Centre Bell, le 9 mai 2003. Au deux tiers du spectacle de Ginette Reno, Jean-Pierre Ferland s’amène sur scène pour chanter en duo Un peu plus haut, un peu plus loin. Dans le contexte de cette série de prestations visant à célébrer trois décennies (1960, 1970, 1980) de succès de l’interprète féminine, l’interprétation commune prend des allures d’événement.

Assis au siège 5 de la rangée M de la section 123, je me dis que l’invité surprise aurait pu venir faire un tour lors du spectacle du lendemain, celui comprenant les tubes des années 1970 de Ginette Reno. Après tout, c’est durant cette décennie que la chanteuse a fait sienne le classique de Ferland. Mais il n’y avait pas maldonne historique, puisque la chanson est bel et bien née durant les années soixante.

Destin peu ordinaire, en vérité, que ce titre de Ferland, désormais monument de la chanson québécoise. Une chanson qui aura connu plus d’une vie, deux appellations officielles, plusieurs interprètes et dont la signification aura évolué au fil des ans. Retour en arrière.

Comment nait une chanson à succès bien de chez nous? Parfois, en voyant le jour à l’étranger.

« Je voulais que ce soit un hymne à l’espoir. Une chanson, c’est l’état d’âme de son auteur.»

« Elle a été composée et écrite dans une petite chambre d’hôtel modeste du 8e arrondissement, à Paris », se souvient Ferland.

Jean-Pierre FerlandEn 1969, l’auteur-compositeur et interprète est sous contrat chez Barclay. À l’origine, la chanson se nomme Un peu plus loin. Elle sera le titre du 33 tours du même nom (Barclay 80050, Paris, 1969), qui comprend Les femmes de 30 ans et Qu’êtes-vous devenues?

La chanson se retrouve sur la compilation Les grands succès Barclay de Jean-Pierre Ferland (Barclay 75005) trois ans plus tard, mais elle n’a pas droit à une diffusion 45 tours et sera éclipsée par d’autres succès de Ferland de l’époque. Je reviens chez nous, 45 tours de juin 1968, s’avère être un succès bœuf et deviendra une chanson phare. Et l’album Jaune, qui voit le jour l’année suivante (décembre 1970), lance Ferland de plain-pied dans les années 1970.

L’artiste a toutefois une autre explication à fournir pour justifier l’absence de succès d’Un peu plus loin à sa naissance.

« La chanson n’a pas eu une grande carrière solo. À l’origine, j’avais enregistré ça avec un gros orchestre. Ça ne marchait pas. Quand on a commencé à la chanter de façon plus pop (après une nouvelle version studio en 1972) et même avec un penchant pour le rock, les gens l’on redécouverte. »

La chanson avait pourtant trouvé son chemin sur les planches. Renée Claude, qui interprétait des titres de Ferland depuis qu’elle avait repris Feuille de gui en 1962, chantait régulièrement Un peu plus loin. C’est toutefois lors des festivités de la Fête nationale de 1975 que la chanson allait renaître.

Le 24 juin (anniversaire de Ferland), le principal intéressé est au centre d’un spectacle sur le Mont Royal qui comprend Ginette Reno, Renée Claude, Emmanuelle, etc.

« Ginette revenait de son périple aux États-Unis, se souvient Ferland, qui avait enregistré T’es mon amour, t’es ma maîtresse avec elle l’année précédente. Elle avait un peu l’impression d’avoir raté son coup. C’est elle qui a demandé à chanter Un peu plus loin. Elle trouvait que c’était une « bonne chanson pour sa rentrée ». Moi, j’ai demandé à Renée Claude de lui céder sa place. Renée a été extrêmement généreuse de le faire et on connaît la suite. »

La suite, c’est cette interprétation désormais mythique de Un peu plus loin de Ginette Reno devant des centaines de milliers de personnes. Interprétation qui a fait époque et qui subjugue encore quand on la revoit sur film ou sur YouTube.

C’est aussi l’instant où la chanson de Ferland a pris un tout autre sens, où elle est devenue autre chose pour le public. Ce qui était une chanson d’amour blessé est devenu un hymne à l’espoir et à l’émancipation d’un peuple dans un contexte politique explosif.

« Contrairement à ce que tout le monde pense, c’est une chanson de séparation, assure Ferland. Je venais de vivre une rupture douloureuse et c’était la manière de me consoler personnellement. Mais je ne voulais pas que ce soit une chanson triste et je ne voulais surtout pas être trop braillard. Je voulais que ce soit un hymne à l’espoir. Une histoire est finie et tu vas vers autre chose. Une chanson, c’est l’état d’âme de son auteur. Mais une chanson peut avoir plusieurs niveaux de lecture : chanson révolutionnaire, chanson d’amour, chanson de rêve… »

Ironiquement, Ferland n’a jamais cru qu’Un peu plus loin allait être un succès, lui qui l’a interprétée avec Mireille Mathieu, Ginette Reno et Céline Dion.

« Je n’ai jamais pensé que ça pouvait être un succès. Le petit roi non plus, d’ailleurs. Alors que Je reviens chez nous, je savais que ça allait être un hit dès le départ. »

Aujourd’hui, on parle d’Un peu plus haut, un peu plus loin quand on évoque la chanson. Elle a d’ailleurs été immortalisée ainsi au panthéon des auteurs-compositeurs canadiens. Comme quoi, un titre d’auteur peut devenir avec le temps une grande chanson pop et voir son appellation modifiée en raison de sa reconnaissance populaire.



Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de SayWeCanFly, le nom de scène du jeune Braden Barrie, mais beaucoup de gens en ont entendu parler, croyez-nous.

Fervent adhérent à la mentalité « faites-le vous-mêmes », l’auteur-compositeur-interprète de 20 ans a commencé à autoproduire ses chansons de style Emo et les vidéoclips qui les accompagnent à son domicile de Lindsey, en Ontario, et il n’aura pas fallu bien longtemps avant qu’il rejoigne un auditoire de fans de plus en plus nombreux.

Il a désormais plus d’impact sur les réseaux sociaux que de nombreux artistes établis : plusieurs centaines de milliers d’abonnés sur Twitter et autant de visionnement sur YouTube, sans parler de ses plus d’un demi-million de « J’aime » sur Facebook.

« Entrer en contact avec tous ces gens partout dans le monde depuis toutes ces années grâce aux réseaux sociaux a été vraiment génial », raconte Barrie. « Mais voilà le temps venu de me faire connaître d’une plus grand public et de me présenter à eux en personne. »

Au cours des deux dernières années, il a constamment été en tournée au Canada et aux États-Unis, notamment en se joignant au Vans Warped Tour en 2015. Son premier album, intitulé Between the Roses, paraîtra cet hiver.



En 2014, le magazine spécialisé Playback a classé Todor Kobakov dans son Top 5 des nouveaux noms de l’industrie canadienne du film. Depuis, le populaire compositeur, claviériste, arrangeur et réalisateur a confirmé le choix du magazine grâce à son travail tout aussi prolifique que magnifique. À preuve, l’édition 2015 du Festival international du film de Toronto mettait en vedette pas moins de 4 films dont la musique était l’œuvre de Tobakov : Hellions de Bruce McDonald (en collaboration avec Ian LeFeuvre); Closet Monster de Stephen Dunn (en collaboration avec Maya Postepski); Born To Be Blue de Robert Budreau (en collaboration avec David Braid et Steve London) ; et The Steps d’Andrew Currie (également en collaboration avec Ian LeFeuvre).

Parmi les films précédents auxquels il a contribué sa musique, ont retrouve notamment Young People Fucking ainsi que The Husband, de Bruce McDonald. Il a également le seul compositeur à qui l’on a fait appel pour les deux saisons de la populaire série Bitten, diffusée sur Space TV.

Comme l’explique l’artiste d’origine bulgare qui a étudié à l’Université de Toronto, il a eu la piqûre du cinéma très tôt : « Ma mère a travaillé dans le monde de la télévision toute sa vie [en tant que directrice musicale], et j’ai grandi à ses côtés sur les plateaux, entre les caméras et d’une salle de montage à l’autre. J’ai toujours voulu travailler dans le monde du cinéma, mais il faut un certain temps avant de pouvoir bénéficier de telles opportunités. Il faut un peu plus de maturité pour travailler dans ce domaine, et de plus, j’ai choisi des avenues musicales différentes. »

« Chaque projet est différent. Ça met du piquant dans ma vie. »

Kobakov a longtemps œuvré comme claviériste, arrangeur et producteur pour d’importants groupes et artistes canadiens tels que Metric, Stars, Dan Mangan, Emily Haines, k-os et Luke Doucet. « Cette expérience a été des plus utiles », confie-t-il. « Par exemple, dans la seconde saison de Bitten, j’ai utilisé un vrai quatuor à cordes pour chacun des épisodes. Après avoir réalisé des arrangements à cordes pour de nombreux artistes pop, la transition était facile. Dans le monde de la pop, on travaille pour des projets qui ne sont pas nécessairement les nôtres, mais on essaie quand même d’être le plus complémentaire possible. Être un producteur ou un arrangeur est très près du travail d’un compositeur, car un film est un immense travail d’équipe. »

De plus, le cinéma lui permet de satisfaire ses goûts très éclectiques : « Chaque projet est différent. Ça met du piquant dans ma vie, et j’essaie toujours d’ajouter ma touche personnelle à tout ce que j’entreprends. » Un de ses conseils professionnels préférés lui a été prodigué par Robert Messinger, l’impresario de Mychael Danna, le mentor de Kobakov au Canadian Film Centre. « Il m’a dit “Assure-toi qu’on te reconnaisse pour ton travail et travaille sur des films qui sont le reflet de ta voix musicale plutôt que de te faire une réputation du gars qui travaille sur tout. Autrement dit, assure-toi de faire partie de la distribution du film, pas juste d’être engagé pour le film”. »

 

FAITS SAILLANTS

  • En 2006, Kobakov et la réputée auteure-compositrice Lindy Vopnfjörd ont formé le groupe indie rock Major Maker et se sont inscrits sur le Top 40 l’année suivante avec leur pièce « Rollercoaster», qui sera par la suite utilisée dans une campagne de pub à la télé. D’ailleurs, Kobakov produit actuellement le prochain album de Lindy.
  • Puis, en 2013, Kobakov a fait partie de la toute première résidence en composition de musique de film du Canadian Film Centre Slaight Family Music Lab, une expérience qui a « changé sa vie ». C’est là qu’il a fait la connaissance de Bruce McDonald et, neuf mois plus tard, il co-composait la musique pour le film The Husband.
  • En 2009, Kobakov a lancé un album au piano intitulé Pop Music qui a très bien été reçu. Le magazine torontois NOW l’a déjà nommé Meilleur claviériste de Toronto.

PVI
Éditeur : N/A
Discographie choisie : Young People Fucking (2007), The Husband (2013), Bitten (série télé, 2014-2015), Hellions (2015), Born To Be Blue (2015)
Membre de la SOCAN depuis 1999
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