Vivek Shraya est une artisane qui façonne des chansons et des histoires sous les signes du défi, de la tendresse et de la beauté, et ce, avec autant d’amour que de compréhension.
Poète, écrivaine, auteure dramatique, artiste, cinéaste et autrice-compositrice, cette Edmontonienne, lauréate d’un Canadian Screen Award, mise en nomination pour un Prix de musique Polaris et auteure du livre à succès I’m Afraid of Men, a été comparée dans Vanity Fair à du « combustible pour fusée ». Elle est également la fondatrice de la maison d’édition VS. Books, qui appuie les auteurs émergents de la communauté des Noirs, des Autochtones et des Personnes de couleur. Membre du conseil d’administration de la Tegan and Sara Foundation, Shraya travaille actuellement sur une adaptation de How to Fail as a Popstar, sa première pièce de théâtre, qui est appelée à devenir une série numérique sur CBC.
Tout récemment, Shraya lançait Colonizer, la chanson très attendue qui fera partie de l’édition de luxe de Baby, You’re Projecting, son premier album chez Mint Records. Interprétée en duo avec Donovan Woods, cette œuvre reflète le genre d’équilibre qui se retrouve dans une si grande partie des œuvres de l’artiste : en l’occurrence, il s’agit de gracieuses mélodies interprétées avec délicatesse par Woods avec accompagnement de cordes de guitare en nylon et des dons de Shraya pour la pop qui fait danser.
« Colonizer est une chanson d’amour qui exige peu de chose – juste qu’on l’aime telle qu’elle est sans se sentir obligé de la sauver, et ce, par le biais d’histoires qui se reflètent les unes les autres entre narratrice et amant. « En surface, la tension est entre moi et mon partenaire, mais au fin fond des choses, elle existe entre moi et la « perception publique » ou la « perception d’autrui », explique Shraya. « À cet égard, il est en fait vraiment facile de s’accrocher à l’amour. »
Accorder la première place à l’amour et questionner les points de vue opposés est une compétence que Shraya maîtrise depuis des années, et qu’elle a peaufinée avec le temps en apprenant à présenter vigoureusement tous les côtés d’une même histoire. « Je pense que, dans le genre d’œuvres que j’ai créées, et ce, même avec les pires personnes ou celles qui m’ont le moins bien traitée, j’ai toujours réellement essayé de manifester un esprit de compréhension et d’empathie dans toute la mesure du possible. »
Il ne s’agit pas d’une attitude difficile à adopter pour Shraya. « Je suis plus portée vers la compréhension, l’empathie et la compassion qu’à me laisser emporter par la colère. Je pense que cela s’enracine également dans mon expérience de personne marginalisée. Je crois qu’une personne de couleur brune ressent tellement le besoin de faire preuve de bonté et de politesse, et d’essayer de se glisser dans la peau des autres – ou d’écouter ce que les deux côtés ont à dire. »
Une telle compréhension peut remonter à une volonté de céder un peu de terrain. Tel que l’explique elle-même Shraya, « je ne dois pas oublier que j’ai le droit d’éprouver une certaine colère, que j’ai droit à la rage. Mais il est certain que sur [Colonizer] en particulier, ce n’était pas nécessairement ce que je voulais exprimer puisqu’il s’agit d’une piste qui vise à consolider mon amour pour mon partenaire et son amour pour moi. »
Même au cœur des émotions les plus profondes qu’explore Shraya, ceux qui en sont capables découvriront de l’humour. « Je pense que l’oppression dont j’ai fait l’expérience ne m’a pas toujours permis de laisser transparaître cet aspect de mon art, », explique-t-elle. « Colonizer est d’une certaine manière une chanson pince-sans-rire, ou en tout cas c’est [comme ça] qu’elle a commencé. Le fait qu’elle porte le titre de Colonizer peut sembler indiquer une certaine agressivité, mais il est intéressant de la faire jouer par des amis de couleur brune qui ont déjà fréquenté des gens de couleur blanche – [ils] meurent de rire. »
Pour Shraya, toucher le cœur d’un grand nombre de publics hautement diversifiés grâce à la profondeur émotive de son œuvre constitue une préoccupation incessante. L’amour, la tension et l’humour sont au rendez-vous pour produire des comptes rendus convaincants qui débordent largement des confins de la communauté d’où ils émanent. « Ce que j’ai découvert de vraiment emballant, ces dernières années, c’est d’essayer d’écrire une chanson qui pourrait ne pas s’adresser à l’auditeur dominant ou au groupe dominant », affirme Shraya, « mais que le groupe dominant ne pourra pas s’empêcher de trouver entraînante. »