Le quatrième album de l’auteure-compositrice-interprète d’origine franco-ontarienne Dominique Nadia, Intime humanité, était lancé au printemps dernier, notamment grâce à l’aide du Conseil des arts de l’Ontario. Sur cet opus, elle collaborait avec plusieurs autres membres de la SOCAN, comme l’auteur de grande renommée Marc Chabot, de même qu’avec Rioux, Frédéric Dorval, Sylvain Poirier, Manon Charlebois, Mario Trudel, François Dubé, Mathieu (PetitBig) Leduc et Peter Venne. Sa pop aux accents folk et country enrobe des préoccupations souvent sérieuses et d’autres textes plus drôles. Venue de Gatineau pour nous rencontrer par une journée d’été bien chaude et très humide, voici comment la trentenaire résume son parcours jusqu’ici :

« Mon coup de foudre pour la scène, je l’ai eu dès l’âge de sept ans, alors qu’on m’avait offert des billets pour le spectacle de René et Nathalie Simard. J’ai été éblouie non seulement par la chanson et la musique, mais aussi par la danse, l’énergie, les décors. Cette passion, je la ressens encore en y pensant! » Dès que la jeune Dominique Nadia sait écrire, elle se met à la chanson. Ses parents l’encouragent, elle suit des cours de ballet, fait partie d’une chorale, gagne un concours oratoire en relatant son émerveillement devant les jeunes Simard, investit dans un « ghetto blaster » avec micro à l’âge de neuf ans, poursuit avec le karaoké, le théâtre, remporte le prix de la Personnalité Opti-Jeunesse de l’Est Ontarien en 1995 et n’imagine pas d’autre chemin que la carrière artistique.

Celle dont le deuxième prénom vient de Nadia Comaneci, car elle est née l’année des Olympiques de Montréal, a des étoiles dans les yeux quand elle décrit sa passion pour la pop et la défense de la langue française. « Je suis née en Ontario, et même si je vis maintenant à Gatineau, je me considère franco-ontarienne. Je tiens à m’impliquer dans cette communauté, à participer à la lutte pour le français. Mes parents étaient tous deux Québécois, et nous parlions un bon français à la maison. C’est important pour moi d’écrire dans ma langue, et la seule chanson bilingue de mon dernier album est une commande de l’Association des enfants et adultes disparus. Mes chansons ne réinventent pas la langue française, mais je crois qu’elles communiquent ma passion pour ma culture et pour la vie en général! »

Et passionnée, Dominique Nadia l’est de toute évidence! Volubile, extravertie, elle considère ce quatrième album comme celui de l’affirmation, de la maturité. « J’ai arrêté d’écouter ceux qui me disaient que ça prenait un fil conducteur fort. Cet album, il me ressemble, il est éclectique, il comporte de multiples facettes, il reflète la quête du moi. J’aime tout, je peux être drôle autant que parler de philosophie… Avant, ma vie était plus compartimentée, j’ai eu envie de rassembler tous ces morceaux. »

Et pourtant, des facettes, il y en a dans sa vie : mère de deux jeunes enfants, conjointe d’un musicien (Frédéric Dorval) avec qui elle se produit à l’occasion, artiste de scène pour enfants sous le pseudonyme de Do (elle vient de terminer une tournée Pattes de velours en juin), modèle, photographe, elle fait aussi des figurations et plein d’autres activités qui nourrissent son projet principal, celui d’auteure-compositrice-interprète. « Je ne suis pas dans la compétition, d’ailleurs je n’aime pas les concours. Je fais ça pour m’exprimer et pour m’alimenter de l’énergie des gens que je rencontre dans le milieu. Quand je suis sur scène, que je communique avec mon public, je sais que j’adore le métier. »

La jeune femme, qui a grandi en écoutant Vilain Pingouin, Les Parfaits Salauds, Jean Leloup, Luc De Larochellière, les chansons de Marc Chabot – un de ses mentors – ou Patrick Bruel, suit de près tout ce qui se fait sur la scène québécoise et avoue son faible pour les 3 Gars su’l sofa, Cœur de pirate et l’artiste suisse Jérémie Kisling. Sa méthode d’écriture est à son image, très personnelle : « Une chanson peut me trotter dans la tête longtemps avant que je l’écrive. Une phrase me viendra quand je prends mon bain, n’importe où… Je ne me mets pas de pression. D’ailleurs, pour ce récent album, je voulais que les musiques suivent les textes et non l’inverse comme dans les précédents. Je ne me suis pas donné d’échéance, car j’étais ma propre productrice. » Celle qui avoue être très peu musicienne (« Je gratte un peu la guitare, c’est tout ») a eu la chance de suivre plusieurs formations au cours des ans avec Marc Chabot, Nelson Minville et Mario Chenart, et de bénéficier des conseils de Manon Charlebois pour ce délicat mariage texte/musique.

Et tout ce qu’elle apprend, elle tient à le partager avec la communauté franco-ontarienne. « Ça m’est arrivé de donner des ateliers moi-même. Parfois, j’aide aussi des collègues à faire des demandes de subventions. Il faut partager nos acquis. J’ai beaucoup d’idées, je suis créative, et je ne me compare pas. Chaque album, chaque œuvre est unique et a sa raison d’être… selon moi, on ne peut les mesurer à d’autres. Je n’aime pas le côté parfois requin de l’industrie. »

Sa venue à Montréal coïncidait avec la signature d’un contrat pour un spectacle solo au Studio-Théâtre de la Place-des-Arts le 6 mars 2014, dans le cadre des Week-ends de la chanson Québecor présentés en partenariat avec la SACEF. Elle y offrira un spectacle acoustique dans une ambiance intime, accompagnée de son compagnon guitariste Frédéric Dorval. D’autres dates s’ajouteront à l’automne et au printemps prochain. À suivre sur www.dominiquenadia.com.

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Tour à tour relationniste, journaliste, traductrice et rédactrice, Anne Richard a occupé plusieurs emplois dans le domaine des communications et des publications au cours de sa carrière. Elle est rédactrice en chef de Paroles & Musique, le magazine de la SOCAN, et spécialiste au service des Communications et du Marketing depuis l’an 2000.



Nouveau venu sur la scène montréalaise, Groenland poursuit sa quête et fait de belles promesses. Difficile de résister à la proposition des musiciens menés par Sabrina Halde, heureuse propriétaire d’une voix agile et déjà assurée. Le sextuor a livré The Chase en avril dernier, un premier album intitulé bien accueilli, qui laisse présager un bel avenir pour le groupe. Petite virée au pays des glaces.

Dès la première écoute, on cède. Il y a ce son connu et familier, pop indie orchestrale teintée d’électro, désormais associé à la ville qui a vu naître Arcade Fire. Le contraste appuyé entre orchestrations amples, soyeuses et une minutie des détails choisis. L’album a été réalisé par Philippe B et Guido Del Fabro, tandem solide, une proposition judicieuse des gens de l’étiquette Bonsound. Autres traces de la « montréalité » du groupe : des titres dans la langue de Cœur de Pirate, d’autres dans celle de Patrick Watson, des chansons livrées en anglais, mais un nom de groupe franco…

Bien sûr on ne peut passer à côté de la voix de Sabrina Halde, qui veut jouer avec nous un peu comme le fait Regina Spektor, une voix jolie et juste, capable de dépasser le charme initial, qui sait déjà s’abandonner sans s’égarer en chemin. Sabrina, parolière attitrée du groupe, a étudié en chant jazz au Cégep Saint-Laurent et complété une mineure en musique numérique à l’Université de Montréal : « Ma voix évoque quelque chose d’assez pop aux oreilles de plusieurs, mais musicalement on va ailleurs, ce qui fait qu’on nous compare aussi à des petits bands indies pointus… »

Au cours de la dernière décennie, on a vu évoluer son complice Jean-Vivier Lévesque (clavier et programmation) au sein du Roi Poisson et du Citoyen. La quête qui donne son titre à l’album, c’est la leur : « Au risque de paraître un peu quétaine, je dirais que c’est un titre qui parle du défi énorme qui consiste à trouver sa place dans le monde de la musique, qui n’est pas un plan de vie facile et évident. Réussir à s’y épanouir, chercher son son, c’est en soi une quête et un accomplissement. »

Avant de trouver ce son justement, les deux complices ont erré un peu. « On avait accroché fort sur The Eraser, l’album solo de Thom Yorke nous a d’abord inspirés. Mais quand on s’est mis à travailler à l’ordinateur, on s’est rendus compte qu’on avait plutôt envie d’y aller à l’instinct, de manière organique, plus impulsive. Quand t’es un jeune groupe, parfois ce dont tu as besoin, c’est d’aller jammer les tounes, pas de passer des heures devant ton ordinateur à essayer de traduire une idée en mots, observe-t-elle. Naturellement on s’est éloignés de notre but premier d’aller vers l’électro – même si on en intègre à notre son – et cela nous a emmenés à vouloir monter un groupe, à nous tourner vers d’autres personnes. » Jonathan Charette (batterie), Simon Gosselin (basse), Gabrielle Girard-Charest (violoncelle) et Fanny C. Laurin (violon) se sont joints aux rangs de la formation. « Trois gars, trois filles, on a la parité!, rigole Sabrina. Je l’apprécie tout particulièrement quand on sort de la ville, pendant les longues heures de transport en tournée… Dans ce temps-là, je suis contente qu’il y ait des filles à bord! »

Le noyau du groupe demeure Sabrina et son complice Jean-Vivier pour la création et la composition des chansons. « Habituellement, quand on compose, une fois rendus aux mélodies, des mots commencent à émerger et c’est là que quelque chose se met en place dans l’écriture des textes. J’avais lu une entrevue avec Justin Vernon (Bon Iver) qui disait qu’avant de se questionner sur le sens des textes, il laissait émerger les mots et jouait un peu avec. On peaufine plus tard. J’aime laisser la mélodie découper la phrase. » Alors qu’elle plonge en profondeur dans les dédales de la chanson à naître, celui qu’elle surnomme « JV » conserve une vision panoramique. C’est ainsi que tout s’articule et que les deux font la paire.

Et le rôle de meneuse du groupe une fois sur scène, comment l’investit-elle? « Dès mes débuts, aussitôt que je suis montée sur les planches, c’est devenu une évidence pour moi : c’est ça que je voulais faire, là que je souhaitais être. Même si je n’avais jamais joué dans un groupe avant. Ça s’est fait progressivement… Bien sûr, c’est stressant au départ, tu sais pas trop dans quoi tu t’embarques, tu te dis “123, à go on se lance!”. On ne peut pas se permettre d’être mous sur une scène, le niveau d’énergie doit être élevé. Mais je savais que la pression venait surtout de moi. On est une gang, on se tient… Je puise une bonne part de mon énergie dans ce sentiment-là. » Énergie communicative!

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En plus de quelques apparitions à la télé et à la radio, Marie Hélène Poitras écrit sur la musique depuis plusieurs années dans les pages du Voir, Paroles & Musique, Clin d’Œil et Elle Québec. Dans une existence parallèle, elle signe des romans et recueils de nouvelles, traduits en quelques langues (Griffintown, La Mort de Mignonne, Soudain le minotaure et la série jeunesse Rock & Rose). Depuis le début 2011, elle est éditrice à la Zone d’écriture de Radio-Canada.



C’est en 2001, lors d’un séjour au Mexique, que l’idée de former un groupe ayant des racines ancrées dans la musique latine a germé dans la tête de Shantal Arroyo, alors membre de la formation hardcore Overbass. « Dans un bar de Puerto Vallarta, je m’étais plainte qu’il n’y avait que de la musique américaine. Mes amis m’ont répondu : “Si t’es pas contente, forme un groupe et viens jouer!” J’ai trouvé ça intéressant, mais les gens qui gravitaient autour de moi n’étaient pas des latinos. C’était des punks et des métalleux! Toutefois, plusieurs de ces gens développaient leur talent sur un deuxième instrument. J’ai commencé à leur en parler. Plus ça avançait, plus des membres se greffaient au projet. Finalement, à la fin, on était 17! Ça ne s’est jamais vraiment arrêté depuis ce temps, » raconte la volubile chanteuse, Mexicaine d’origine.

Composée de figures issues de la scène alterno montréalaise (dont Joe Evil, membre de Grimskunk, entre autres), la bande souhaitait non seulement élargir ses horizons musicaux, mais aussi son public. « On avait envie de faire un autre genre de musique. On avait tous beaucoup d’expérience et on caressait ce désir fou de se frotter à de grosses scènes. Avec ce projet, le marché mexicain s’ouvrait à nous. On voyait nos chums de la Mano Negra passer des bars aux stades et on avait envie que ça nous arrive aussi. C’était un gros défi au niveau musical : gueuler et chanter, ce n’est pas la même chose!, » s’exclame l’artiste âgée de 40 ans.

Si les reprises sont nombreuses dans l’arsenal de chansons de Colectivo lors des premiers balbutiements, c’est que la troupe ressent le besoin de bien saisir la musicalité de la langue latine. Shantal explique : « Une fois qu’on a compris ça, on s’est dit qu’on devait faire un disque. La première expérience en studio fut très difficile. On était nombreux et très tassés pour Hasta la fiesta… siempre! C’était aussi une période de transition au niveau de l’enregistrement : on passait de la bobine au numérique. Ce fut tout un défi de faire cet album, » avance-t-elle.

Puis, en 2005, un deuxième opus (Especial) plus mûr et diversifié voit le jour. Enregistré en partie dans un théâtre montréalais, Tropical Trash (2011) marquait une nette évolution sur le plan sonore pour le clan. Paru dans les bacs cet été, Jaune électrik réaffirme la force de frappe de la tribu : déferlement de rythmes exotiques, mélodies ensoleillées, esprit festif. Assurément, l’amateur se retrouve en terrain connu. Un changement notable par contre : des textes majoritairement livrés dans la langue de Renaud. « On a beaucoup exploré sur les trois premiers albums. Pour celui-ci, on sentait le besoin de chanter en français. On était rendus là. Pour la réalisation de ce disque, on est allé chercher Vander. C’était une belle énergie à amener dans le groupe. Il sort des Colocs et est habitué avec un groupe nombreux, multiethnique. Il est capable de dealer avec du monde qui ne parle pas en termes académiques. Il y a beaucoup d’autodidactes et c’était important que quelqu’un comprenne cet esprit, » explique-t-elle.

C’est une méthode particulière qu’utilise la clique Colectivo pour l’écriture de ses brûlots énergiques et festifs. Arroyo : « On retrouve trois compositeurs principaux : Denis Lepage, Joe Evil et Joël Tremblay. Ils arrivent avec les bases d’une chanson. Puis, on l’arrange par section : cuivres, batterie et percussions, cordes. Travailler de cette manière requiert beaucoup d’humilité. Tout le monde y va de son coup de hache! Mais on est comme une vieille famille et on n’a aucune difficulté à se dire nos quatre vérités. Aujourd’hui, on est capables de se parler et de se dire les vraies choses. Il faut simplement ne pas tout prendre à cœur. Notre façon de fonctionner est un chaos bien structuré. »

Si Shantal mentionne sa mère (guitariste et chanteuse) ainsi que son collègue Joël (lui aussi membre d’Overbass) parmi ses héros musicaux, son véritable coup de cœur côté carrière va à l’artiste basque Fermin Muguruza, coréalisateur du deuxième album du collectif. « Je considère qu’il a un parcours pratiquement impeccable. Malgré le fait qu’il ait été approché par des maisons de disques importantes, il est demeuré intègre à ses valeurs et à sa vision artistique. C’est remarquable. J’aime l’authenticité. On a tenté des choses afin d’intéresser le public et avoir un son plus commercial, mais on se sentait terriblement mal à l’aise. Comme des éléphants dans un jeu de quilles! On est des punks d’abord et avant tout. Il ne faut pas l’oublier. »

Aujourd’hui composée de 11 membres (dont huit issus du noyau initial), la famille Colectivo poursuit son chemin même si elle a quelque peu ralenti sa vitesse de croisière dernièrement (plusieurs membres sont devenus parents). Carburant à la passion musique, Shantal Arroyo demeure toutefois lucide et réaliste en ce qui concerne le métier d’artiste. « Tout le monde a un job au sein du groupe. Personne ne vit de son art. Ça fait longtemps que j’ai décidé que la musique était ce qui me maintenait en vie. Mais j’ai aussi choisi de ne pas crever de faim. La musique demeure mon occupation principale, mais je refuse de faire des concessions. Je préfère avoir deux jobs et me casser la tête afin de tout coordonner. Colectivo, c’est ça : une énergie vitale. »