Synonyme de musique folk canadienne, Ron Hynes, originaire de Terre-Neuve, est bien connu pour « Sonny’s Dream », une chanson devenue un classique qui raconte l’histoire d’un jeune homme qui prend soin de sa mère âgée, dont le mari marin n’est jamais rentré à la maison. Cette chanson est devenue un incontournable du répertoire folk depuis qu’elle a été lancée en 1981 sur l’album Living in a Fog par le groupe Wonderful Grand Band, fondé par Ron Hynes. Ron Hynes, qui a récemment fait un retour à la scène après s’être remis d’un cancer de la gorge, nous explique comment cette œuvre maîtresse de la Côte Est a en fait été écrite sur la Côte Ouest  – et pourquoi les Irlandais pensent qu’elle leur appartient.

Qui est le personnage de Sonny dans la chanson « Sonny’s Dream »?
C’est le plus jeune frère de ma mère, Thomas O’Neil. À la façon typiquement irlandaise, au lieu de dire « buddy » ou « junior », nous disons « sonny ». C’est pourquoi nous l’avons appelé ainsi. Il vivait à l’extérieur, à Long Beach au Cap Breton, à environ 300 miles au large du cimetière Atlantic, là où le Titanic a coulé. Il a eu beaucoup d’influence sur moi lorsque j’avais environ huit ans. C’était un immense admirateur de Merle Haggard, Johnny Cash, Ray Price et des musiciens de ce genre-là. Il m’a réellement insufflé l’amour de la chanson et m’a enseigné la guitare. J’ai encore cette première guitare qu’il m’a achetée en 1952 dans le magasin de musique O’Brien, à St-Jean de Terre-Neuve.

Est-ce vrai que vous avez écrit cette chanson en dix minutes?
Oui. Je ne savais pas à quel point j’avais été profondément marqué par lui et ce, de nombreuses façons. La chanson a tout simplement trouvé son chemin sur un morceau de papier Scribner alors que je traversais l’Ouest du Canada en autobus en 1976. Je l’ai écrite vraiment très rapidement, puis je l’ai mise de côté et pour une raison ou une autre je ne l’ai jamais présentée à un auditoire pendant toute une année. Je l’ai juste ressortie du chapeau lors d’une soirée de spectacle et elle a été très bien accueillie. Et le lendemain soir, lorsque nous sommes revenus, tout le monde était en train de la fredonner. Alors bien sûr elle a pris son envol et elle joue depuis ce temps-là.

« Je l’ai juste ressortie du chapeau lors d’une soirée de spectacle et elle a été très bien accueillie. Elle a pris son envol et elle joue depuis ce temps-là. »

Comment la chanson est-elle devenue un classique même sur la scène internationale?
C’est arrivé quand Hamish Imlach l’a entendue à Terre-Neuve et l’a ramenée en Allemagne, puis en Irlande. Christy Moore l’a produite pour lui, mais il a composé un autre couplet. Il a écrit que la mère mourait mais qu’elle revenait hanter Sonny, et c’est pourquoi il ne quitta jamais la maison. Ils avaient fait mourir la mère! Quand j’ai appris cette histoire, j’ai appelé le directeur musical pour lui dire que la vieille dame dans la chanson – en réalité la mère de Sonny – était encore bien vivante! Le gars de la maison de disques m’a répondu : « Nous avons seulement vendu 400 000 copies. Où voulez-vous aller, en cour ou à la banque? » J’ai réfléchi pendant un moment, puis j’ai choisi d’aller à la banque.

Y a-t-il une reprise de cette chanson que vous préférez?
Ma version préférée est celle d’Emmylou Harris, qui a fait démarrer cette chanson à Nashville. Il existe aussi une version en portugais qui fait une traduction littérale de « Sonny » en « soleil », mais ça correspond tout à fait au processus de création de la musique folk. Vous pouvez traduire une chanson dans une autre langue sans en perdre l’intention. Il y a eu d’innombrables versions. Je crois qu’en Irlande elle est au sommet des cinq chansons les plus populaires du répertoire irlandais, aux côtés de « Danny Boy » et de l’hymne national. Ce n’est peut-être qu’une légende. Mais je suis presque sûr que la plupart des Irlandais pensent que cette chanson a été écrite en Irlande.

Quelle leçon tirez-vous de « Sonny’s Dream », que vous aimeriez partager avec les autres auteurs-compositeurs?
Apprenez à regarder le monde qui vous entoure. Lorsqu’on est jeune, on intériorise tout ce qui nous arrive. C’est toujours « moi et moi », comment on se sent et comment le monde nous affecte. Il faut être capable de regarder autour de nous et d’écrire à propos des autres. C’est ça le secret : écrire sur autre chose que nous.



Vous reconnaîtrez peut-être Mike Campbell du temps où, à MuchMusic, il organisait des spectacles mémorables comme MuchEast et Going Coastal. Aujourd’hui propriétaire d’un établissement historique, le Carleton Music Bar & Grill, à Halifax, M. Campbell se fait le défenseur de la scène musicale de la Côte Est en soutenant les talents locaux et en les invitant à jouer dans son bar.

« Comme son nom l’indique, lorsque nous avons mis sur pied le Carleton Music Bar & Grill, nous savions qu’il allait se consacrer à la musique, » dit M. Campbell. « Nous nous sommes forgé une solide réputation, dans une ville synonyme de musique et de musiciens, comme le meilleur endroit en ville offrant de la musique sur scène, et nous en sommes très fiers. »

L’établissement est aussi fier de montrer son appréciation pour les créateurs de musique du Canada. Le Carleton n’est que l’un des 30 000 bars et restaurants licenciés par la SOCAN à travers le Canada à recevoir un autocollant pour sa vitrine dans le cadre de la campagne Autorisé à vous divertir (AAVD) de la SOCAN.

« En affichant fièrement l’autocollant Autorisé à vous divertir, cette entreprise affirme qu’elle utilise la musique de manière parfaitement éthique et légale, » dit Jennifer Brown, vice-présidente du Service des licences de la SOCAN. « Elle reconnaît que la musique représente une valeur ajoutée pour ses affaires et l’expérience de sa clientèle, et l’autocollant démontre son appui envers ceux qui ont créé la musique qu’elle et ses clients aiment. »

« Sans musique, nous ne serions qu’un bistro comme un autre sur la rue. »

À l’avant-garde de la scène musicale d’Halifax, le Carleton comprend parfaitement l’importance du rôle que la musique joue dans sa réussite. « Nous offrons de la musique sur scène en moyenne cinq à six soirs par semaine, et c’est ce qui explique en grande partie notre succès, » dit M. Campbell. « Pour notre personnel, nous embauchons des musiciens et de grands amateurs de musique qui passent le mot avec enthousiasme à notre sujet. La base de notre clientèle en est une qui soutient de tout cœur notre cause et qui comprend l’importance de la musique dans la vie. »

Le Carleton a démontré son engagement envers la communauté musicale en accueillant notamment plusieurs événements (licenciés par la SOCAN), dont des cercles d’auteurs-compositeurs pour le Festival du film de l’Atlantique, le festival Halifax Pop Explosion et le très populaire Festival folk urbain d’Halifax (HUFF).

« Sans musique, nous ne serions qu’un bistro comme un autre sur la rue – et ce n’est vraiment pas ce que nous sommes! » dit M. Campbell.

Pour en savoir plus sur Autorisé à vous divertir, cliquez ici.



« Elle est partie en Leucémie
Elle m’a laissé tous ses livres, elle est partie vivre
À Chimiothérapie, à Chimiothérapie
C’est un nouveau pays »

On est soufflé dès la première écoute. Les images de la chanson « La fièvre des fleurs » sont extrêmement frappantes, presque violentes. Le ton est donné. Elle est comme ça, Klô Pelgag : elle raconte sans faire aucun compromis. Elle noircit le papier en utilisant des associations saugrenues. Son écriture automatique réussit à faire rire, à déstabiliser et même à émouvoir.

Klô Pelgag – Chloé Pelletier-Gagnon pour l’état civil – a 23 ans et possède déjà une personnalité forte, une signature. Elle appartient à une classe à part, elle capte l’oreille avec sa voix éthérée et ses textes déboussolants.

Son premier album L’Alchimie des monstres, sorti en septembre, est unique, difficile à comparer à autre chose. On pense tout de même à Pierre Lapointe qui, dès le départ, s’est imposé avec son style personnel. Mais le parallèle s’arrête ici. Comment pourrait-elle se décrire? Klô Pelgag semble déstabilisée par la question, mais se prête au jeu : « Je suis quelqu’un qui essaie d’être libre, qui fait de la chanson poético-éclatée, “avec pas d’casque”. Je suis quelqu’un qui aime prendre des risques. »

Fille de deux travailleurs sociaux installés à Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie, Klô Pelgag retournera plus tard avec toute sa famille à Rivière-Ouelle, près de La Pocatière. « Quand je vais en campagne, je ne sais pas pourquoi, tout à coup, je respire mieux, et j’écris plus facilement, » affirme-t-elle. Et on sent le Bas-Saint-Laurent partout sur son disque. Les références à la mer et à la nature sont omniprésentes sur L’Alchimie des monstres. En plus, la jeune femme a enregistré l’album dans son coin de pays, dans la chapelle du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.

« Je suis quelqu’un qui essaie d’être libre, qui fait de la chanson automatique avec pas d’casque. »

Klô Pelgag aurait voulu être brigadière, mais la lecture de L’Écume des jours de Boris Vian changera à tout jamais son existence. Enfin, la littérature pouvait être « amusante », elle se plonge alors avec délectation dans l’absurde. Elle succombe à Eugène Ionesco et aux textes de Claude Gauvreau pendant ses études en théâtre. Elle adore la peinture de Salvador Dali, de Fernando Botero, de René Magritte. Elle écoute Gentle Giant, L’Infonie et Raôul Duguay, Aut’ Chose… Même adolescente, Klô Pelgag avait des goûts qui détonnaient.

Toute menue, timide au premier abord, Klô ne manque cependant pas de bagout. Elle s’emporte même lorsqu’on lui demande d’expliquer la signification de ses textes. « Ce n’est pas réfléchi, je n’aime pas m’analyser. Et là, je fais des entrevues et je dois analyser mes trucs. Normalement, je ne le ferais pas. Ça reste des chansons de “moments”. J’écris différemment tout dépendant de l’état dans lequel je suis. »

Klô Pelgag est fascinée par le corps, ce thème est récurrent sur le disque. Il est démembré, malade… Elle parle de taxidermie, et pour elle, le « soleil est incontinent » et le « silence est épouvantail ». « Comme des rames » est une jolie chanson d’amour, mais où elle casse un aviron sur la tête de son amoureux. Klô Pelgag est particulièrement fière d’avoir fait chanter à un chœur de personnes âgées, sur « Rayon X » : « tu vas trouver Dieu dans ton diagnostic, c’est lui qui te fait mal quand il te crache son eau bénite ». « Les mots prennent un autre sens lorsqu’ils chantent, » souligne-t-elle, visiblement contente de son idée.

L’Alchimie des monstres est un album aux arrangements soignés. Klô Pelgag a travaillé d’arrache-pied pendant deux ans avec son frère Mathieu Pelletier-Gagnon pour peaufiner ses compositions. Chacune des 13 pièces est un univers en soi. Klô Pelgag doit une fière chandelle à son frère pour ce résultat. « Je collabore avec Mathieu depuis l’âge de 17 ans. Je n’avais pas de notion de musique, d’arrangements. Je ne pouvais pas écrire des arrangements. J’ai l’oreille, j’ai un sens mélodique…. mais je n’avais pas les moyens pour les réaliser. Mon frère, lui, pouvait faire ça. »

L’Alchimie des monstres n’est qu’une première étape pour elle. Bien sûr, elle promènera ses chansons au Québec et aussi en France dans un spectacle mis en scène par le danseur Dave St-Pierre. La jeune femme promet plusieurs surprises, parce qu’elle aime s’amuser. Elle n’hésite pas à faire de la magie sur scène, à préparer un gâteau ou à faire voler un avion téléguidé… Son public doit vraiment se préparer à tout.

Alors qu’elle vient de lancer son premier disque, elle pense déjà au deuxième. Elle entend poursuivre son chemin, sans trop se préoccuper de la célébrité et de l’industrie : « Je fais de la musique parce que c’est naturel pour moi. Ça me rend heureuse. Je ne fais pas ça pour être la fille la plus connue au monde, pour que les gens s’évanouissent en me voyant. » Et si elle continue à faire à sa tête, nous serons de plus en plus nombreux à embarquer dans son univers déjanté. On gage?