La plupart des musiciens passent de leur garage à la scène sans vraiment savoir tout le travail accompli en coulisses par les différents corps de métiers qui leur permettent de monter sur scène, et pourtant, ce genre d’expérience peut être très utile.

C’est précisément ce qu’offre le programme « Tune In, Trade Up » du Ontario College of Trade (OCT) : « un marteau, une clé à molette et un “backstage pass” », ainsi qu’une opportunité d’être payés tout en apprenant un des nombreux métiers entourant les arts de la scène tel qu’opérateur de machinerie lourde, charpentier, électricien, technicien de camion et autocars, cuisinier et même coiffeur. Ces corps de métier — affirmer la directrice des communications et du marketing de l’OCT, Sherri Haigh — sont « les stars derrière les stars », des gens sans qui ­ — comme l’affirme Jason McCoy du groupe Road Hammers dans une vidéo sur le site Web de l’institution — « nous n’aurions même pas de scène sur laquelle monter ».

L’idée pour ce programme est née d’une conversation entre Mme Haigh et le président de Music Canada, Graham Henderson. « J’ai croisé Graham en 2014 », se remémore Mme Haigh. « Je l’ai approché et lui ai dit que nous voulions intéresser les jeunes à ces corps de métier et que nous savions en retour à quel point l’industrie de la musique est importante pour eux puisqu’ils y trouvent constamment de l’emploi. » De fil en aiguille, l’OCT. est devenu, en 2015, partenaire des festivals Boots and Hearts et Way Home et a profité de l’occasion pour tourner une vidéo visant à attirer de potentiels candidats à son programme.

Celui-ci a été lancé à l’automne 2015 et il devrait prendre de l’expansion au cours de la saison 2016 des festivals de musique. De plus, cette année, l’OCT. est également commanditaire du Canadian Music Week. « Nous y aurons un kiosque et nous parlerons aux gens de ces corps de métier en coulisse du showbiz », explique Sherri Haigh, ajoutant que d’autres secteurs de l’industrie de la musique ont exprimé leur intérêt pour son programme, notamment les maisons de disque.

En d’autres mots, il est bénéfique pour les musiciens de comprendre l’importance de ces corps de métier afin de leur permettre de donner un concert en salle, dans un festival ou dans un club, peu importe dans quel secteur de l’industrie ils désirent œuvrer. Plus un artiste est sensible aux défis que son équipe de soutien doit surmonter pour qu’il puisse monter sur scène, plus il est susceptible de ressentir un esprit de corps avec cette équipe, ce qui, à son tour, assure que tous travailleront pour offrir au public la meilleure expérience qui soit.

De plus, croit Mme Haigh, tout le monde y trouve son compte et cela est bénéfique non seulement à tous ceux qui entrevoient une carrière dans ces corps de métier — qu’ils soient musiciens ou non — mais à toute l’industrie. Il cite au passage une prévision du Conference Board of Canada selon laquelle le pays souffrira d’une pénurie de main d’œuvre atteignant 360?000 ouvriers en 2025, de plus plus d’un demi-million de travailleurs en 2030. Dans la mesure où l’industrie de la musique ontarienne est une force économique majeure qui génère des revenus de plusieurs centaines de millions de dollars annuellement, ce programme sera bénéfique à de nombreux intervenants, bien au-delà de ceux mentionnés par McCoy. Pour être franc, sans ces corps de métier, les festivals et autres concerts à grand déploiement ne seraient tout simplement pas possibles.

« Ce n’est pas uniquement pour l’industrie de la musique », poursuit Mme Haigh, « et ce n’est pas uniquement pour les jeunes?; c’est pour tous ceux qui songent à réorienter leur carrière. » Pour elle, il y a un lien en ligne droite entre les missions de la SOCAN et de l’OCT. « La SOCAN protège l’intégrité et le succès des artistes et de leur métier, tandis que nous protégeons l’intégrité des gens qui font leur apprentissage et suivent une formation afin de nous assurer que les gens qui travaillent dans l’industrie soient dûment certifiés, respectés et protégés. Nous avons clairement des objectifs en commun. »



« Nous sommes un groupe rock qui a une crise identitaire. »

C’est ainsi que Jimmy Vallance décrit Bob Moses, son projet musical en compagnie de son collègue vancouvérois Tom Howie. (Non, personne dans le groupe ne se nomme Bob.) Il est toutefois vrai que le duo est à cheval sur la frontière entre un groupe rock et un duo de producteurs électro grâce à sa pop électro glaciale ornée de voix chaudes et de guitares électrisantes qui convient tout autant aux cafés qu’aux discothèques, mais qui prend toute sa puissance sur une scène. S’il y a réellement une crise identitaire au sein du groupe, rien n’y paraît de l’extérieur et cela semble même être la clé du succès du groupe : leur premier album, Days Gone By a fait ses débuts sur le Top 10 Dance/Electronic du Billboard, ils ont fait une apparition à l’émission Ellen et seront de la partie au festival Coachella.

Les compères se sont connus à St George’s, une école privée de Vancouver. Jimmy est le fils du renommé auteur-compositeur et réalisateur Jim Vallance et il a grandi au son de Radiohead tout autant que de Rancid, en plus d’être batteur dans un groupe heavy metal tout en développant une réelle appréciation de la musique électronique. « J’aime le fait qu’une seule personne peut tout faire », explique-t-il. « Lorsque j’ai entendu l’album Play de Moby et que j’ai compris qu’il n’avait pas de groupe derrière lui, j’étais très excité. »

« Nous avons tout enregistré nous-mêmes, mais nous tenions vraiment à ce que ce soit un pro qui mixe le tout. » — Jimmy Vallance, de Bob Moses

Au même moment, son camarade de classe Tom passait tranquillement de punk à auteur-compositeur sérieux. « J’ai vu son groupe punk en spectacle », se souvient Jimmy Vallance. « Ils étaient vraiment mauvais. Mais un jour, il y avait une assemblée à l’école et il était là, seul avec sa guitare, à chanter des chansons qu’il avait écrites lui-même dans la veine de ce que Jack Johnson fait. Il était vraiment incroyable. »

Il faudrait toutefois encore quelques années avant que la paire ne devienne Bob Moses. Ils s’étaient tous deux relocalisés à New York afin de poursuivre leur rêve d’une carrière musicale et, après une rencontre fortuite dans un stationnement, ils ont décidé de tenter la création de chansons ensemble. Ils ont signé plusieurs parutions sur l’étiquette de Brooklyn Scissors & Thread avant d’être mis sous contrat par Domino, la prestigieuse étiquette indépendante qui est également celle d’artistes canadiens tels que Caribou et Junior Boys. Cette entente avec Domino a permis à Bob Moses de s’assurer les services de deux pros du mixage pour leur premier album, Mike Stet (Madonna, Depeche Mode, et le classique de Massive Attack, Mezzanine) et David Wrench (FKA Twigs, Jamie XX).

« Nous avons tout enregistré nous-mêmes, mais nous tenions vraiment à ce que ce soit un pro qui mixe le tout », explique Vallance. « On ne voulait pas l’ingénieur le plus populaire en ce moment, mais quelqu’un dont on appréciait le travail. Et lorsqu’on parle de musique électronique, le mixage est une étape cruciale du produit fini. Ça nous a également permis de retomber en amour avec notre musique sur laquelle on travaillait sans relâche depuis un an. »

Et ce résultat final est exactement ce qu’il fallait à l’heure où l’EDM est en déclin. Le succès quasi instantané de Bob Moses serait-il donc le signe que la génération EDM est prête à se calmer un tantinet??

« Les jeunes commencent à se rendre compte qu’il y a une limite à la quantité de chaos sonore qu’ils peuvent endurer », croit Vallance. « Ne vous méprenez pas, je crois que l’EDM a beaucoup contribué à la musique électronique en général, mais vient un moment où les gens ont envie d’entendre quelque chose de plus substantiel. Je dis souvent à la blague que notre musique est à l’EDM ce que le grunge a été pour le métal glam des années 80. Ce sont deux formes de rock, mais il y en a un qui est plus près de ses racines et l’autre qui est une machine à imprimer de l’argent. C’est là où nous en sommes aujourd’hui. »



Lorsque John MacPhee n’avait que 10 ans, son grand frère lui a appris à jouer « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana à la guitare électrique. Ni l’un ni l’autre ne se doutait à ce moment que vingt ans plus tard, le plus jeune des deux frères serait le leader du groupe pop rock Paper Lions, formé de son frère Rob à la basse, de leur voisin d’enfance Colin Buchanan, à la guitare, et de leur copain du secondaire, David Cyrus MacDonald à la batterie.

« On jamme ensemble depuis belle lurette », explique McPhee, aujourd’hui âgé de 33 ans. « Nous sommes vraiment comme une famille, nous avons tellement partagé d’expériences, des bonnes comme des mauvaises. Il existe entre nous un lien qui est encore plus fort que l’amitié. »

MacPhee croit que c’est ce lien qui leur a permis de soutenir leur évolution depuis qu’ils ont commencé à jouer ensemble il y a douze ans à l’Île du Prince Édouard, où ils habitent toujours.

« Je crois que nous sommes passés au niveau supérieur dans tout ce que nous faisons. » — John MacPhee de Paper Lions

Cet esprit de corps a également permis au groupe, qui a déjà assuré les premières parties de groupes tels que CAKE, Tokyo Police Club et Hollerado, entre autres, de repousser leurs limites musicalement et leur plus récent album, un troisième, intitulé Full Colour en fait foi, tout comme le premier extrait à en avoir été tiré, « Believer », et ses synthés très accrocheurs.

« Je crois que nous sommes passés au niveau supérieur dans tout ce que nous faisons », de dire MacPhee au sujet de cet album qui doit paraître à l’été 2016. « Nos compositions, notre écriture, la réalisation… tout ça. Nous en sommes incroyablement fiers. »

Pour la création de cet album, le groupe a passé de nombreuses heures dans un studio de Charlottetown qu’ils louaient à raison de quelques jours par semaine. « La création et l’enregistrement de ce disque se sont fait un peu comme un emploi de 9 à 5 », confie-t-il. « C’était un processus très différent de nos albums précédents, mais vraiment gratifiants. »

Il poursuit en expliquant que le fait de pouvoir travailler ensemble, sans interruption, sur de nouvelles sonorités, sans compter le fait de pouvoir compter sur le talent d’ingénieur du son et de réalisateur de leur collègue Colin Buchanan, leur a permis d’expérimenter à leur propre rythme. « Nous avions environ 25 démos quand nous avons commencé le processus d’enregistrement », se souvient-il en riant. « C’est pour ça que cet album est beaucoup plus varié dans ses sonorités et ses atmosphères. »

Déjà reconnu pour ses vidéo-clips amusants, le quatuor s’est concocté une scénographie en concert qui comporte une passerelle et des projections qui viennent soutenir l’énergie des chansons du nouvel album. « C’est vraiment le fun », dit MacPhee. « Je suis convaincu qu’avec le recul, nous pourrons dire que cet album et ce nouveau spectacle auront été un moment décisif de notre carrière. »

Et si leur récent passage au Mod Club de Toronto en fait foi, MacPhee a sûrement raison de croire cela. Il se souvient avoir arpenté ladite passerelle devant une salle à guichets fermés et avoir entendu la foule chanter avec lui. Et lors d’un passage, il a carrément laissé l’auditoire chanter à sa place. « C’était la première fois qu’une telle chose se produisait », raconte-t-il en riant. « Je n’avais plus aucun contrôle. C’était fantastique pour moi en tant qu’artiste de scène et auteur-compositeur de voir une de mes chansons appréciées de cette façon. »

Peu importe ce que le futur leur réserve, MacPhee affirme que le groupe n’a pas l’intention de quitter sa province. « Ça signifie de longues heures sur la route, mais on n’a pas de problème avec ça. Les avantages, pour nous, d’être établis ici plutôt qu’ailleurs surpassent les inconvénients », explique l’artiste, citant en exemple leur acquisition d’un presbytère néogothique de 240 m2 pour la ridicule somme de 80?000 $. « Ce serait impensable dans n’importe quelle autre ville. »

Mais quoi qu’il en soit, MacPhee affirme que c’est avant tout pour pouvoir demeurer près de leurs amis, de leurs fans et de leurs familles que les membres du groupe s’entendent tous sur ce point. « Cela nous offre une certaine sécurité », ajoute-t-il. « Et c’est sans doute cette sécurité qui nous a permis de continuer à faire ce que nous faisons depuis si longtemps. »

Faits saillants

  • La vidéo de la chanson « Travelling » de Paper Lions a été visionnée 7,65 millions de fois à ce jour sur YouTube.
  • Das sa précédente incarnation nommée Chucky Danger, le groupe avait remporté le prix de l’enregistrement pop de l’année aux East Coast Music Awards en 2006 pour leur EP 6— pack.
  • Fin 2015, ils ont fait la connaissance du musicien de rue âgé de 12 ans, Braydon Gautreau à Charlottetown et la même semaine l’ont invité sur scène pour chanter « Travelling ».

Discographie :
Two Brothers, a Major, and a Minor (2003), 6-pack (EP, 2004), Colour (2006), Chucky Danger (2007), Trophies (2010), At Long Creek (2012), My Friends (2013), Full Colour (2016)