement séduisant équilibre des voix qui est à la fois modeste et audacieux.

« Notre lien musical provient vraiment du fait que nous sommes meilleures amies », explique Fry. « Nous sommes très proches l’une de l’autre, et ça influence beaucoup notre dynamique en tant que groupe. » « Je n’avais jamais eu autant de facilité à écrire avec quelqu’un d’autre auparavant », ajoute Padilla. « Je crois que nous partageons la même vision de ce que nous voulons lancer. »

Moscow Apartment s’est formé après que les deux jeunes artistes se soient perdues de vue pendant quelques années et que Padilla s’est rendue au lancement du EP Fox Hat de Fry en octobre 2015 et qui fut l’occasion de renouer.

Fry est auteure-compositrice depuis plus longtemps, ayant eu la piqûre « en première ou deuxième année. J’ai eu cette enseignante suppléante vraiment méchante. J’étais vraiment irritée et j’ai écrit une chanson sur son incroyable méchanceté », se souvient la jeune artiste.

Quant à Padilla, elle a eu besoin d’un peu de coaching. « En 5e année, j’ai commencé à travailler au Girls’ Rock Camp et l’auteure-compositrice Kritty Uranowski », raconte-t-elle. « J’ai toujours écrit des chansons, mais j’avais besoin qu’on me guide et qu’on m’aide à structurer ma créativité. Elle enseigne ça aux gens, particulièrement les jeunes filles, et aide leur créativité à s’épanouir. Elle m’a donnée le goût d’écrire encore plus, de l’impressionner. »

« On s’est chicané pas mal l’été dernier, mais je crois que ça nous a rapprochées. » — Brighid Fry — Moscow Apartment

Padilla explique qu’elle a également beaucoup appris au chapitre de la croissance personnelle auprès de la réalisatrice Samantha Martin. « Elle m’a montré comment être une personne qui kicke des culs », dit-elle.

La trempe professionnelle et personnelle de leur amitié a été mise à rude épreuve l’été dernier durant leur tournée des festivals folk, particulièrement lorsqu’elles ont décidé de se rendre à Winnipeg en passant par le nord de l’Ontario. « On a appris que ce n’est pas une bonne chose de partir en camping pendant deux longues semaines avec votre meilleure amie — ça crée de la chicane », dit Fry en rigolant. « On s’est chicané pas mal l’été dernier, mais je crois que ça nous a rapprochées. »

Padilla admet volontiers que des prises de bec fréquentes peuvent être galvanisantes. « On se chicane parce qu’on n’a pas la distance professionnelle », avoue-t-elle d’emblée. « Ça nous force à travailler ensemble et à surmonter les moments difficiles. »

Malgré tout, toutes deux ont trouvé le circuit des festivals des plus inspirants sur le plan personnel et créatif. « Dans tous ces festivals, on retrouve cette même communauté, comme une ville miniature », dit Padilla. Même son de cloche du côté de Fry qui trouve l’expérience éducative. « On a peu faire connaissance avec des gens extraordinaires et apprendre plein de choses dans les programmes pour les créateurs », raconte-t-elle. « Ça m’a donné envie de faire encore mieux. J’ai vraiment envie de me tailler une place dans ces festivals, mais je ressens encore un peu le syndrome de l’imposteur malgré tout le travail que nous accomplissons. Ça me motive à travailler encore plus fort pour réussir et me sentir en pleine confiance. »

Moscow Apartment a connu des débuts modestes avec des influences allant de Joni Mitchell à Kendrick Lamar en passant par le groupe indie rock de Brooklyn Big Thief. « Quand on a commencé, on était un duo ukulélé et guitare », explique Fry. « Nous sommes définitivement toujours ancrées dans le folk, car c’est la musique qui nous a vu grandir, donc c’est une part importante de notre musique. Mais depuis six ou sept mois, Pascale et moi on a commencé à écouter des trucs plus indie rock et on en ressent l’influence, après tout, nos sommes des ados — nos personnalités changent rapidement et ça s’entend dans notre musique d’une chanson à l’autre. C’est le reflet de la création de notre style personnel en tant qu’adolescentes. Le folk et le rock nous viennent tout naturellement en ce moment. »

Padilla est d’accord. « Je suis une personne complètement différente de celle que j’étais il y a trois mois, et je crois que notre musique est complètement différente de ce qu’elle était il y a trois mois », dit-elle, ajoutant que le duo a récemment commencé à répéter avec des musiciens afin d’élargir sa palette musicale.

Pour l’instant, Moscow Apartment vise l’enregistrement de nouvelles musiques et à réfléchir sur une première année couronnée de succès. « Je ne pense pas qu’on puisse honnêtement dire que nous pensions accomplir autant de choses en un an », admet volontiers Fry. « Nous venons à peine de commencer. On veut continuer à grandir et laisser les choses se produire naturellement. »

 

Pour Padilla, cette relation est là pour durer. « Je ne peux même pas imaginer ma vie sans collaborer avec Brighid », dit-elle. « C’est vraiment cool de travailler avec une personne que j’aime si intensément. »



Manila Grey est peut-être apparu sur la scène musicale il y a à peine deux ans, mais cette relation musicale existe depuis presque une décennie. Neeko et Soliven sont des amis d’enfance qui ont grandi les yeux rivés sur leurs téléviseurs et les émissions RapCity et Vibe, sur les ondes de MuchMusic, découvrant les Outkast, Maxwell, Usher et autres Musiq Soulchild. C’est à l’été 2009 qu’ils ont commencé à faire de la musique ensemble. « Vous dire le nombre de reprises, de rire et d’heures passées en ligne à la recherche de “beats” », se souvient Soliven. « C’était l’époque de toutes les découvertes. »

C’est en 2016 que Neeko et Soliven ont fait passer leurs ambitions musicales au niveau supérieur en fondant officiellement Manila Grey, un groupe de hip-hop moderne où Neeko rappe et Soliven chante. Un vaste pan de ce nouveau chapitre de leur carrière, de l’aveu même du duo, est dû à leur collaborateur et producteur Azel North. « Il produit les “beats” et il est derrière le design sonore de Manila Grey », explique Neeko. « L’homme est totalement dévoué à ses sons et ça nous motive incroyablement à aller au-delà de nos frontières musicales et à plonger. »

Les chansons qui en ressortent sont parmi les plus impeccables du hip-hop actuel et ne sont pas sans rappeler The Weeknd et Majid Jordan. Il y a toutefois une chose qui distingue clairement Manila Grey du reste de leurs collègues R&B : leur amour inconditionnel de leur culture philippine. Neeko et Soliven affirment sans crainte que leur culture informe leur approche musicale — en réalité, même, elle en est plus que jamais le moteur.

« En vieillissant, et à mesure que notre musique évolue, il y a toujours eu cette dualité entre notre ancienne vie en Asie et notre vie actuelle à Vancouver, et nous ressentions le besoin de l’exprimer, mais ne pouvions pas le faire auparavant », explique Neeko. D’ajouter Soliven : « nous avons réalisé que nous avons une opportunité et une plateforme en or pour présenter aux gens quelque chose de vraiment unique. »



Beaucoup d’artistes portent à la fois les chapeaux d’auteur, de compositeur et d’interprète. Mais parfois, la magie opère à la suite d’une rencontre entre gens de plume, créateurs de musique et chanteurs. C’est le cas de Repartir à zéro, Classique de la SOCAN depuis 2000, et qui souffle ses 30 bougies cette année.

Chanson phare du répertoire de Jo Bocan depuis la parution de son disque éponyme en 1988,  Repartir à zéro est née de la collaboration entre Danièle Faubert (paroles) et Germain Gauthier (musique).

Même dans ce cas d’espèce plutôt rare de nos jours où l’auteur, le compositeur et l’interprète sont trois personnes distinctes, c’est un peu en raison d’un autre corps de métier musical, celui de réalisateur, que toutes les pièces du puzzle sont tombées à la bonne place.

Compositeur et réalisateur

Gauthier, qui a composé des musiques pour Nicole Martin, Donald Lautrec, Pierre Létourneau, Renée Claude, Nanette Workman et Diane Dufresne dans les années 1970 et 1980, a été d’abord approché à titre de réalisateur.

« Je crois bien qu’ils avaient déjà commencé à travailler sur le projet quand on a fait appel à moi, se rappelle celui qui a commencé sa carrière comme guitariste. C’est Jean-Claude Lespérance qui m’a téléphoné pour me proposer de participer à l’aventure.

« Il me dit : « Je veux que tu fasses le disque de Jo ». J’ai répondu : « Oh! Tu sais, Jo, elle est pas mal à gauche pour moi. Est-ce que tu penses que je suis vraiment la bonne personne ?’’ J’avais l’impression d’être plus pop que Jo au départ. Elle est une chanteuse théâtrale. Et c’est là qu’il me dit : « C’est pour ça que je t’appelle’’. Je lui demande donc de rencontrer Jo avant de lui donner ma réponse.

“I didn’t know Jo, but it really clicked between us artistically. There was some kind of magic operating. We launched into artistic discussions, and it was endless. I was amazed by her incredible open-mindedness. By her charisma. And I fell in love with her voice. Meeting her created beautiful sparks.”

Quiconque œuvrant sur un projet artistique a le réflexe d’inviter à y participer des collègues avec lesquels il a déjà travaillé. C’est ainsi que Gauthier a contacté Danièle Faubert. « J’avais rencontré Jo à l’époque, se souvient Faubert qui a écrit pour Beau Dommage, Francine Raymond, Pierre Bertrand et… Germain Gauthier. Je ne me souviens

Germain Gauthier

Germain Gauthier

plus précisément à quelle étape de l’album, mais c’était une rencontre sans discuter de sujet en particulier. Pour un auteur, c’est important de rencontrer la personne pour laquelle on va écrire. On essaie de saisir ce que l’autre est, ce qu’elle dégage.

« Écrire, c’est une rencontre avec des atomes crochus. Il y a une partie de la chanson qui doit ressembler à l’interprète. S’il y a quelque chose avec lequel la chanteuse n’est pas à l’aise, on la change. Mais il faut que je sois contente aussi (petit rire). »

L’environnement, une préoccupation

L’inspiration en écriture, qu’elle soit musicale ou non, demeure l’un des concepts les plus insaisissables qui soient. Pour Repartir à zéro, deux éléments se sont imposés. « Je me souviens d’être sortie d’un souper quand il y avait une brise douce, poursuit Faubert. Il n’y avait personne dans la rue. J’entendais mes pas et ça me faisait un petit peu peur. À cette époque, la question environnementale était déjà criante. »

Danièle Faubert

Danièle Faubert

C’est ainsi que l’on retrouve dans la chanson des phrases comme :

« …à qui sera le premier à faire sauter la planète »
«…retrouver l’eau et l’air, est-ce un rêve naïf ? »
«…ne plus courber l’échine, avancer sans avoir peur
Imaginer la terre comme un jardin d’Éden »

« En fait, c’est une chanson qui est malheureusement toujours d’actualité, note l’auteure avec réalisme. L’eau, l’air… Aujourd’hui, avec la menace de la bombe avec la Corée du Nord et les États-Unis… Sans compter que (Donald) Trump a renié les accords de Paris… Mais c’est aussi une chanson d’espoir. »

« Quand Danièle est arrivée avec ce texte, on avait déjà travaillé quelques chansons en studio, se rappelle Germain Gauthier. En qualité de réalisateur, je me trouvais un peu à donner la direction et on avait axé l’album sur un son particulier. Je lis le texte et je dis : « Ayoye!’’ Ce texte m’a jeté à terre. Il était tellement beau… »

L’instinct avant tout

Tellement beau, dans les faits, que la musique qui a finalement servi d’écrin aux paroles est née d’un processus créatif presque instinctif. « La feuille avec les paroles, je l’ai laissée sur ma table de cuisine, relate-t-il, avec une réelle émotion dans la voix. J’ai lu et relu les mots au point que je savais les paroles par cœur. Ça, c’était de la joie intense. »

Jo Bocan

« Souvent, quand tu composes, tu gosses sur certaines affaires avant d’arriver au but. Là, j’ai entendu les premiers accords dans ma tête, sans piano ni guitare. J’ai pratiquement composé la musique dans ma tête. Des flashs de même, on n’en a pas des tonnes. Et à un moment, je me suis dit : « Wow! Je l’ai’’.

Trente ans plus tard, la mélodie de Repartir à zéro n’a pas pris une ride. Pas plus que son propos et encore moins le clip d’époque qui intercale les images de Jo Bocan, enfant et adulte, avec celles de conflits armés, de famine et de luttes raciales. On pourrait refaire le clip en 2018 avec des images récentes… Repartir à zéro est indiscutablement une chanson personnelle au propos universel.

« Je ne sais pas si j’essaie d’être universelle quand j’écris, mais il faut que le texte parle de quelque chose qui me touche pour vrai », note Danièle Faubert. Ici, l’auteure (Faubert), le compositeur (Gauthier) et l’interprète (Bocan) y ont tous trouvé leur compte.