Sur La Musica Popular de Verdun, la formation montréalaise Clay and Friends arrime sa folie scénique à son penchant pour l’expérimentation désinvolte en studio.
Entre hip-hop, soul, funk, reggae, pop et folk, ce mini-album n’a rien d’uniforme. Bien au contraire, sa facture éclectique est pleinement assumée par ses créateurs. « J’ai pas l’impression qu’un jour, le commentaire qu’on va dire à propos de Clay and Friends, c’est qu’on est un groupe cohérent et homogène », admet le chanteur et multi-instrumentiste Mike Clay, sourire en coin. « Je respecte les gens qui sont capables de développer et de perfectionner un style, comme D’Angelo sur Voodoo par exemple, mais nous, c’est pas ce qu’on recherche. »
Pour donner un fil conducteur à ce qui aurait facilement pu devenir un fouillis d’influences trop bordélique, le quintette s’est inspiré de l’essor créatif qui a mené à l’émergence de la música popular brasileira, un style musical brésilien popularisé par l’entremise d’émissions de télévision au milieu des années 1960. D’abord perçu comme la suite logique de la bossa-nova, le genre a pris différents tournants qui, avec les années, l’ont davantage rapproché d’un mouvement musical métissé mariant musiques traditionnelles et modernes que d’un style bien défini. « Ça mélangeait autant la bossa et le samba que le funk et la pop. J’ai regardé beaucoup de vidéos de l’époque et, sincèrement, ce sont des musiciens incroyables, très inspirants. Ça m’a donné envie de faire un best of des styles qui nous influencent : La Musica Popular de Verdun », explique l’artiste de 26 ans.
Enregistré dans le tout nouveau studio verdunois d’Adel Kazi, beatboxer de la formation, ce deuxième EP officiel (le groupe considère ses parutions de 2013 et 2014 comme des démos) a été conçu en réaction à son prédécesseur Conformopolis, paru il y a deux ans sous Ste-4 musique. Avec le recul, la formation dorénavant indépendante a constaté que ce projet initial était « un entre-deux entre [sa] vision artistique et celle de l’étiquette ».
« En toute transparence, poursuit Mike Clay, on voulait regagner la confiance des gens qui nous écoutent et qui, tout comme nous, ne voyaient pas de corrélation entre le Clay and Friends qu’ils voient en show et celui qu’ils entendaient sur le premier album. On voulait être à la hauteur de nos chansons. »
Pour ce faire, l’auteur-compositeur-interprète a profité de ses séjours de création à l’étranger pour écrire la base des nouvelles chansons de Clay and Friends. Celui qui gagne notamment sa vie à titre de ghostwriter pour plusieurs interprètes canadiens et américains (qu’il ne peut évidemment pas nommer) a ensuite fait appel à ses fidèles amis : le guitariste Clément Langlois-Légaré, le bassiste Pascal Boisseau, le claviériste Émile Désilets et, évidemment, son complice des premiers jours, Adel Kazi.
Après cinq ans de raffinement, la recette du quintette est efficace. « J’amène mes tounes à Clément, qui est capable d’imaginer des arrangements de fou sur mes compositions très simples à trois accords. Ensuite, Adel, c’est le chimiste, celui qui peaufine, transforme les sons. Et, enfin, Émile et Pascal amènent la touche organique, le côté plus live. Ils ont pris une plus grande place sur cet EP. »
Les fans de la formation agissent ici comme sixième membre du groupe. Grâce aux enregistrements audio de certains de leurs spectacles, les musiciens savent avec précision ce qui a le pouvoir de galvaniser leur auditoire. En témoigne OMG, qui a pris naissance après qu’un fan particulièrement intoxiqué ait crié « OH MY GOD » durant une prestation du groupe à Trois-Rivières, ainsi que Going Up The Coast, durant laquelle on entend la foule chanter à l’unisson aux côtés de Mike Clay.
Sympathique journal de bord d’une longue tournée de près de 300 spectacles en deux ans, cette dernière chanson a une portée particulièrement significative pour son auteur. « C’est un récit de tournée, une compilation des moments qui nous sont arrivés, autant les nuits passées dans des voitures louées que les relations qui ont terminé en raison de nos longues absences. C’est un rythme qui est très épuisant, mais peu à peu, je sais où tracer mes limites. En 2016, j’étais le tour manager de notre première tournée en Europe. C’était un truc complètement absurde, genre 35 shows en 40 jours. Je me rappelle d’être en train de jouer devant 100 personnes sur une plage en Italie et de ne pas du tout apprécier le moment…
Là, je suis alerte aux signes qui se présentent à moi lorsqu’on part longtemps. Je m’entraîne, je mange bien, je bois pas tous les soirs et, surtout, je dors. Il y a certains gars dans le groupe qui peuvent s’en sortir avec deux heures de sommeil, mais pas moi. Je dois rompre avec l’image que j’avais de l’artiste invincible. Le dernier documentaire sur Avicii m’a ouvert les yeux à ce sujet. Vraiment, son équipe l’a tué à force de le surmener. »
Bref, après le lancement du 30 janvier au Ministère (qui affichait d’ailleurs complet), le groupe prendra le temps de respirer. Une tournée d’écoles secondaires est prévue pour le printemps, à l’instar d’une autre virée en Europe cet été. Pour le reste, Mike Clay et ses amis attendent de voir l’engouement du public avant de remplir leur agenda. « Avant, j’étais vraiment un joueur compulsif. J’avais la mentalité old school : si on n’a pas d’offres de shows pour jouer dans une salle, on va aller jouer dans la rue ou dans un party, peu importe. Maintenant, on a une agence de booking (Rubis Varia), qui nous aide à recadrer tout ça. Au lieu de baisser notre valeur à force de jouer 15 fois par mois, on va attendre la bonne opportunité. »