Difficile de faire concurrence aux classiques de Noël — « Vive le vent », « L’enfant au tambour », « Père Noël arrive ce soir », « Let It Snow », « Santa Baby », « God Rest You Merry, Gentlemen », « Deck The Halls », « Rudolph le petit renne au nez rouge »… La liste est pratiquement infinie. (Certaines sont protégées par un droit d’auteur, d’autres sont du domaine public.) Pourtant, chaque année, des auteurs-compositeurs tentent leur chance avec ce format : neige, check, feu dans la cheminée, check, Père Noël, check, et ho ho ho !

Du point de vue des auteurs-compositeurs, l’attrait des chansons de Noël est leur pérennité. Elle a des chances d’être jouée à la radio, à la télé, en ligne, dans les commerces, dans les cabinets de professionels et ainsi de suite, année après année, possiblement pour toujours, ce qui signifie une source de revenus de redevances saisonnières fiable pour le reste de leur vie. Certains poussent même l’audace jusqu’à relancer leur chanson chaque année (oui, c’est à toi qu’on pense, Mariah Carey).

Barry Gibb, l’ancien membre des Bee Gees et l’un des plus grands auteurs-compositeurs de la planète a récemment provoqué une petite commotion en exprimant sur les ondes de la BBC sa perspective concernant les chansons de Noël : « c’est un peu trop une “gimmick” de marketing », a-t-il dit. Des quelque 1000 chansons du répertoire du groupe, pas une seule ne célèbre le temps des fêtes.

Mais parfois, comme c’est aussi vrai avec n’importe quelle autre chanson à n’importe quel moment de l’année, écrire une chanson de noël peut avoir un effet de cathartique. En 2018, Corey Hart a écrit « Another December », un hommage touchant et personnel à sa regrettée mère qui était néanmoins assez universel pour rejoindre quiconque a perdu un être cher et doit passer le temps des fêtes sans cette personne.

« Nous étions très proches et le temps des fêtes est devenu particulièrement poignant et mélancolique après sa mort soudaine en 2014 », confie le musicien. « Le processus de création m’a aidé à traverser ces champs de mines émotionnels et à trouver la paix intérieure. »

« It’s so quiet / But I hear you every time the choir sings » chante-t-il avant de poursuivre, « All that you taught me since I were a child / All of your light still shining through me, ever so bright on this Christmas / Bright on this Christmas night… Oh, Mama, how I miss you most on every Christmas Eve » (librement : « tout est silencieux/mais je t’entends encore quand la chorale chante » et « tout ce que tu m’a appris depuis mon enfance/toute ta lumière brille encore en moi, si brillante en ce noël/brillante en cette nuit de Noël… Oh ! maman, tu me manques tellement chaque veille de Noël »).

« “Another December” est probablement l’une des rares chansons de Noël qui ne figure pas sur un album de Noël à proprement parler, mais sur un album “normal” », dit Hart au sujet de sa chanson qui figure sur son album Dreaming Time Again produit par Bob Ezrin et paru en 2019.

Si vous avez eu la chance de traverser l’année 2020 sans perdre un être cher, il n’en demeure pas moins que nous avons tous souffert, à un degré ou un autre, d’isolement, ne serait-ce qu’en raison des restrictions imposées durant le temps des fêtes afin de freiner la propagation de la COVID-19. Pour bien des gens, ce Noël sera triste, solitaire ou simplement vraiment bizarre.

Désireux de saisir ce sentiment, et fidèle à ses sonorités pop noire, l’artiste vancouvéroise Kandle a co-écrit « Christmas Mourn » sur Zoom en compagnie de Debra-Jean Creelman, anciennement de Mother Mother, une chanson qui parle de s’ennuyer d’un être cher qui habite loin de nous. « La première strophe que j’ai écrite a été “I wasn’t warned of the many ways the holidays can make a girl mourn” », dit-elle en riant avant d’ajouter qu’une autre strophe, « Underneath the mistletoe, I long for you and kiss my phone » est « très vraie, dans mon cas » (librement : « On ne m’avait pas prévenu des nombreuses façons dont le temps des fêtes peut sembler à un deuil » et « Sous le gui, tu me manques et j’embrasse mon téléphone »).

La ballade qui est en partie un « trip » de culpabilité et en partie une expression d’amour qui se languit a été inspirée par des classiques comme « Blue Christmas » d’Elvis Presley et « toutes les chansons du genre de Bing Crosby », confie Kandle. « L’objectif était que ça sonne comme un classique indémodable avec des cordes et des grelots, mais avec des mélodies contemporaines, mais prévisibles et accessibles. Je voulais y mettre ma touche tout en m’assurant que ça sonne “vintage” même si le texte parle de la COVID. »

« C’était ça le plaisir d’écrire cette chanson », explique-t-elle. « Créer quelque chose de beau et inspirant, mais avec un texte très triste. On ne peut pas être avec ceux qu’on aime cette année. Il faut que ce soit une année vraiment déprimante pour me pousser à écrire une chanson de Noël », dit-elle en riant. « Je ne sais pas vraiment comment écrire des chansons joyeuses. »

Johnny Reid, lui, a choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur. L’artiste country a lancé quelques chansons de Noël originales dont sa première, en 2009, qui s’intitule « Waiting for Christmas to Come » et il vient tout juste de lancer une version de luxe de son EP My Kind of Christmas EP paru l’an dernier. Ses chansons abordent des thèmes comme la tristesse et l’anticipation.

« L’objectif était que ça sonne comme un classique indémodable » – Kandle

« Avant même de commencer à écrire pour ces projets de Noël, je me suis demandé ce que Noël représente pour moi. Noël, c’est la maison. Oui, maison, c’est bon. Famille. Amitié. Innocence. Magie. Anticipation. J’essaie de capter l’émotion de Noël, et c’est très subjectif, parce que Noël représente une foule de choses différentes pour une foule de gens différents », explique Reid.

« Puis il y a des couleurs qu’on n’a pas le choix d’utiliser : la neige, les anges, les grelots, les cloches d’église et les chorales. Toutes ces images et ces mots sont inséparables de Noël. Mais la véritable approche pour moi, c’est réellement de capter l’esprit de Noël grâce au texte, aux mélodies et à la musique afin d’inspirer cet esprit des fêtes aux gens. »

Pour souligner cette année 2020 historique, Reid — qui s’est établi au Canada en provenance d’Écosse alors qu’il avait 13 ans et qui vit désormais à Nashville — a décidé d’écrire une chanson intitulée « Christmas 2020 » avec sa collaboratrice fréquente, Jodi Marr.

« J’allais écrire ce que tout le monde ressent », raconte Reid, « puis je me suis dit qu’en fait, on devrait simplement accepter la situation telle qu’elle est et se permettre de s’amuser à Noël malgré tout. C’était ça mon idée. Je pense que tout le monde se sent comme ce que je chante d’entrée de jeu : “What a year this has been/I won’t be sad to see it end” (librement : “Quelle année on vient de passer/Je ne serai pas triste de la voir se terminer”).

Dans sa chanson pop entraînante finalement intitulée “A Time For Having Fun”, plutôt de se lamenter que nous ne pouvons pas nous réunir pour noël comme d’habitude, il chante “If hindsight is 2020/Let’s sing and all be merry/Let the sleigh bells ring again, my friends” (librement : “les choses sont toujours parfaitement claires avec le recul/Chantons et soyons heureux/Faites tinter les grelots du traîneau, mes amis”, NdT : malheureusement le jeu de mot “hindsight is 2020” est impossible à traduire, mais nous avons utilisé son sens strict pour la traduction libre). Il poursuit avec des références à la vie en temps de pandémie comme accrocher du gui virtuel “c’est gratuit !” et un appel Zoom en guise de party de Noël.

Mais comme le texte est si étroitement lié à ce qui s’est passé cette année, s’agirait-il donc de la seule chanson de Noël avec une date d’expiration ? Reid croit que non.

“Je crois que ça va prendre beaucoup de temps avant que les gens oublient 2020”, dit-il. “Il y aura des grands-parents, des gens de mon âge, dans leur quarantaine, des ados, et même de jeunes enfants. Je pense que la durée de vie de cette chanson sera liée au nombre de gens qui se souviendront de cette année complètement dingue.”

Liste (non exhaustive) des chansons anglophones de Noël parues en 2020
Arkells – ’Pub Crawl’
Carly Rae Jepsen – It’s Not Christmas Till Somebody Cries
Charles Spearin – The Christmas Box
Chilly Gonzales – The Banister Bough
Colleen Brown –  What Do You Want for Christmas
Command Sisters – Steal Your Heart
Ellevator – Urge for Going
Fortunate Ones – Hold On To Christmas Day
Friggin’ Arab Orchestra Company (FOAC) – Arab Ladies Sing Christmas Carols Written By Jews
Gowan (with Stuck On Planet Earth) – Can You Make It Feel Like Christmas
Jeffery Straker – Come Walking in the Snow with Me and I’ll Be Missing You This Christmas
Jenn Grant – Downtown Christmas Eve
Jordan Klassen – Came Back on Christmas Day
JP Saxe (with Julia Michaels) – Kissin’ In The Cold
Lowell – To Mary
Mark Malibu & The Wasagas – Christmas Twist
Michele Mele – Christmastime in Canada
Nova Carver-Cook– A Different Christmas
PoLe – Chestnuts Roasting on a Dumpster Fire
Reuben and the Dark – Xmas in California
Said the Whale – Wanting Like Veruca
Sarah MacDougall – Out of This Blue
Sloan – Kids Come Back Again at Christmas
Stephan Moccio (with Gary Levox of Rascal Flatts) – Christmas Will Be Different This Year
Steven Hardy – I Won’t Be Home for Christmas
Tegan and Sara – Make You Mine This Season
Zeus – Marching Through Your Head (Christmas Edition)


Chargée de comptes principale des éditions à la SOCAN, Huguette Langlois est un peu la mémoire de la Société et, pourrions-nous dire en boutade, c’était un peu chez elle, dans son bureau, que se rendaient travailler les employés de la branche montréalaise. Au moment de prendre une retraite méritée après quarante années de loyaux services, elle témoigne pour nous des profondes transformations vécues par le milieu de l’édition musicale depuis ses débuts dans le métier.

Huguette Langlois, SOCANÀ quelque chose malheur est bon, dit l’adage. Ainsi, la pandémie rendra peut-être plus facile le passage à la retraite pour Huguette qui, comme tous ses collègues de la SOCAN, opère en télétravail depuis déjà la première vague.

« On vit tous de petits deuils durant cette pandémie; le télétravail, l’éloignement avec les collègues, c’en est un qui fait que la « cassure » me sera peut-être moins pénible. Les membres qui passaient au bureau et que je croisais régulièrement, le contact avec l’équipe, je n’avais plus ça pendant la pandémie, mais sincèrement, ça m’aide à passer à autre chose », croit la spécialiste de l’édition, qui s’estime avoir été l’alliée, parfois la complice, des éditeurs avec lesquels elle a eu le bonheur de travailler : « J’avais l’impression de faire partie de leurs équipes, de travailler dans chacun de leurs bureaux, ou presque ».

« C’est sûr que le contact physique n’est pas là, mais on a pu maintenir le contact avec les membres, ce qui est d’autant plus important que la situation est tellement difficile pour toute la colonie artistique. On est heureux d’avoir pu être d’un certain soutien à nos membres; c’est difficile pour tout le monde, mais au niveau artistique, ils ont été les premiers à en pâtir, et seront les derniers à pouvoir se relever », craint Huguette.

C’est pourtant par hasard qu’elle dit être entrée dans le domaine de l’édition musicale. Jeune employée d’une institution bancaire, elle a eu vent d’un poste ouvert auprès d’un éditeur, « mais je ne connaissais rien – je ne savais même pas que le droit d’auteur existait! J’ai passé trois mois à brailler en me disant: Qu’est-ce que j’ai fait ? Je ne comprends rien ! » Au bout de ces trois mois, elle a fini par se laisser happer par les rouages de cette industrie qui la fascinait.

En 1981, Huguette Langlois a accepté un poste à la CAPAC (Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada Ltée), société établie au Canada en 1925 par la Performing Rights Society britannique (sous l’appellation Canadian Performing Rights Society) et qui, avec le temps, s’était positionnée comme un des leaders de l’édition musicale au Canada. Huguette a donc été témoin de la fusion, en 1990, de la CAPAC et d’un de ses concurrents, la Performing Rights Organization of Canada (PROCAN); de cette fusion est née la SOCAN, « une fusion qui n’a pas été facile à faire, mais qui fut heureuse, non seulement pour les créateurs, mais aussi pour les utilisateurs de musique. »

L’une des plus importantes transformations que le métier a subies pendant les quatre décennies de son mandat touche à la perception du rôle de l’éditeur de la part des créateurs, suggère Huguette : durant ses premières années auprès de la CAPAC, « je me suis rendu compte que ce n’était pas toujours bien vu, un éditeur. […] Il arrivait que [les auteurs-compositeurs] signaient parce qu’il fallait qu’ils signent, sans vraiment avoir pris connaissance de l’entente – certains signaient à vie, parfois sans obligations [de la part de l’éditeur]. »

Huguette Langlois, SOCANSelon la chargée de compte, la fondation de l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM) en 2002 a grandement contribué à donner des lettres de noblesse au métier. De plus, « l’APEM s’est donné le mandat de faire de la formation, ce qui a permis au métier d’évoluer ». Huguette Langlois a elle-même partagé son expertise dans le cadre d’ateliers sur le métier d’éditeur, insistant sur le fait que la formation doit être continue « puisque c’est un métier en constante évolution. L’industrie change tellement, le métier d’éditeur doit aussi se mettre au diapason. »

Car selon elle, si le métier d’éditeur est une spécialisation dans l’industrie musicale, « il ne doit pas seulement s’occuper des droits d’auteurs. L’éditeur doit être au courant de tout ce qui se passe dans cette industrie pour être en mesure de répondre à toutes les questions » soulevées par les créateurs. « Un auteur-compositeur doit créer; il aura donc besoin de s’entourer d’une équipe. C’est possible de trouver un éditeur en lequel le créateur aura confiance, et la confiance de pouvoir l’emmener plus loin » en sachant judicieusement exploiter les œuvres.

Huguette Langlois quitte la SOCAN avec le sentiment du devoir accompli, avec la fierté aussi d’avoir construit une relation de confiance avec les éditeurs de musique, mais « je trouve ça un peu dommage de partir à ce moment-ci. C’est sûr que le milieu de l’édition musicale a grandement évolué ces quarante dernières années, mais il va tellement évoluer encore plus vite [dans les prochaines années], les combats [que devront mener les éditeurs] seront encore plus grands » en raison du réalignement de l’industrie de la musique autour de l’axe numérique.

« Nos éditeurs ont confiance en l’avenir, ils se battent, ils se joignent à des coalitions qui incluent toutes les parties prenantes de l’écosystème musical québécois, alors qu’avant, c’était plutôt chacun pour soi. Aujourd’hui, tout le monde a compris que c’est en s’unissant qu’on arrivera à faire changer les lois et rendre les tarifs plus justes pour les créateurs. »

Bonne retraite, Huguette!



Et si la prise de parole musicale était un privilège qu’il fallait exploiter? Le duo La Fièvre, composé de Ma-Au Leclerc et Zéa Beaulieu-April saisit le mandat et en fait son mantra. Les sorcières modernes ont embrassé la mouvance post-punk, y ont injecté leurs inquiétudes environnementales et féministes tout en maitrisant tout ce que l’électro a à offrir, et ce, jusqu’en en demi-finale des Francouvertes cet automne. Leur premier album homonyme paru le 30 octobre nous invite à nous soucier de tout ce qui tombe autour de nous.

La Fièvre« La grande idée derrière notre album, c’est vraiment un sentiment de “faudra faire mieux” », dit Zéa Beaulieu-April, la voix du duo. La crise écologique et les épreuves visant particulièrement les femmes se dressent en piliers dans leurs chansons qui ne sont pas des armes, mais plutôt des moyens de crier et de « sortir de soi » tout ce qui ne va plus.

« On tente de retrouver le sentiment de communauté qu’on a en quelque sorte perdu durant la pandémie, ajoute l’auteure des chansons. Les personnes LGBTQ qui trouvent leur force ensemble dans le fait de se célébrer durant la Fierté, les femmes qui se tiennent debout devant les violences sexuelles, les gens qui militent pour l’environnement… Tous ceux qui dépendent de leur clan et qui ont quelque chose à perdre ou à défendre en ce moment sont brimés par l’isolement dû à la pandémie. » Il y a donc cet appel, dans la musique de La Fièvre : une invitation à se retrouver et à « déborder de son cercle » également. « Dans une pièce comme La crise, ça se remarque encore plus parce que ça dit que si on veut du changement, il faut toucher l’autre pour continuer à avancer. »

Le message porté par les deux filles est aussi vrai dans leur musique que dans leur parcours musical : « vous ne nous tasserez pas ». « Vous ne voulez pas de nous, vous ne voulez pas de notre message, mais on va venir pareil, lance Zéa. On n’a pas l’intention de se tasser. »

Ma-Au avait une formation en guitare classique et Zéa trimbalait son djembé. En secondaire 5, c’est pour cette raison que leurs chemins se sont joints. « On a décidé de faire une toune sur l’accessibilité à l’eau potable pour Secondaire en spectacle et non, ce n’était vraiment pas de l’électro, notre affaire à ce moment-là. »

C’est en 2017 avec un EP que leur style actuel s’est installé et que le projet a pris forme de manière plus sérieuse. Ma-Au, qui avait laissé tomber la guitare pour s’intéresser au piano a découvert les synthés. « Elle a commencé à fabriquer tous nos sons. C’est tellement un art à part entière. Et puis j’ai écrit des textes qui allaient dans le même sens que tout ce qu’on aime : de la pop électro assez enragée », se souvient Zéa.

Sorcières de la modernité, elles se reconnaissent dans le tarot, l’astrologie et les systèmes occultes. « On trouve qu’il y a quelque chose de très inspirant là-dedans et c’est vraiment lié au féminisme, assure-t-elle. Se dire sorcière, c’est se placer dans une lignée de femmes qui ont été mises de côté parce qu’elles étaient à l’aise avec leurs pouvoirs de guérison et leur sexualité. Pour nous, c’est lié avec notre engagement envers l’écoféminisme. Ça ressemble beaucoup à ce qu’on est et à ce qu’on fait. »

La musique de club et l’électro ne sont pas des musiques que l’on associe souvent à un discours engagé, mais Ma-Au et Zéa souhaitent rappeler que « tout se peut ». « En fait, c’est un gros travail de recherche de son. Les sons qui sont dans l’album ont été créés de A à Z par Ma-Au avec des instruments ou de la programmation. C’est un son créé à partir de rien et c’est vrai que d’un œil extérieur, ça semble plus simple que de gratter une guitare, mais c’est tellement le contraire », confirme Zéa.

Tout est malléable dans leur travail, Zéa travaillant les thématiques d’un côté et Ma-Au préparant des rythmes chez elle. Puis, les deux se rejoignent et les rendez-vous entre le son et les mots deviennent une manifestation de tout ce qui pourrait exister si on s’unissait. « Je sais programmer et Ma-Au sait écrire donc beaucoup de partages sont possibles dans notre duo », confirme Zéa.

La Fièvre est persuadée que le sentiment de communauté n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui et la fermeture des salles de spectacles empêche, depuis plusieurs mois, les messages de voyager. « À la base, on avait prévu lancer notre album dans un club échangiste en mai dernier. On trouvait ça chouette de rencontrer des gens qu’on ne connait pas, d’aller entendre des gens qu’on n’avait jamais entendus, dit Zéa. On a dépensé tout ce qu’on avait et encore plus pour amener cet album dans le monde et on fait face à une impasse. »

La musique qui tente d’exister en ligne a ses limites et pour Zéa, « c’est artificiel, rapide et ça semble incomplet. » Croisons donc les doigts et utilisons encore à outrance, l’expression qui s’érige dorénavant au cœur de l’industrie musicale comme un défi, une menace ou un espoir : « il faudra se réinventer ».