« Lorsque Blou est né au milieu des années 90, les gens n’arrivaient pas définir notre genre musical. Ils reconnaissaient bien des pointes de bluegrass, de musique traditionnelle, de rock ou de folk, mais personne n’arrivait à mettre le doigt dessus. On a donc inventé un mot qui définissait nos racines acadiennes, cajun et zydeco. Ça donné le terme « acadico », qui est resté depuis. »

C’était il y a 20 ans. L’auteur-compositeur-interprète Patrice Boulianne s’en souvient comme si c’était hier. Les autres membres de Blou et lui allaient même intituler leur premier disque Acadico (1998), un titre aussi donné à la pièce d’ouverture de 20 Temps, le tout nouvel album de Blou commémorant deux décennies de carrière. C’est dire toute l’importance du style qui a permis à la formation de se produire à travers une trentaine de pays et de recevoir moult récompenses, notamment lors du Gala de la chanson de la Nouvelle-Écosse et de celui de l’Association de la musique de la Côte Est.

« Être capable de voyager dans 36 pays pour chanter tes chansons en français, ça t’amène à chérir ta langue énormément. »

Blou est devenu aujourd’hui le projet personnel de Boulianne, un résident de la baie Sainte-Marie et réel ambassadeur de la culture acadienne. « Être capable de voyager dans 36 pays pour chanter tes chansons en français, ça t’amène à chérir ta langue énormément. À l’avoir proche du cÅ“ur. Parce que partager sa langue maternelle avec des gens qui ne la connaissent pas du tout, ça te donne une flamme. Et à voir les Radio Radio et Lisa LeBlanc aller, je me dis qu’il y a maintenant une relève prête à reprendre le flambeau, » explique celui qui a toujours refusé de déménager au Québec.

« J’ai décidé de rester en Acadie parce que ce sont ses paysages et ses gens qui m’inspirent. Mais c’est parfois difficile, surtout avec les coupures du gouvernement Harper dans les programmes d’aide au déplacement des artistes. J’ai l’impression que les Conservateurs ne comprennent pas l’importance de ces bourses pour les artistes francophones hors-Québec. C’est un peu comme si on nous poussait à chanter en anglais, une langue qui facilite l’exportation et la diffusion. Et c’est pas juste en musique. Le théâtre, la littérature et les arts visuels sont aussi touchés. Nous sommes en train d’appauvrir notre héritage culturel. »

Ainsi, Patrice Boulianne souhaitait rendre hommage à ses racines sur 20 Temps en enregistrant des duos avec Daniel Lavoie, Lina Boudreau et Mary Jane Lamond. « Daniel Lavoie, c’est pour mes origines manitobaines. Avant de déménager dans les Maritimes, j’ai passé mon enfance dans les grandes plaines, à Saint-Claude, où mon père faisait son possible pour acheter des disques francophones : Beau Dommage, Paul Piché, Francis Cabrel. Puis j’ai invité Lina Boudreau parce qu’elle représente l’Acadie. C’est certainement l’une des voix les plus belles et chaleureuses de la région. Et Mary Jane Lamond incarne les références celtiques présentes en Nouvelle-Écosse. »

Véritables mélanges d’influences, les compositions de 20 Temps se divisent en deux ambiances distinctes. D’abord, l’esprit festif acadico est toujours présent sur des titres comme « Sors tes souliers de danse », « Oh! Madeleine » ou « Anna et Louise », un hommage à la Louisiane. Mais ce sixième album de Blou revêt aussi une teinte folk plus intime sur « Là où on s’aime », dédiée à la mère de Patrice Boulianne atteinte d’Alzheimer ou sur « Lettre pour Annette », écrite à la mémoire d’une amie décédée subitement au début de la quarantaine.

« Ça m’a pris du temps avant d’avoir le courage d’intégrer au répertoire de Blou ces chansons plus personnelles qui cadrent parfois moins bien avec les compositions plus énergiques. Il fallait trouver un équilibre, mais aussi les mots justes et le bon phrasé pour bien rendre l’émotion. J’ai mis trois ou quatre ans avant de terminer la chanson pour ma mère et d’être enfin capable de l’interpréter sans me laisser envahir par l’émotion. Parce que je l’ai composée pour extérioriser ma peine et mon anxiété, comme une sorte de thérapie, » confie le musicien à propos de « Là où on s’aime », devenue la pièce thème de La Société de la maladie d’Alzheimer de la Nouvelle-Écosse.

Lancé il y a quelques mois à peine, 20 Temps lève ainsi le voile sur une autre facette de Patrice Boulianne que les fans de Blou à l’étranger découvriront bientôt, puisque le musicien entend bien présenter ses nouvelles compositions hors de nos frontières. « Grâce aux activités de réseautage organisées par RIDEAU, le gala de l’Association de la musique de la Côte Est ou la Francofête en Acadie, mon agence de booking (À l’infini) a développé un réseau de contacts imposant qui me permet toujours d’avoir l’Europe dans la mire. Je compte bien y retourner bientôt, » espère le chanteur qui entend bien jouer son rôle d’ambassadeur de la culture acadienne encore longtemps.



« Duran Duran du Canada. » C’est ainsi qu’ont été nommés les Glass Tiger, de jeunes auteurs-compositeurs de Newmarket, Ontario, après être devenus des sensations à la radio et sur vidéo avec « Don’t Forget Me (When I’m Gone), » la première chanson de leur premier album The Thin Red Line. Co-écrite par l’un des anciens membres du conseil de la SOCAN, Jim Vallance, et accompagnée de la voix de Bryan Adams – dont Vallance a été le mentor et avec qui il a souvent écrit –  cette chanson a été le premier d’une longue série de succès. Le chanteur de Glass Tiger, Alan Frew, a accepté de parler à la SOCAN de son premier Prix classique canadien.

Est-ce vrai que vous avez écrit « Don’t Forget Me » lors de votre première journée en studio avec Jim?
Nous avons écrit « Don’t Forget Me » et « Someday » dès le premier jour!

Qu’y avait-il dans l’air?
Jim nous a ramassés à l’aéroport et nous a demandé ce que nous écoutions dans ce temps-là. Puis nous nous sommes arrêtés chez un disquaire pour y acheter ces albums. Il a fait du thé. Puis il a fait jouer ces CD. Et quand la chanson « Everybody Wants to Rule the World » de Tears for Fears s’est mise à jouer, Jim s’est exclamé, « Aha! Ce rythme là c’est un shuffle! » Et nous avons commencé à battre le rythme. Et j’ai commencé à chanter quelques paroles comme un refrain : « don’t forget me when I’m gone ». Jim a dit, « C’est une bonne petite phrase. Rappelons-nous-la quand on aura trouvé des accords. »

Comment Bryan Adams en est-il venu à vous accompagner?
Nous nous étions parlé au téléphone. Bryan appelait de temps en temps au studio, juste pour savoir comment Jim allait. Bryan était à Toronto pour le gala des prix JUNO et est passé au studio pour nous voir. On s’est mis alors à parler de musique tout en buvant quelques bières. Mais le cerveau de Jim roulait à bloc. Après un temps il nous a demandé, « Pourquoi vous n’iriez-vous pas chanter quelque chose, vous deux? » Alors Bryan et moi, après avoir calé trois ou quatre Heineken, nous avons répondu « Bien sûr! » Ce ne fut pas plus compliqué.

Avez-vous senti que cette chanson était en or?
Je peux vous dire exactement ce qui a cliqué pour moi : c’est quand j’ai eu l’idée d’ajouter ma voix en harmonie. Je ne l’oublierai jamais, ça sonnait comme les Everly Brothers. Je me souviens qu’en revenant vers Toronto à bord de l’avion, alors que j’avais Thin Red Line dans ma poche sur une cassette, je me suis dit « Ne laissez pas s’écraser cet avion tant que les gens n’auront pas eu l’occasion d’entendre cette chanson! »

Qu’est-ce qui a été le plus important pour vous : être n°  1 au Canada, ou n°  2 aux États-Unis?
Il n’y a absolument aucun doute que « Don’t Forget Me » aurait été un succès n°  1 aux États-Unis si la chanson avait été lancée simultanément des deux côtés de la frontière. Mais quelqu’un a eu cette drôle d’idée de faire connaître « Thin Red Line » d’abord au Canada. On a eu une campagne décousue.

Vous avez été en nomination à un prix Grammy pour le meilleur groupe en 1987. Y êtes-vous allés?
Oui. C’était incroyable. Être assis à côté de Paul Simon et de Peter Gabriel. On va faire pipi et on partage l’espace avec Roger Daltrey. Whitney Houston est venue et nous a dit « salut. » Ce qui est triste, c’est que les Américains nous avaient déjà avertis : «  Non, vous ne le remportez pas. » Ils nous ont dit qu’ils ne le donneraient pas à des Canadiens. D’accord. Le lendemain matin, nous avons sauté dans le prochain avion pour l’Allemagne pour commencer à jouer avec Tina Turner. Et personne ne se rappelle qui a remporté le prix finalement. (Note de la rédaction : Ce fut Bruce Hornsby et le groupe The Range.)

Quand vous réécoutez l’enregistrement original, à quoi pensez-vous?
J’entends un jeune gars. Je pense à une époque où nous étions jeunes et naïfs : le monde nous appatenait. Imaginez. Vous atterrissez en Allemagne et une foule de filles en délire vous accueille en hurlant, et vous vous dites, « mais comment ces gens-là ont-ils entendu parler de nous? » Mais bien sûr ils vous connaissent car votre chanson est en train d’escalader leur palmarès.  J’essaie d’encourager les jeunes artistes à bien en profiter. Parce que si j’ai fait une erreur, c’est de ne pas avoir pris le temps de m’arrêter et de savourer pleinement ces moments heureux.



Jamais le compositeur torontois Jordan Pal n’oubliera le jour où il a appris qu’il allait être le nouveau compositeur en résidence 2014 de l’Orchestre national des jeunes Canada de la Fondation RBC : la nouvelle de sa nomination est arrivée tout juste au moment où il ramenait à la maison son enfant qui venait de naître. Quelques semaines après, et probablement quelques nuits après sans sommeil, Jordan Pal était profondément plongé dans la commande de l’ONJC dont la première et l’enregistrement auront lieu au cours de la saison estivale 2014 de l’orchestre. Avec une de ses pièces figurant sur le répertoire d’été de l’Orchestre académique national du Canada de Boris Brott – une composition qui a d’abord été interprétée par l’Orchestre symphonique des jeunes de Toronto en 2012 – Jordan Pal est très conscient du rôle extrêmement important que jouent désormais les orchestres jeunesse pour les compositeurs canadiens.

« Notre mandat est d’accueillir de nouvelles idées pour notre organisation de formation professionnelle de la part de jeunes compositeurs. » – Barbara Smith, directrice exécutive de l’ONJC

Et bien que Jordan Pal ait écrit pour des ensembles professionnels prestigieux, la commande de l’ONJC n’est pas sans défis. « C’est un orchestre de 104 personnes, et il est bien difficile pour eux de trouver un répertoire qui utilise chaque musicien – les percussionnistes, deux harpistes, les cordes, quatre groupes de cuivres et ainsi de suite, » dit-il. Bien que l’ONJC puisse continuer à passer des commandes aux compositeurs établis, la directrice exécutive Barbara Smith affirme que le recours au programme de compositeur en résidence « s’insère parfaitement dans notre mandat, qui est d’accueillir de nouvelles idées de la part de jeunes compositeurs pour notre organisme de formation professionnelle. »

Le directeur artistique de l’Orchestre des jeunes de la Nouvelle-Écosse, Dinuk Wijeratne, également compositeur et interprète actif, considère que l’ONJC s’est depuis longtemps engagé à commander des œuvres auprès des compositeurs des provinces atlantiques, le Concerto Grosso, de Derek Charke, par exemple, « est une œuvre extraordinaire, écrite avec beaucoup de jugement pour un orchestre de jeunes », dit M. Wijeratne.

« Lorsque l’on regarde les œuvres antérieures, la majorité sont composées pour des orchestres professionnels, ajoute-t-il. J’ai une liste de personnes dont j’aimerais jouer la musique mais je dois choisir des pièces qui conviennent. » L’an dernier, l’ONJC a interprété Natal Landscapes de Malcolm Forsyth et le répertoire de la prochaine saison comprend Voyageur d’Andrew Staniland. Wijeratne est également enthousiasmé par le concours de compositeurs émergents de l’ONJC, ouvert aux étudiants canadiens du premier cycle : « Nous avons vraiment démarré sur les chapeaux de roue la saison dernière avec Roydon Tse, qui avait écrit une toute nouvelle pièce pour l’occasion et avec le lauréat de cette année Joseph Glaser, lui aussi de l’Université de la Colombie-Britannique. »

De nombreux chefs d’orchestre de jeunes musiciens composent également. En mai dernier, l’Orchestre symphonique des jeunes de Vancouver de niveau intermédiaire a interprété une œuvre toute neuve de son chef Jin Zhang, qui en a également écrites plusieurs autres lors des saisons précédentes de cette formation. Et l’Orchestre symphonique des jeunes du West Island (à Montréal) a interprété des œuvres semblables de Denis Gougeon et Norman Symonds, ainsi que des compositions de son directeur artistique Stewart Grant.

L’Orchestre des jeunes du Nouveau-Brunswick, qui approche de son 50e anniversaire, non seulement enregistre, mais aussi joue régulièrement sur la scène internationale. En juillet, cette formation interprétera pour la première fois A Dream of Dawn, une œuvre commandée au compositeur torontois Kevin Lau, par ailleurs très occupé, à l’occasion du Concours international de musique jeunesse Summa Cum Laude, à Vienne en Autriche, pour le 100e anniversaire du début de la Première guerre mondiale.

« Notre idée était que l’œuvre devait commémorer l’événement, » dit le président de l’ONJC Ken MacLeod. « Ce morceau deviendra le thème de toute notre saison et nous le jouerons à chaque concert à travers le Nouveau-Brunswick. »