Inspiré par Bob Dylan et Ian Tyson, Lightfoot changea de veste et commença à écrire du matériel plus poétique à saveur folk, ce qui fit sa renommée. « Early Morning Rain » lui vint en tête en se remémorant ses pauvres jours d’étudiant à Los Angeles, regardant les grands Boeing 707 décoller à l’aéroport.

Lightfoot tira profit des conseils qu’Harold Moon lui avait prodigués, notamment qu’une chanson doit être un mariage parfait entre une mélodie et des paroles, puis se tourna vers BMI Canada, l’un des précurseurs de la SOCAN.

« Il suffit parfois de laisser simplement l’imagination faire le travail, » dit Lightfoot.

« On s’inspire d’une scène passée ou de quelque chose qu’on a vécu, qui recèle un certain souffle poétique, et on le met en paroles. Puis on essaie de le faire différemment dans chaque chanson. »

En plus d’avoir à écrire pour respecter les échéances prévues dans ses contrats d’enregistrement, c’est sur commande que Lightfoot a composé certaines de ses chansons les plus mémorables. « Steel Rail Blues » est une des chansons qu’il a écrites pour un film sur les chemins de fer canadiens. Quand la CBC lui demanda de composer une chanson sur la construction de la voie ferrée du Canadien Pacifique, il se renseigna sur le sujet en lisant un ouvrage de Sir William Cornelius Van Horne, l’ingénieur en chef des chemins de fer. Le résultat fut la composition de sa « Canadian Railroad Trilogy » (la Trilogie du chemin de fer canadien), dont il rédigea d’abord la partie centrale, plus lente, autour de laquelle il ajouta le début et la fin.

Curieusement, bien que de nombreuses chansons de Lightfoot soient étroitement associées au paysage canadien, peu d’entre elles ont été écrites dans un tel contexte. Ses dix marathons de voyage en canoë à travers le nord du Canada, qu’il a commencés au cours des années 1970 (le dernier remonte à 1986), n’ont produit que très peu de chansons situées géographiquement, soient « Whispers of the North » et « Canary Yellow Canoe ».

« Quand j’étais dans le bois, écrire des chansons était bien la dernière chose à laquelle je pensais, » explique Lightfoot.

« Tout ce qui me préoccupait était de parcourir mes 30 km par jour. On ne peut pas emporter une guitare ni quoi que ce soit. Avec tous les rapides et les immenses lacs à franchir, on est bien assez occupé. »

En fait, pour composer, Lightfoot a besoin d’être totalement isolé, ce qui, avoue-t-il, a été plutôt dur pour ses mariages et sa famille. Une solution qu’il avait trouvée était d’écrire dans une maison vide, profitant des habitations vacantes que les agents immobiliers qu’il connaissait essayaient de vendre. C’est de cette façon que « If You Could Read My Mind » lui est venue. « Celle-là s’est écrite plutôt vite, se rappelle-t-il. Elle m’est apparue en un après-midi dans une maison déserte. Tout ce que j’avais était une table, une chaise, du papier et ma guitare. Je n’ai eu qu’à la cueillir. » Lightfoot a écrit « Sundown », sa chanson si populaire au sujet de l’infidélité et de la jalousie, alors qu’il se trouvait seul dans une maison de ferme en dehors de Toronto et que son amie de cœur faisait la fête dans un club de nuit en ville sans lui.

Dans la maison actuelle de Lightfoot, son bureau est entouré de bibliothèques de bois sombre qui vont du plancher au plafond et qui contiennent des carnets sur tous les spectacles qu’il a donnés. Ayant le souci du détail, Lightfoot y consigne la date, le lieu, la durée du concert ainsi que l’enregistrement sonore du spectacle au complet. Un lecteur de cassette lui sert à enregistrer ses idées de chanson, alors qu’une grande tablette de papier de format légal posée sur un lutrin contient les paroles, les accords et les annotations de diverses compositions. De son œuvre si vaste, il tire 50 chansons pour son répertoire en concert.

« On effectue une rotation dans mes concerts sur scène, explique Lightfoot. C’est comme changer de lanceurs dans un match de base-ball. J’ai besoin de faire ces changements pour que ces chansons restent fraîches à mon oreille, mais je ne peux pas négliger mes standards, comme mes balades, du matériel plus éthéré et bien sûr, mes fameux toe-tappers. »

« Il y quelque chose que l’on ressent [dans un concert] qui me maintient en mouvement, qui m’incite à continuer. Dans la mesure où on reste en santé et les idées claires, il ne faut pas lâcher. »

Faits saillants
Éditeur :
Moose Music, Early Morning Music
Discographie Sélectionnée : Lightfoot! (1966), Sundown (1974), East of Midnight (1986), Waiting for You (1993), Harmony (2004)
Membre de la CAPAC  1070-1990. Membre de la SOCAN depuis 1991.
Visitez le site web www.lightfoot.ca



À la fois talentueux, humble et enraciné, Louis-Jean Cormier, chanteur-guitariste de Karkwa et désormais artiste solo, a attiré bien des oreilles autour de la musique sensible qu’il crée comme il respire. Fort d’une très belle récolte à la plus récente édition de l’ADISQ (catégories Auteur ou compositeur avec Daniel Beaumont, Meilleur album rock pour Le treizième étage, Spectacle de l’année – Auteur-compositeur-interprète et Choix de la critique de l’année), le prolifique auteur-compositeur-interprète revient sur sa carrière solo qui prenait son envol il y a un peu plus d’un an.

En consultant la section « spectacles » de son site web, on constate que Louis-Jean Cormier, booké jusqu’en juin 2014, est un homme occupé. Et pourtant, c’est la voix d’un jeune père zen qui se fait entendre à l’autre bout du fil : « Je viens de faire les lits des enfants et de mettre un macaroni au four. J’ai la maison à moi tout seul, c’est rare. »

Il y a un peu plus d’un an, il nous faisait tous descendre au Treizième étage, un étage beaucoup moins malchanceux que ne le suppose la croyance populaire. Ce passage du groupe à un projet mené en solo, comment le ressent-il avec le petit recul accumulé? « Je ne le ressens plus, en fait. La période de transition s’est échelonnée de longtemps avant la sortie du disque jusqu’à un peu après. Mais là j’ai trouvé mes repères. »

En menant ce projet personnel, Louis-Jean Cormier s’est en quelque sorte révélé à lui-même. « J’ai découvert que je suis un gars qui a des idées. Avec Karkwa, on est cinq à décider… J’avais ce désir de me prouver que je suis capable de faire les choses par moi-même et pas seulement qu’en m’appuyant sur mes partenaires de longue date. »

Pari tenu, tenu à l’envie. En descendant en lui, Louis-Jean Cormier a reconnecté avec la colère et les traces laissées par le printemps érable. « J’ai l’impression que c’est le cas de tous les artistes qui ont créé à la suite de ces événements. Les gens sont sortis dans la rue, il y a eu un soulèvement populaire! Notre génération n’avait pas vu ça souvent contrairement à la précédente qui a connu les grands rassemblements des années 60 et 70. J’ai trouvé beau de voir les Rivard, Séguin, Yves Lambert se joindre à nous, les yeux pétillants et le regard espiègle… Et j’avais encore la poésie de Miron en tête dans la foulée de l’aventure des Hommes rapaillés. »

Nuance importante : cette indignation légitime que l’on sent à quelques reprises dans les élans de guitares et dans certaines lignes scandées, celle-ci par exemple, magnifique : « On joue au solitaire tout le monde en même temps », cette colère ne se laisse pas enfermer dans une époque. Elle est intemporelle. « Ça me fait penser à la réponse de Gaston Miron. Quelqu’un lui avait reproché de n’avoir pas une plume moderne. Il avait dit : “Toi, ta plume moderniste est d’un seul temps.” »

L’empreinte laissée par Miron sur l’écriture de Louis-Jean est palpable. Les images sont plus directes et bien que les textes demeurent, dans une certaine mesure, cryptés, Louis-Jean avait pour objectif d’affiner sa plume. « C’est important pour moi que l’auditeur se fasse sa propre idée quant à la signification des textes. Je voulais aller vers des images plus claires. Voilà pourquoi je me suis tourné vers Daniel Beaumont (auteur de Tricot Machine). C’est pour moi un grand poète du quotidien québécois. »

L’un des nouveaux repères auxquels Louis-Jean a dû s’acclimater dans l’aventure solo, c’est d’entendre sa voix placée à l’avant dans le mix, et non plus fondue à la charge musicale d’un groupe rock. Et parlant de voix… À l’hiver 2014, Louis-Jean Cormier sera coach à la très populaire émission La voix animée par Charles Lafortune. Comment abordera-t-il ce nouveau rôle? « On me l’avait déjà proposé deux fois et j’avais écarté cette possibilité du revers de la main. Ils sont revenus à la charge en me disant ce que je voulais entendre, c’est-à-dire qu’ils souhaitent que je reste intègre et que je serai en quelque sorte le mouton noir dans l’émission… J’ai carte blanche pour le répertoire de mon équipe, je peux aller vers des chansons pas si populaires, mais qui demeurent pour moi de grands classiques. C’est une tribune qui n’a rien à voir avec mon rôle de créateur; ce sont plutôt mes aptitudes de réalisateur (Lisa LeBlanc, Douze hommes rapaillés, David Marin) qui me serviront. Je me réjouis à l’idée de faire chanter du Miron et du Martin Léon aux concurrents… Ramener, dans ce genre d’émission-spectacle, un portrait encore plus juste et réaliste de ce qui se passe en musique au Québec : c’est la mission que je me donne. »



Wanting Qu, une chanteuse, auteure-compositrice, guitariste et pianiste d’origine chinoise établie à Vancouver, et qui utilise uniquement son prénom dans sa carrière artistique, a intitulé son nouvel album Say The Words. Ironiquement, même s’il a débuté en première position à Beijing, à Hong Kong, à Taïwan, à Macau, à Singapour et en Malaisie et est aussi paru en Amérique du Nord, certaines paroles ont dû être changées en raison de différences culturelles avec l’Asie.

La première chanson est une balade qui, en Asie, s’intitule « Love Ocean » en mandarin, alors qu’en Amérique du Nord elle porte le titre de « STHU », qui signifie « shut the hell up » (ferme-la), et est inspirée par le phénomène de cyberintimidation. Sur cette piste, le mot « shit » (merde) a été remplacé par « trash » (poubelle) dans la version asiatique. Dans la version nord-américaine de « Exit This Way », qui emploie un anglais plutôt coloré et humoristique, on trouve la ligne « get the fuck out » (fout le camp), alors qu’elle n’apparaît pas en chinois.

« En Amérique du Nord, avoir confiance en son travail est une bonne chose… mais en Chine, les gens considèrent que c’est un manque de modestie. »

« Pour les paroles, il est très irrespectueux de jurer [en Chine]. Il nous fallait donc avoir une version épurée, mais le résultat est tout à fait similaire à ce que nous faisons en Amérique du Nord, » dit Terry McBride, qui gère les affaires de Wanting et qui publie sa musique sur son étiquette Nettwerk Records.

« En Amérique du Nord, avoir confiance en son travail est une bonne chose… on peut parler haut et fort, » dit Wanting. « Si on croit en soi, on peut dire à toute la planète ce qu’est notre musique. Mais en Chine, les gens considèrent que c’est un manque de modestie, et la modestie est une qualité très importante. »

Le reste des chansons de son nouvel album est plus policé : « My Little Friend » parle de son chat, « Say The Words » a un titre un peu enfantin et des paroles comme « Je vais compter jusqu’à trois/1 et 2 et 3/Je t’aime », et « Time, My Friend » qui dit comment le temps nous aide à guérir.

Wanting, qui a déménagé au Canada depuis la ville d’Harbin, en Chine, en 2000, à l’âge de16 ans et qui ne parlait pas anglais au début, a entendu McBride en 2005, à l’occasion d’un atelier sur l’industrie musicale. Quelques mois plus tard, elle se présentait à lui lors d’un concert de Sarah McLachlan, obtenant sa carte d’affaires. Elle ne l’utilisa cependant pas avant 2009, après avoir enregistré quelques chansons.

« Ce que j’ai entendu venait du cœur, » dit McBride, qui a conclu un contrat la même année pour lancer l’EP Wanting en 2010 en Chine. « C’était des chansons authentiques et très belles. »