France D’Amour se met au jazz. Oui, oui, l’auteure-compositrice-interprète, celle qui marquait la Belle Province en 1992 avec le disque Animal, se lance dans une nouvelle aventure, et en anglais de surcroît. Un album qu’elle intitule Bubble Bath & Champagne. Transfiguration? Changement de vie? Pas tout à fait. L’amoureuse du jazz des années 20, 30 et 40 avait depuis une dizaine d’années l’habitude de terminer ses concerts avec quelques classique du genre, de « Unforgettable » à « I’ve Got You Under My Skin ». « Les gens venaient me voir à la fin de mes spectacles pour me dire à quel point ils aimaient ces reprises, qu’ils en auraient pris pendant une heure de temps. Sylvain Cossette et Lynda Lemay m’avaient aussi dit comment ils me trouvaient naturelle avec cette énergie jazz. »

 

L’idée fait son chemin. En 2009, France D’Amour tente l’aventure sur scène où elle initie Jazz D’Amour, une vingtaine de spectacles partout à travers le Québec. Encore une fois, France est surprise par la réponse, les bons mots des fans qui en redemandent. Pourtant, elle éprouve une gêne, un vague sentiment d’imposture. « Je commençais mon spectacle en demandant s’il y avait des vrais fans de jazz dans la salle. Quelques mains se levaient. Je disais alors que j’allais les rembourser car je ne suis pas une spécialiste du jazz. On est très loin ici du free jazz ou du jazz fusion. »

 

Un retour au source

La petite histoire de France D’Amour révèle que la musicienne n’est pas une néophyte pour autant. « C’est la première musique que j’aie entendue à la maison. Mes parents prenaient des cours de danse et ils écoutaient de la musique de ballroom, Count Basie et compagnie. Je me suis rappelé dernièrement que j’écrivais des paroles sur ces classiques-là. » Plus tard, elle étudie également le jazz au Cégep de Saint-Laurent. Bien que se lancer dans une série de spectacles de reprises jazz est une aventure en soi pour une rockeuse, écrire des chansons jazz en vue d’un album complet en est une autre. Il y a là tout un chemin à parcourir, un curieux concours de circonstances. Alors que France D’Amour se décide à enregistrer des standards jazz, elle se met à la composition à la maison après ses journées d’enregistrement. « J’aime tellement composer que c’était plus fort que moi. » Un matin, elle présente à ses musiciens et au réalisateur Guy Tourville – avec qui elle coréalise l’album – « I want more », une pièce de son cru. La réponse est immédiate. « Ils ont adoré. J’ai alors réalisé que je me retenais souvent en pop pour ne pas aller vers des harmonies jazz. Alors là, j’en ai profité, je me suis défoulée, je me sens comblée… »

 

Après 20 ans de carrière, France s’offre un cadeau, Bubble Bath & Champagne qu’elle produit elle-même, en licence chez Tandem.mu – ce qui signale son départ de la maison de disques Tacca après huit albums. Jazz rime ici avec liberté. Aucune limite mélodique n’a été imposée, aucune chanson raccourcie pour correspondre aux diktats des radios. « Au départ, c’était difficile car tout était ouvert et possible… Est-ce que j’y vais électronique? Avec des cuivres? Ou des cordes? Est-ce que je garde ça simple en combo jazz? Je me suis posé beaucoup de questions car je n’avais aucune formule à respecter. J’ai appelé beaucoup d’amis du milieu, comme Alain Caron et Coral Egan. » Le résultat? Bien que Bubble Bath & Champagne ait été, pour France D’Amour, l’album le plus long à produire, il est aussi celui où la production se sent le moins, où les atmosphères ont primé sur une certaine efficacité. Solos d’instruments et changements d’ambiances procurent une nouvelle expérience musicale à France, qui a pour l’occasion collaboré avec de nouveaux musiciens (Samuel Joly à la batterie et Philippe Turcotte au clavier), des férus de jazz.

 

Dans la langue de Cole Porter

Changement de style, mais également changement de langue. Bubble Bath & Champagne ne comprend qu’une seule chanson en français, « I want more », dont France D’Amour est l’auteure. C’est grâce à Corinne Simon-Duneau, une amie française traductrice de films hollywoodiens autrefois mariée à un écrivain américain, que France D’Amour se permet de rêver à des textes dans la langue de Cole Porter, prolifique compositeur et parolier américain respecté par la chanteuse. « J’ai envoyé mes musiques à Corinne, mais aussi des impressions, des ambiances, une phrase qui m’habite comme “Sorry, I’m Happy”. Elle est arrivée avec des paroles qui m’ont carrément séduite. Si ça n’avait pas été le cas, je ne crois pas que je me serais lancée dans une aventure en anglais. » Question de bien faire les choses, France D’Amour fait venir un réalisateur australien, Robert Meister, qui s’assure en une semaine de la bonne prononciation de la chanteuse. « Je voulais que les Anglophones aussi me comprennent, sans devenir caricaturale. » Et malgré cette nouvelle direction, France D’Amour reste fidèle à elle-même, à son énergie, à ce bonheur en bouche simple et évident.



Lost in the reports of Canadians who fared well at this year’s Grammy Awards was a name familiar to fans of Juno Award-winning ‘90s groove merchants Bass Is Base.

It seems curious that Chin Injeti – bassist, songwriter and lead vocalist with the erstwhile Toronto-based soul band –  wasn’t mentioned, considering his contribution to the Eminem album Recovery, which won a Grammy for Best Rap Album. Injeti co-wrote and performed on Eminem’s “Talkin’ 2 Myself” and “Almost Famous,” and co-produced “Talkin’ 2 Myself” with his musical partner DJ Khalil.

So how did “Talkin’ 2 Myself” end up in the hands of the notorious rapper? “I was in the studio one day knocking out these Bon Jovi ‘Runaway’-type joints when all of a sudden I stumbled on this keyboard riff, followed by guitar and drums,” Injeti says from his Vancouver home studio. “Khalil then added these incredible drums and our friend Kobe did the lyric.

“Right away we knew Em would kill it!” he adds excitedly. “Years later, I get a phone call telling me that Em cut it. The song had gotten to him through Dr. Dre, to whom Khalil is signed.”

“Talkin’ 2 Myself” is a deeply introspective track in which Eminem speaks candidly about his struggle with drug addiction and how it manifested itself in alienation, writer’s block and hatred. As Injeti says, “It was written from the perspective of what he went through and who we thought he is today.” If anything, that earnest sort of subject matter proves Injeti’s musical philosophy hasn’t changed since his days in Bass Is Base.

Back then, he said that the group was all about “writing from the heart” and that “simplicity and sincerity in music is what impresses me.” Those qualities are evident once again on Re’tach, an EP that Injeti released on iTunes in March of this year. It features remixes of some songs that appeared on D’tach, a full-length album he put out in 2009.

Like Injeti’s other work, which has occasionally featured session musicians from India, Re’tach displays a musical eclecticism that showcases his South Asian cultural roots. One of the standout tracks, “Don’t Shake It Down,” features tabla and a ghazal singer, Neeraj, duetting with him.  (The ghazal is an ancient,  romantic form of song that originated in Persia and migrated to India.)

Explaining what inspired “Don’t Shake It Down,” Injeti says, “I was sitting in my backyard sipping wine and enjoying the day when my cousin came into the house and started disrupting the chill vibes. I told him that it was like climbing a tree, and as I got higher and higher he was shaking it down until I fell out.”

Hardly shaken down, Injeti – who sang on the Young Artists for Haiti version of K’naan‘s « Wavin’ Flag » – has written and produced songs for some of the biggest hip-hop stars in the world, including 50 Cent’s « Could’ve Been You, » (featuring R. Kelly);  Drake’s « Fear »; Dr. Dre’s « Topless » (featuring Nas and T.I.); Clipse’s « There was a Murder » (featuring Kanye West);  and the aforementioned Eminem songs.

Injeti says that making his own records is an escape from the big beats he creates for his big-name clients, and that Re’tach was inspired by the need to give the songs on D’tach “another lease on life. They were originally cut as acoustic songs, at a time when I was going through some serious life changes. Also, the nature of the other music I was producing was more dense and aggressive. So when it came to Re’tach, I thought I’d take another stab at them and infuse them with more production and more influences.”

In addition to his big-name hip-hop alliances, and his solo work, Injeti also co-writes and produces for Canadian songbirds Zaki Ibrahim and Kinnie Starr;  co-leads a band with DJ Khalil called The New Royales; and, with Khalil, owns and operates a company called The Hastings Set that works in the fields of creative multi-media collaboration, artist development and management, and branding.

On top of all that, Injeti now has the opportunity to champion independent and emerging Canadian musicians through a new gig he landed in March. Universal Music Canada hired him to work in its expanded A&R department at the same time as they recruited Juno Award-winning and Grammy-nominated producer Gavin Brown (Metric, Sarah Harmer, Billy Talent).

Injeti himself is no stranger to awards: Bass is Base won a Best R&B/Soul Recording Juno for First Impressions For the Bottom Jigglers in 1995, and were nominated in the same category the following year for Memories of the Soulshack Survivors.  In 1997, Injeti won the SOCAN Pop Music Award for co-writing « I Cry” with Shane Faber and Michael Mangini, an honour he says marked “one of the greatest moments of my career, because it was my first solo award.

“I think songs will always be important even in these ever-evolving times,” Injeti says. “Beats and image can only go so far. After all, we are in the song game and there would be no image, or no beat, without a song. People need to recognize the very essence of what we do and that some of us have been working on our craft all our lives.”



Si c’est en 2003 que Manu Militari se fait remarquer sur scène alors qu’il sévit au sein du groupe Rime Organisé, c’est à la suite de la parution de son premier album, Voix de fait (2006), qu’il fait tourner les têtes. Faisant preuve d’un charisme et d’une intensité peu communs, Manu devient rapidement l’un des représentants de choix de la scène hip-hop québécoise. Débarqué dans les bacs à la fin de 2009, Crime d’honneur, son deuxième opus, poursuit là où il avait laissé et carbure à l’urgence tout en abordant des sujets un peu plus personnels et variés. Pourquoi l’attente fut-elle aussi longue ? « Après Voix de fait, je n’avais plus envie d’écrire. Je pensais que j’arrêterais de faire de la musique. J’ai fait ce premier album parce que je voulais faire de la musique depuis des années. J’en rêvais mais je ne faisais rien. Je me suis dit que j’allais tout donner pour cet album et que je serais ensuite en mesure de tourner la page et faire autre chose de constructif. Puis, l’album a commencé à se vendre un an après sa parution. Je me suis dit qu’il y avait peut-être un avenir pour moi là-dedans, » raconte le jeune homme.

Séduit par la culture rap à l’âge de 16 ans avec la découverte du collectif new-yorkais Wu-Tang Clan, Manu Militari ne se considère pas pour autant comme un rappeur même si l’argent demeure sa principale source de motivation. « Je n’ai pratiquement rien en commun avec la plupart des rappeurs d’ici, estime-t-il. Ce que j’aime, c’est cette possibilité de dénoncer avec cette musique qui m’a toujours rejoint. Ça vient de la rue. Mais je ne m’en cache pas, j’aimerais rouler en BMW, avoir une belle maison. L’argent n’est pas un sujet tabou pour moi. Aujourd’hui, je vois que j’ai la possibilité d’en faire. J’en ai fait avec le dernier album, j’espère en faire autant avec le prochain, tout en restant fidèle à qui je suis. »

Lorsqu’on lui demande ce qu’il deviendra dans dix ans, il se contente de demeurer vague. « Peut-être producteur et m’occuper de la carrière d’un seul artiste talentueux. Qui sait? Tout ce que je souhaite est que ma musique demeure le reflet de ma personne. »

En marge de la société
Fin observateur du quotidien et des nombreux maux de la société moderne, le M.C. montréalais de 31 ans signe des textes toujours aussi bien ficelés sur Crime d’honneur : réfléchis, pertinents et sans concession. « La moindre émotion est prétexte à l’écriture d’un texte. Il faut dire que je n’ai pas un quotidien banal. Je côtoie des gens qui ont des vies remplies de rebondissements. Des gens en marge de la société qui vivent sur la corde raide. Tout ça me nourrit énormément. Le premier album respectait plus les règles en street rap. Sur le deuxième, je me suis lâché lousse. J’ai davantage précisé mon style, » avoue le récipiendaire du Félix de l’album hip-hop de l’année lors du dernier Gala de l’ADISQ.

Une aventure extraordinaire
Autre élément qui nourrit l’artiste : ses fréquents voyages au Moyen-Orient. « L’Égypte, c’est comme mon chalet,  lance-t-il. Lorsque je suis débarqué là-bas pour la première fois, à 20 ans, j’étais en immersion totale. J’allais au café et personne ne parlait français, alors j’ai été forcé d’apprendre la langue. »

Lors de sa cinquième escale à vie, en janvier dernier, il souhaitait s’offrir un mois de vacances pour écrire et se reposer. Toutefois, deux semaines après son arrivée, il s’est retrouvé en plein cœur du soulèvement en Égypte. « Étant quelqu’un d’assez désillusionné, ça m’a giflé et fait énormément de bien. La chose qui m’inspire le plus est l’être humain. Là-bas, j’ai vu des choses merveilleuses. Des actes de bonté, de sacrifice, d’entraide, de générosité comme je n’en avais jamais vus. Lorsque je suis revenu à la maison, j’ai pleuré pendant deux jours. Je ne réalisais pas à quel point j’avais vécu une aventure extraordinaire, » relate-t-il, la voix vibrante.

Le hip-hop n’existe pas
Même s’il n’écoute plus de hip-hop québécois à la maison, Manu a grandi avec la musique de Sans PressionYvon Krevé et compagnie. Il déplore l’éclatement qu’a connu la scène hip-hop récemment. « On a eu de belles années. On pensait que c’était la naissance de notre hip-hop, mais c’était plutôt son âge d’or. C’était un hip-hop métissé, rassembleur, racé. On s’identifiait à ces gens, mais ils n’ont pas su fidéliser leur public et on a cessé de les suivre. On aurait pu bâtir là-dessus et avoir des modèles. Aujourd’hui, pour moi, le hip-hop québécois n’existe pas. Chaque communauté reste dans son coin. Il n’y a aucune unité, » soutient-il.

Des mois particulièrement chargés attendent le rappeur montréalais. En plus de fouler les planches de plusieurs scènes québécoises, il poursuit l’écriture de son prochain opus. Date de livraison ? Inconnue pour l’instant. Après avoir vendu près de 10 000 copies de Crime d’honneur, Manu ne souhaite pas ralentir la cadence. « Je n’arrête plus maintenant. Ça va très bien. Je veux faire encore mieux pour le prochain album. J’ai enregistré des chansons dont je ne suis pas satisfait. Elles n’iront pas sur l’album. Je ne me donne pas de limite de temps. Je veux l’aimer, ce prochain disque. Ne plus m’imposer de limites au niveau des sujets. Je suis heureux de la chance que j’ai en ce moment. Je n’ai pas de patron qui m’attend au bureau. C’est un privilège et je tiens à le conserver à tout prix. »