Les derniers mois ont donné un sentiment d’impuissance à bien des gens. La première moitié de 2020 a été marquée par le coronavirus, qui a dominé les actualités en forçant bien des nations à se mettre en confinement. Puis il y a eu le meurtre de George Floyd lors du Memorial Day, aux États-Unis, mort par suffocation sous le genou d’un policier blanc. Le lendemain matin, les États-Unis étaient secoués par une vague de protestations sous le thème Black Lives Matter, un effort soutenu qui a tout affecté, que ce soit au niveau législatif, dans les médias, les sports et un certain nombre de monuments controversés.

À la surprise de plusieurs, ces manifestations ont débordé des frontières américaines un peu partout dans le monde et ont entraîné un mouvement de reddition de comptes qui s’est répandu comme un feu de poudre bien qu’il en soit encore à ses tous débuts. Cette vague a également touché le Canada et c’est à notre tour d’examiner comment le profilage racial par les forces policières ou encore le manque de diversité dans les salles de nouvelles sont le reflet des inégalités dans nos frontières. Les producteurs audionumériques et auteurs-compositeurs Nahum, Waves, ILLNGHT, Kory Adams, Jacob Wilkinson-Smith (alias mybestfriendJACOB) et Teddi Jones ont tout de suite su qu’ils devaient contribuer à ce mouvement en faisant ce qu’ils font le mieux : créer de la musique.

Ensemble, ils forment le noyau dur de créateurs qui ont produit la banque d’échantillons Stronger Together. (Une banque d’échantillons est un ensemble de fichiers musicaux appelés « stems » qui sont achetés par les « beat makers » et les producteurs audionumériques qui les utilisent pour créer à leur tour de nouvelles œuvres musicales. C’est en quelque sorte une bibliothèque musicale miniature.) Cent pour cent des recettes sont versées à plus de 70 organisations à des fonds de cautions communautaires, des fonds d’entraide et des organismes luttant pour la justice raciale.

mybestfriendJACOB

mybestfriendJACOB

« Ç’a été un travail d’équipe », dit mybestfriendJACOB. « J’ai soumis l’idée au groupe, mais plusieurs d’entre nous se sentaient déjà comme ça. Je pense que nous nous demandions tous comment nous pouvions contribuer et participer à ces manifestations depuis chez nous. Nous sommes d’un peu partout à travers le monde [ILLNGHT : Paris, France. Teddi Jones : Vancouver. Nahum : Markham, ON. Waves et Kory Adams: Toronto. mybestfriendJACOB : Nouvelle-Écosse.]. Cette banque d’échantillons nous semblait toute naturelle. C’était quelque chose que nous savions tous comment faire et si nous ajustions juste un peu nos énergies, on pourrait avoir un impact bien réel. »

Le processus a été légèrement différent d’un producteur à l’autre, mais tous avaient le même engagement émotionnel de fournir le meilleur d’eux-mêmes. « Ce que j’aime le plus de notre produit final, c’est qu’il nous a donné la chance d’exprimer nos émotions de façon positive grâce à la musique », explique mybestfriendJACOB. « On a pu sortir ces émotions à travers le processus de création. On se sentait tous en colère et frustrés, et la musique reflète ces sentiments. L’image de George Floyd avec un genou lui écrasant le cou est gravée à jamais dans ma mémoire. C’est une image qui me remplit de colère et de tristesse. Mon processus de création a été thérapeutique et m’a permis d’exprimer ces émotions tout en contribuant à la lutte pour l’égalité. »

Tout le monde s’est immédiatement mis au travail, raconte Teddi Jones, afin de produire et de colliger des échantillons pour cette banque dont toutes les recettes seront versées à des organismes luttant pour la justice et l’égalité. Mais au-delà de la musique elle-même, le processus impliquait également d’effectuer des recherches pour déterminer « les causes qui profiteraient le plus de ces dons », ajoute-t-il. Il fallait également engager le designer Dave Phenix qui a créé la « pochette » du projet. Adams nous a confié qu’ils ont plus tard appris que Phenix n’avait eu besoin que de quelques heures pour produire son œuvre. Ce fut pour lui aussi un processus cathartique qui lui a permis d’exprimer sa douleur.

Teddi Jones

Teddi Jones

Le groupe a ensuite choisi l’organisme américain Secure ActBlue afin de distribuer les recettes provenant des ventes de leur banque d’échantillons. « On s’est dit que Secure ActBlue serait utile pour répartir les dons entre quelque 70 organismes différents », explique Kory Adams. « Ça nous donnait les moyens de partager l’argent entre plusieurs organismes qui ont ont besoin. On ne voulait pas qu’il y ait de favoritisme. On ne cherchait pas à se faire remercier. On fait simplement notre petite part. C’est pour ça qu’on n’a pas tenté de communiquer avec un organisme ou un autre avant de remettre ces dons. »

Fin juin, les ventes de la banque d’échantillons ont déjà surpassées toutes les attentes de son équipe de créateurs. « C’est vraiment merveilleux, honnêtement », se réjouit mybestfriendJACOB. « Je me disais qu’on amasserait peut-être 1000 $. Mais amasser 18 fois plus, et c’est pas fini, c’est un sentiment merveilleux. Nous unir nous a permis de partager cette banque d’échantillons avec le monde entier. Des gens d’un peu partout l’ont acheté et il y a même eu des gens qui ne sont pas producteurs audionumériques qui l’ont acheté. Ils n’avaient aucun moyen d’utiliser ces échantillons, mais ils en ont fait don à leurs amis musiciens. C’est vraiment merveilleux. »

ILLNGHT est tout aussi surpris du succès de leur projet : « C’était génial à voir et tellement satisfaisant. Je pense que le fait d’avoir des producteurs audionumériques de différents pays nous a aidés à rejoindre plus de gens. J’espère que ça va inspirer nos pairs à suivre notre exemple. Utiliser notre art pour le bien de la communauté est une bénédiction. Je crois qu’on peut changer les choses, petit à petit. »

mybestfriendJACOB est d’accord : « L’idée d’utiliser mon art pour lutter pour une cause est très emballante. J’aimerais éventuellement que mon art devienne une partie intégrale de mon travail philanthropique. Ce petit projet m’a réellement ouvert les yeux sur les façons dont je peux continuer à donner au suivant pour les années à venir. »

Stronger Together

L’art de couverture pour Stronger Together

« Ç’a été une expérience incroyable de voir tous ces gens acheter notre banque d’échantillons dans le but premier de contribuer au financement des organisations que nous avons choisies », affirme Jones. « Au final, nous avons fait ce qu’on aime le plus et nos objectifs communs pourront faire une différence — je suis réellement honoré de participer à un aussi beau projet. »

Nahum a été profondément inspiré par la manière dont la collaboration et la communauté peuvent être des agents de changement, à petite et à grande échelle. « J’espère que les créateurs comprendront le pouvoir qu’ils détiennent lorsqu’ils font simplement appel aux gens qui les entourent », dit-il. « Je pense que les gens sous-estiment parfois les ressources auxquelles ils ont accès et la synergie qu’ils peuvent créer. Ce qui a commencé par une simple idée et une question s’est transformé en résultat concret et en très peu de temps, simplement par le biais d’un clavardage de groupe, et le résultat final profite aux créateurs, aux consommateurs et, par-dessus tout, à la cause qui a inspiré ce projet. »

Déployer leur art en tant que méthode de sensibilisation a énergisé tous les membres du collectif, et cette initiative n’est qu’un début. « En tant que personnes de couleur et alliés, nous sommes engagés dans des activités antiracistes quotidiennement », explique Waves. « Nous demeurerons vigilants, nous nous mobiliserons rapidement et nous utiliserons notre art pour combattre toutes les injustices possibles. »



Pierre Blondo et John-Adam Howard connaissent les codes de la pop comme peu d’autres producteurs québécois. Sous le nom de House of Wolf, les deux musiciens indépendants visent le marché international avec une ambition bien mesurée.

Entre R&B, hip-hop, country et soul, le catalogue assez garni du duo incarne l’aisance et la polyvalence de ses deux parties. « Le point central de toutes nos influences, c’est qu’on adore la pop. Et la pop, c’est devenu un melting pot qui peut inclure beaucoup de styles. Au départ, c’est le feeling qui nous guide et, ensuite, on cherche à trouver cet algorithme inconnu qui peut nous faire atteindre les masses », explique au téléphone Pierre Blondo, porte-parole du tandem.

Loin de se perdre à travers un amalgame illogique ou surchargé de genres, House of Wolf présente une signature en phase avec son époque, celle d’une esthétique assez épurée qui, derrière son apparence simple, renferme des heures et des heures de création et de peaufinement. « On essaie d’être spontané et d’aller vers la soustraction de couches plutôt que vers la multiplication. On veut que le vocal prenne toute sa place. Mais pour en arriver à un beau bloc simple de guitares et de pads, y’a du gros travail. On commence nos sessions avec des discussions et, dès qu’on sent qu’on dérive, on essaie de se ramener vers le feeling originel. La ligne est fine pour trouver la bonne émotion et, chaque fois, c’est une séance de torture… ou presque. C’est comme si on avait oublié comment produire ! »

Une fine ligne que les deux musiciens originaires de Québec peuvent atteindre grâce à leur chimie humaine et artistique. Entrepreneur dans l’âme, Pierre Blondo est le côté plus cartésien du duo, tandis que John-Adam Howard s’impose comme la partie plus créative. « Son seul focus, c’est de créer. Chaque matin, il regarde les nouveaux plug-ins, les tutoriels les plus récents… Il a un amour pur et dur pour la musique, tandis que moi, j’ai de la misère à penser à la musique sans avoir en tête l’aspect business. Quand il part trop dans un sens, je peux donc le rattraper, tandis que lui, il peut faire la même chose s’il voit que je suis trop robotique. Nos opposés concordent. »

C’est après avoir étudié à la Musicians Institute de Los Angeles que Blondo a commencé à produire de la musique, en caressant le rêve d’un jour vivre de sa passion. En 2016, l’entrepreneur et consultant A&R Mike Goldfarb fait appel à lui pour initier un volet de création à sa compagnie de production de spectacles Talent Nation. « Il voulait que je compose trois chansons pour environ huit artistes. Je pouvais pas faire ça tout seul ! J’ai donc cherché localement des gens avec qui collaborer, et c’est là que je suis tombé sur John-Adam et Vincent Carrier (NDLR : producteur qui quittera le groupe quelques mois après). Mon but était de créer un mini camp d’écriture à trois dans un Airbnb à Toronto et de m’occuper de toutes les dépenses pour éventuellement garder les profits qu’on générerait avec les chansons. Mais, finalement, un Airbnb à Toronto pendant quatre mois, ça coûte 50 jambes, donc turns out que j’ai pas fait une cenne », se souvient-il, en riant.

C’est durant cette période qu’il découvre une jeune chanteuse originaire du Wisconsin. Révélée grâce à un concours organisé par iHeartRadio, qui consistait à envoyer une interprétation filmée d’une chanson de la pop star Zayne Malik dans le but de gagner des billets pour son spectacle, Carlie Hanson a été repérée par Mike Goldfarb sur Instagram. « On aurait dit une jeune Bieber fille avec une histoire d’american dream parfaite : elle vient du Wisconsin, elle travaille au McDo, sa mère a trois jobs, elle est hyper humble… On a demandé à sa mère si elle pouvait venir à Toronto. La rencontre a été super cool et on a reloué un Airbnb à Los Angeles à l’automne 2016 pour travailler sur des chansons. »

Avec l’aide du parolier américain Dale Anthoni, House of Wolf a produit la chanson Only One, qui a lancé la carrière de Hanson en mars 2018, notamment grâce à son inclusion sur une liste de chansons préférées de Taylor Swift. Le duo profite encore à ce jour de sa rencontre avec Hanson, qui s’est solidifiée avec le single Daze Inn ce printemps. « C’est sûr que c’est bon de produire pour des artistes établis, mais en développant la carrière d’une artiste en particulier, tu t’imposes davantage aux yeux de l’industrie. Ça montre que tu sais développer une sonorité précise. »

En juin dernier, le duo a ajouté un autre fait d’armes à sa feuille de route : un placement pour le trio californien Cheat Codes. Coécrite avec le populaire collectif d’auteurs-compositeurs The Six ainsi que Dan Smith du groupe indie pop britannique Bastille, Heaven a cumulé plus d’un million d’écoutes en une semaine. « Au début, on savait même pas que c’était le chanteur de Bastille qui avait fait les mélodies ! En fait, on savait pas non plus qu’on était dans une compétition avec d’autres producteurs et, finalement, on a tellement flippé la chanson originale de bord que le label a capoté. »

Stimulés par cette occasion inattendue, qui les a également menés à produire pour le chanteur R&B Jeremih et la chanteuse Anna Clendening, les deux complices ont en tête un retour vers la côte ouest américaine. « On a fait beaucoup de création en longue distance, mais là, on veut aller passer un peu temps à L.A. pour vraiment profiter de nos contacts. La stratégie est quand même de rester indépendants, car on veut éviter de signer un mauvais deal avec un éditeur qui se fout de nous. On veut s’assurer d’avoir fait amplement nos preuves avant de signer quoi que ce soit. On croit au long build. »



La tournée TD Musiparc, qui a vu jusqu’ici les France d’Amour, 2Frères, Marc Hervieux et autres Laurence Jalbert chanter devant un auditoire restreint de voitures remporte un vif succès.

Guylaine Tanguay « Je n’ai jamais aimé autant que ça me faire klaxonner de ma vie », disait récemment à la blague Guylaine Tanguay faisant allusion à ses spectacles de Gatineau, Bromont, Mercier et la Baie de Beauport. Et ça risque de se manifester à nouveau le 19 juillet prochain à Mirabel pour le dernier de cette série pas ordinaire. « Si jamais ça se produit dans ma conduite de tous les jours, je vais répondre par des becs d’amour ! »

Quoi qu’il en soit, l’exercice n’est pas évident pour tous les musiciens en ces temps de pandémie. « On était un peu stressé, j’avais peur que ça soit trop réglementé, trop procédural et qu’on perde tout le côté plaisir de la musique. En temps normal, on s’adapte selon le public, on trouve notre énergie là-dedans. Si les spectateurs sortent de leur voiture, ils n’entendent rien, il n’y a aucune amplification sur la scène, pour entendre la musique, il faut syntoniser une fréquence radio, donc il faut rester dans la voiture. C’est le but ! Les musiciens entendent à travers leur ‘’in ear’’ ou moniteur d’oreille, pour nous sur scène, c’est le silence total ».

Guylaine Tanguay, dont le nouveau disque simplement intitulé Country a repris sa place au sommet des palmarès de vente avec une reprise de L’arbre est dans ses feuilles (Zachary Richard) et plusieurs textes de sa plume, un précédent dans son cas, est catégorique sur l’importance de ses spectacles: « il n’y a pas de temps mort, il arrive même que nous ne jouons pas certaines chansons au complet, il y a des pots-pourris qui peuvent durer douze minutes, et j’essaie de parler le moins possible. Je ne suis pas à l’aise avec les longues présentations de chansons, je suis plus du genre show-off et que ça déplace de l’air, même quand je chante des ballades ».

« Je suis une fille intense »

Chose que Tanguay fait avec conviction sur Country. Écoutez Je m’envolerai ou L’incontournable (un texte sur le deuil, en grande partie écrit par Tanguay) pour vous en convaincre. Elle est en train de développer tout un répertoire de chansons douces qui amène un bel équilibre avec la fille énergique ‘’working nine to five’’ à la Dolly Parton. « Je suis une fille intense », de confier la musicienne de 48 ans.

Fait au Québec, mais terminé à Nashville, Country nous dévoile l’auteure de chansons qui a travaillé avec Jonathan Godin, un habitué des chansons country. « Au début de notre collaboration, je lui ai demandé d’écrire un texte pour une danse de ligne country, mais sans penser à moi comme interprète. N’écris pas pour une fille, écris pour un gars que je lui ai dit, parce que j’ai plus une attitude de gars sur une scène dans la façon d’interpréter et d’être. Oui, je suis en talons hauts, je suis maquillée, mais faut que je te le dise, sur scène, j’oublie que je suis une fille. Je fais partie des boys, je tape du pied à m’en briser les chevilles ! »

« Sur Allez venez danser, je voulais une chanson ‘’Lac St-Jean’’, party de famille, sur des soirées où l’on pense être quinze et on se retrouve à soixante-quinze. Sur une autre, La chasse, (qui est un thème récurrent chez les chanteurs country) elle émet une tout autre opinion : « J’haïs la chasse ! Je suis née au mois de septembre et mon village (Girardville au Lac St-Jean) se vidait à ma fête et c’était plate ! Toute ma vie j’ai voulu écrire mes textes, mais je craignais qu’ils soient trop tristes ou au premier degré. J’aime les chansons qui sont faciles à comprendre ».

Son guitariste, Sébastien Dufour et elle ont formé un tandem de création. « Il sait ce que je veux, il est capable d’être dans ma tête. Je voulais un country plus raffiné, avec plusieurs nuances au niveau des textures en les gardant telles quelles pour les spectacles. Je veux ‘’dé-quétainiser’’ le country », jure-t-elle.

Dufour est loin d’être un manchot. Son solo de guitare sur la chanson Mon Yodeling est dans une catégorie à part, le twang, la verve d’un Junior Brown ou d’un Bobby Hachey ! Ce gars-là pourrait travailler à Nashville demain matin.

À l’aise qu’on la surnomme la Reine du country ? Quand on sait que Renée Martel l’est d’office, les deux reines se sont-elles déjà rencontrées ? « La reine ce n’est pas moi, je ne me sens pas bien avec ce qualificatif. Je lui ai déjà dit à la blague : ta couronne est à toi, le trône, je ne le veux pas ! »