Les conseils d’un père et la passion de rendre la musique des compositeurs de l’Ouest canadien accessible à un large public sont des concepts clés du succès du label indépendant de country Royalty Records, basé à Edmonton. Ce à quoi il ne faut pas oublier d’ajouter un zeste « d’entêtement typiquement écossais », plaisante son fondateur R. Harlan Smith, 75 ans.

Royalty célébrait en 2014 non seulement ses 40 ans dans l’industrie, mais également une nouvelle entente de distribution avec Sony Music Canada. Le label compte parmi ses champions la vedette country Gord Bamford, ainsi que Hey Romeo, Tenille et Jay Sparrow. Smith déclare qu’en 40 ans chez Royalty, il a écrit plus de 200 chansons, produit au-delà de 40 albums et plus de 200 titres.

“Je me levais tous les matins avec l’énorme envie d’accomplir quelque chose et impatient de voir ce que la journée me permettrait de faire.” – R. Harlan Smith de Royalty Records

La vision de l’humble entrepreneur remonte à 1974, époque à laquelle Smith décide de donner un toit aux musiciens et compositeurs country de l’ouest du Manitoba. D’après lui, « une quantité énorme de musiciens talentueux demeuraient inconnus ».

Lorsque Smith fonde le label – dont il dessine le premier logo sur une serviette en papier – les multinationales lui assurent que son projet ne passera pas le cap des deux ans. Quarante ans plus tard, Smith n’est pas peu fier de leur avoir prouvé le contraire.

C’est au cœur de la Saskatchewan rurale que sa mère, professeur de piano, lui transmet son amour pour la musique. Deux incontournables animent les soirées du samedi d’un gars des Prairies dans les années 50 : on écoute le palmarès country à la radio locale et le match de hockey. “Ne pas faire l’un ou l’autre revenait à signer son arrêt de mort!” plaisante-t-il.

L’influence de son père se fait également rapidement sentir. « Alors que j’étais encore adolescent s’apprêtant à quitter le nid familial, il a eu quelques bons mots pour moi que je ne ai jamais oubliés », raconte Smith. « Peu importe ce que les gens te disent, fais ce que ton âme te dicte. Si tu as une passion pour quelque chose, vis la et suis la, tout simplement. » Ce à quoi il avait ajouté, « arrange toi pour toujours faciliter la vie des membres de ta communauté ».

Smith s’applique à suivre soigneusement les conseils de son père alors qu’il s’installe à Edmonton qu’il considère « une des meilleurs scènes musicales qu’il m’ait été donné de rencontrer » et entame une carrière de musicien et compositeur-parolier.

Le succès vient vite mais Smith se remémore les conseils de son père et décide de « rendre » à la communauté et crée pour ce faire son propre label. Gary Fjellgaard est l’un des premiers protégés de l’écurie Royalty Records. C’est dans le restaurant d’une petite ville que Smith découvre le compositeur et parolier britano-colombien aujourd’hui intronisé au Panthéon de la musique country canadienne.  “J’ai entendu ce disque dans le jukebox et les bras m’en sont tombés,” se souvient Smith. “C’est d’abord la chanson elle-même qui m’a frappée, mais aussi la voix.”

Le parcours musical de Smith est avant tout une affaire de cœur. Son fils Rob l’a rejoint dans sa passion et dirige depuis une dizaine d’années l’ensemble des entreprises de Royalty Music Group, qui inclut la maison d’édition Helping Hand Music Ltd.

“Pendant toutes mes années dans l’industrie de la musique, je n’ai pas eu l’impression de travailler une seule journée,” conclut Smith. “Je me levais tous les matins avec l’énorme envie d’accomplir quelque chose et impatient de voir ce que la journée me permettrait de faire. Quelle merveilleuse façon de vivre sa vie.”



Malgré les innombrables aller-retour entre Oshawa et Nashville, la route a toujours été clémente pour Brad et MaryLynne Stella.

Dès 2008, le duo (à la ville comme à la campagne) d’auteurs-compositeurs en devenir a commencé à se rendre à Music City régulièrement avec un seul objectif en tête : percer sur la scène musicale. Pendant près d’un an, ils ont fait le voyage en compagnie de leurs filles, Lennon, 8 ans, et Maisy, 4 ans (nous y reviendrons).

Lorsqu’ils étaient chez eux (MaryLynne est originaire d’Oshawa, Brad de Whitby, Ontario), ils tentaient tant bien que mal de joindre les deux bouts en tant que concierges à la commission scolaire de Durham, en plus de faire des travaux de paysagement à l’occasion, tout en jouant dans plusieurs groupes, et comme si ce n’était pas assez, ils organisaient également une soirée ouverte aux amateurs les mercredis à Whitby ET ils ont ouvert une école de musique! Mais, malgré tous leurs efforts déployés à Nashville, rien ne se concrétisait là-bas.

« Chaque fois que nous étions à Nashville, aussitôt que les choses commençaient à bouger, nous devions retourner au Canada. » – MaryLynne Stella

« Chaque fois que nous étions ici », nous raconte MaryLynne lors d’une entrevue téléphonique qu’elle nous a accordée depuis leur résidence de Nashville, « aussitôt que les choses commençaient à bouger, nous devions retourner au Canada. En plus, les choses bougent si vite ici que tout était à recommencer ou presque chaque fois que nous revenions. »

Puis, après de nombreuses tentatives, les choses ont enfin commencé à se mettre en place pour les Stella à Nashville. Un éditeur les a vus sur scène et leur a offert un contrat sur le champ. Peu de temps après, grâce à un « coup de bol », ils se sont retrouvés sous les feux de la rampe dans un populaire concours de variété sur les ondes de la chaîne CMT intitulée Can You Duet? où ils ont terminé en quatrième place.

Ils ont donc décidé, une bonne fois pour toutes, l’espéraient-ils, de se rendre à Nashville avec leurs filles. Il n’a fallu que peu de temps pour qu’ils soient mis sous contrat avec EMI Canada et que paraisse leur premier album éponyme, en 2011. Plusieurs des chansons de cet album se sont rendues sur les palmarès et ils sont devenus des étoiles montantes de la scène country canadienne.

Au cours des deux années qui ont suivi, les Stellas ont reçu plus de 10 nominations dans divers galas de prix du domaine de la musique country. Ils ont été lauréats du titre de Duo de l’année lors de l’édition 2013 des CCMA et certaines de leurs chansons ont figuré sur deux volumes de la compilation canadienne Now Country, en plus d’être des auteurs-compositeurs très populaires.

Du côté de Nashville, plusieurs grands noms de la scène country les ont pris sous leurs ailes, dont notamment John Scott Sherrill (qui a écrit des chansons pour Kris Kristofferson et Willie Nelson), Chris Lindsey, Aimee Mayo, Matt Reed, ainsi que Fred Wilhelm. « Nous n’écrivions qu’avec des gens avec qui un contact humain et artistique s’établissait naturellement, explique Brad. “Sans que l’on se pose trop de questions, ils nous ont acceptés de façon très naturelle; c’était vraiment cool.”

Ils ont également été acceptés en tant qu’artistes de scène et tissé des liens avec des vedettes telles que Vince Gill et Zac Brown, en plus d’être invités à partir en tournée avec Johnny Reid et Terri Clark, pour ne nommer que ceux-là. »

Leur deuxième album, intitulé It Wouldn’t Be This, doit paraître début mai 2015. Ce sera leur premier album à faire l’objet d’un lancement international. Les deux premiers extraits de cet album à venir, la pièce titre ainsi qu’une autre intitulée Gravy, racontent leur vie familiale actuelle, bien qu’elles aient été écrites à plusieurs années d’intervalle. « Ce n’était pas prémédité que les deux premiers simples portent sur le même thème », confie Brad. « C’est arrivé comme ça, tout simplement. »

« Sur ce deuxième album, on retrouve des chansons qui n’avaient pas été retenues pour le premier disque », explique pour sa part MaryLynne, « ce qui nous avait alors attristés, car nous étions très attachés à ces chansons. It Wouldn’t Be This est, en fin de compte, un portrait de notre vie au cours des 20 dernières années. »



Dans certaines famille, on fait la file pour la douche. Chez les Dodson – Rich, Mary-Lynn, Holly et Nick – c’est plutôt pour accèder au studio d’enregistrement à la pointe de la technologie qui occupe le sous-sol de leur résidence à Toronto.

C’est là tout un univers musical. Une vaste sélection de guitares et claviers, entre autres instruments, jouxte un bureau entièrement consacré aux opération de marketing et bardé d’ordinateurs connectés aux indispensables sites de médias sociaux et de services musicaux qui connectent les artistes à leurs fans. Un murest couvert des disques d’or amassés par le patriarche Rich Dodson – guitariste et cofondateur du trio rock canadien The Stampeders – intronisé au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens en 2006 en tant que co-auteur de “Sweet City Woman », le plus grand succès du groupe. The Stampeders se sont également mérité le Prix SOCAN 2011 pour l’ensemble de leur oeuvre, et deux Prix SOCAN de la chanson classique en 1993. 

“J’ai monté un studio 24 pistes [Marigold Studios] pour garantir mon autonomie et mon indépendance” – Rich Dodson

C’est en 1978 et en bons termes que Rich quitte le groupe, après 13 années de vie rythmées par l’impitoyable calendrier des tournées et séances d’enregistrement. « Je souhaitais cette liberté, alors quand nous avons acheté la maison, j’ai monté un studio 24 pistes [Marigold Studios] pour garantir mon autonomie et mon indépendance », explique Rich. Il met rapidement sur pied Marigold Productions, son propre label indépendant de distribution nationale, et devient l’un des pionniers en matière d’outils d’enregistrement numériques et de marketing et de promotion en ligne. Son épouse Mary-Lynn prend une part importante dans l’opération, forte de son expérience acquise au sein de Quality Records, où elle est l’une des premières spécialistes du pistage radio au Canada.

Dans les années 80, le studio commence à faire le buzz et attire des artistes aussi variés que Buffy Sainte-Marie, le regretté Handsome Ned, et Alanis Morissette, pour ne citer qu’eux. Contaminés par son esprit d’indépendance et d’extrême débrouillardise, sa fille Holly et son fils Nick démontrent un intérêt sans cesse grandissant pour la musique. Aujourd’hui chanteuse, musicienne, compositrice, auteur et productrice, Holly est aussi cofondatrice et figure de proue du trio électro-pop Parallels, aux côtés de Nick qui assure la batterie. Également multi-instrumentiste et producteur, Nick tient les rênes de son propre groupe, Eyes of Giants. Parallels connait un succès critique retentissant et son “Dry Blood” figure sur la bande originale du long-métrage Curfew, qui s’est mérité un Academy Award.

“Holly chante et joue de tous les instruments sur XII, le second album du groupe qu’elle a également mixé” rappelle Rich fièrement. “J’ai bien réglé quelques petites choses ici et là mais elle a vraiment fait l’album au complet elle-même. Ça m’a jeté à terre. Nick joue formidablement du piano et de la batterie et il produit plusieurs projets également.”

À l’ère du numérique, Rich est plus que jamais enthousiaste à l’idée de créer de la musique et de la mettre en marché. C’est d’ailleurs lui qui, quelques années après la réunion de The Stampeders en 1992, s’attèlera à produire leur site web.

“Dans le même temps, j’ai du me battre avec Nick et Holly pour qu’ils ne négligent pas la radio traditionnelle,” dit Rich. “Ils n’écoutent pas la radio mais cela demeure un moyen privilégié de découverte de la musique pour bien des gens.”