Comme l’indique bien le compte à rebours sur le site Web du festival, il ne reste que quelques jours avant le coup d’envoi de la 27e édition du Beaches International Jazz Festival qui se déroulera cette année du 10 au 26 juillet. Difficile d’imaginer qu’un seul Torontois, à plus forte raison ceux habitant ou travaillant dans l’Est de la ville, qui n’ait jamais entendu parler de ce populaire festival de musique.

Pour son fondateur, Lido Chilelli, et son équipe de trois collaborateurs, la planification et la production de ce festival de renommée internationale n’est pas une mince affaire. Chilelli est toutefois très conscient de l’impact positif que la musique peut avoir sur les citoyens et les entreprises de sa communauté. Entrepreneur depuis le début des années 70, il était propriétaire d’un bar très populaire baptisé Lido’s on the Beach et situé en face de Kew Gardens, désormais la résidence de la scène World Beat Stage de son festival.

« La musique allait de soi avec l’environnement de Queen Street East » – Lido Chilelli, fondateur du Beaches International Jazz Festival

Lido’s présentait fréquemment des concerts de musique pour le plus grand bonheur de ses clients et des amateurs de musique. Parmi les artistes qui sont montés sur la scène du Lido au début de leurs carrières, on retrouve notamment Paul James, Barenaked Ladies, Sam Roberts, et le regretté guitariste et chanteur de jazz et de blues-rock Jeff Healey, pour ne nommer que ceux-là.

Afin de promouvoir ce communautarisme, Lido a fondé le Toronto Beaches International Jazz Festival à la fin des années 80, à un moment où les festivals de musique n’étaient pas légion au Canada. « J’ai discuté avec quelques gens d’affaires au sujet de la création d’un nouveau festival de jazz et tous m’ont offert leur soutien. La musique allait de soi avec l’environnement de Queen Street East », explique Chilelli. « Le Beaches International Jazz Festival a su grandir et devenir un festival d’envergure nationale, mais tout en préservant son côté “communautaire”, et c’est pour ça que les gens apprécient l’événement. »

Depuis sa création, le festival a connu une croissance remarquable et aujourd’hui il unit des millions d’amateurs de musique de partout dans le monde. Et bien que le festival soit gratuit, il génère tout de même des millions de dollars en retombées pour Toronto et la communauté de l’est de la ville, où il se déroule. Michael Prue, le député provincial de la circonscription de Beaches-East York a expliqué, lors d’une entrevue avec CityNews que le festival générait environ 65 millions $ pour l’économie de Toronto, dont plus de 30 millions $ directement pour le quartier Beaches.

En 2014, le Beaches International Jazz Festival a attiré plus de 900 000 amateurs de musique et l’événement compte sur une équipe de bénévoles de plus de 150 personnes afin que tout se déroule sans anicroche tout au long des 14 jours que dure le festival.

De plus, l’événement permet aux talents locaux de se faire connaître d’un vaste auditoire plutôt que de devoir aller jouer à l’étranger. Le festival Beaches a été un tremplin crucial pour bon nombre de musiciens canadiens en plus d’attirer les grands noms de la communauté jazz à Toronto. « Nous cherchons constamment à promouvoir les talents bien de chez nous et à aider les artistes en émergence », explique Chilelli. « Nous avons une longue tradition d’être le festival où les musiciens en émergence ont accès à une grande scène et un vaste auditoire pour la première fois de leur carrière. »

Des artistes tels que le groupe rap-rock Down with Webster, le guitariste nuevo flamenco Jesse Cook et le chanteur jazz Matt Dusk ont tous vu leur succès commercial bondir en flèche après avoir donné une prestation dans le cadre du festival.

Le festival Beaches est particulièrement fier d’être Autorisé à vous divertir par la SOCAN et sait qu’il doit son succès aux innombrables artistes, pour la plupart des membres de la SOCAN, qui montent sur les multiples scènes chaque soir. « Je crois qu’être accrédité Autorisé à vous divertir est un atout pour la communauté musicale. Cela signifie que vous encouragez et consommez des artisans de votre communauté », affirme Chilelli. « C’est vraiment un écosystème musical où chacun y va de sa contribution et cela crée un mouvement d’entraînement qui fait que les choses s’améliorent d’année en année. »

Une des choses qui permettent au festival d’élargir son auditoire tout en mettant de l’avant les talents locaux est son programme Youth Initiatives, qui s’adresse à un public plus jeune. Chilelli explique que ce programme qui dure toute l’année attire de nombreux artistes indépendants et du milieu de la musique électronique vers son festival. « Nous avons mis ce programme sur pied il y a quelques années et nous collaborons avec plusieurs écoles secondaires et collèges de la région de Toronto afin d’en faire la promotion, » raconte-t-il.

Le futur semble très prometteur pour cet événement aussi populaire que florissant. « Je pense que notre festival deviendra bientôt le visage de Toronto. Bientôt, il sera la communauté musicale au sein de la ville de la musique. »



Le musicien Eric West-Millette rêvait de trains depuis une bonne vingtaine d’années.  Du Transsibérien au Shinkansen japonais, il a arpenté les chemins de fer du monde entier, recueillant des sons et des idées qui ont finalement abouti sur West Trainz, un projet hybride qu’on pourrait situer quelque part entre le documentaire, le carnet de voyage et l’exploration musicale. Un projet qui a finalement vu le jour (dans un impressionnant coffret réunissant deux CD et un livre) grâce à la collaboration essentielle de Louis-Armand Bombardier et de sa boîte L-A be.

LA-BEL-A be n’est pas exactement un label. Son fondateur et président en parle plutôt comme d’une « boîte de développement culturel ». Entendez par là que Bombardier ne se considère pas comme un patron classique; plutôt comme un partenaire ou un facilitateur. « Histoire de rester dans les métaphores de train, disons que ce n’est pas moi la locomotive; je suis plutôt l’ingénieur qui se trouve dans la tour de contrôle pour s’assurer que les trains arrivent à destination. » Parler de train et d’ingénierie avec le petit fils de Louis-Armand Bombardier, quoi de plus normal après tout ? S’il est conscient de l’attrait de son célèbre patronyme, Louis-Armand ne tient pas à jouer la carte du Québec Inc. L-A be renvoie bien sûr à ses initiales, mais pour lui, comme pour tous ses collaborateurs, l’acronyme veut d’abord dire Let Artists Be.

Eric West Millette« J’aurais bien voulu m’autoproduire parce que c’est un projet très personnel, mais c’était si complexe que je suis heureux d’avoir eu de l’aide, explique West-Millette. Louis est le partenaire idéal parce qu’il est intéressé à tout ce qu’on fait et parce qu’il comprend la musique, tant d’un point de vue artistique que technique. Et puis il a voulu que le disque soit abordable à tous parce qu’au fond, c’est un patron socialiste », lance-t-il avec un sourire. Bombardier ne le contredit pas, mais il avoue du même souffle qu’il ne s’est pas lancé dans cette aventure, qui dure maintenant depuis près de 15 ans, pour perdre de l’argent. «  Si tu veux faire un retour rapide sur ton investissement, tu ne prends pas de risques et moi j’aime le risque! Je préfère les projets audacieux, qui ne semblent pas évidents au départ, mais qui auront un impact à long terme. Mon but avec L-A be c’est d’abord de vivre une aventure humaine, mais aussi de laisser quelque chose dans la culture d’ici, une trace. Ça peut paraître un peu prétentieux, mais on veut contribuer à la société. »

Reste qu’on ne peut que s’étonner, à notre époque de dématérialisation de la musique, que cette trace prenne la forme d’un format aussi physique qu’atypique. Comment diable compte-t-il faire ses frais en vendant des disques-objets comme West Trainz? « Bien sûr, les jours du CD sont comptés, mais pour le peu d’années qui lui restent, aussi bien en faire des objets désirables », lance Bombardier. Mission accomplie avec West Trainz, qui succède à un autre  projet hors norme piloté par L-A be: l’impressionnant Voyage d’hiver de Keith Kouna.

Le voyage d'hiverAdaptation très libre de Die Winterreise, célèbre collection de lieder de Schubert, le disque a d’abord été présenté dans un emballage luxueux, format 33 tours, qui tenait plus du livre que du disque, avant d’être offert en téléchargement. Un artiste de rock underground qui s’attaque à l’œuvre d’un compositeur du XIXe siècle avec une voix aussi particulière, ce n’est pas exactement la recette pour percer le marché des radios commerciales. Mais Bombardier voit plus loin et il croit à tous ses bébés avec le même enthousiasme. « C’est l’exemple idéal de cette philosophie du long terme dont on parlait. Keith, je l’appelle notre projet « Oeuf Cadbury », c’est un truc intemporel, qu’on peut ressortir chaque hiver et décliner sous différentes formes, exactement comme West Trainz. »

Pour financer ses projets les plus fous, Bombardier essaie de maintenir un équilibre entre artistes marginaux et populaires, en espérant que les uns bénéficient des succès des autres. Ainsi, on trouve chez L-A be des artistes comme Jérôme Couture ou Jonathan Painchaud, capable de rallier de vastes publics.  Mais il peut aussi s’appuyer sur une autre ressource essentielle: son propre studio d’enregistrement.

 

StudioInstallé dans la maison familiale des Bombardier, à Valcourt (un bijou d’architecture moderne des années 1960) le studio B12 pourrait prendre la suite du célèbre Studio de Morin-Heights, qui a accueilli son lot de légendes  avant d’être laissé à l’abandon. « Mon but était de construire un lieu de vie, pas juste un studio, explique Louis-Armand. On peut y enregistrer, mais surtout y vivre et y créer. Et je veux l’ouvrir à d’autres gens que des musiciens; à des auteurs, qui voudraient y faire une résidence ou à des techniciens, qui pourraient venir tester de nouveaux équipements. »

Bref, ce ne sont pas les idées ni l’ambition qui manquent chez L-A be. Reste à voir quels projets l’ingénieur en chef mettra sur les rails dans les années à venir.

Liens
http://l-abe.com/
http://westtrainz.com/fr/
http://keithkouna.com/



Lorsque Mark Jowett, Terry McBride et leurs associés originaux ont fondé Nettwerk Productions au milieu des années 80, ils n’avaient pas de plan précis, pas de grandes aspirations.

« On s’est réunis parce qu’on voulait lancer quelques artistes », raconte Jowett. « On était des fans de Skinny Puppy et Grapes of Wrath. Nous étions vraiment inspirés par l’excellente musique qui était lancée dans les années 80 – The Cure, Joy Division –, alors nous étions heureux de simplement faire partie de cette scène musicale. Puis, sans qu’on s’y attende, tout a pris des proportions immenses et ça n’a cessé de grandir depuis. »

C’est leur entreprise qui a été une des pionnières du droit d’auteur mur à mur qui permet aux artistes de publier leur musique sur leur propre label en préservant leurs droits d’auteurs.

Ce qui a commencé comme un petit label indépendant de Vancouver est aujourd’hui un éditeur musical d’envergure internationale très respecté, en plus d’être toujours une maison de disque et une entreprise de gestion ayant des bureaux au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne.

Ce fut un long et tumultueux périple qui a offert de nombreux moments marquants. De 1997 à 1999, les tournées Lilith Fair de Sarah McLachlan, présentées sous l’égide de Nettwerk, ont engrangé 16 millions $, dont une grande partie a été versée à des organismes caritatifs pour les femmes. Nettwerk a joué un rôle crucial dans la carrière des Barenaked Ladies, et à ce jour, le groupe a vendu plus de 10 millions d’albums. Ce sont également eux qui ont lancé Avirl Lavigne à l’échelle internationale. C’est à Nettwerk que l’on doit le lancement nord-américain de Parachutes, le premier album de Coldplay après que EMI l’ait rejeté. C’est leur entreprise qui a été une des pionnières du droit d’auteur mur à mur qui permet aux artistes de publier leur musique sur leur propre label en préservant leurs droits d’auteurs tout en étant mis en marché et promues via la marque Nettwerk.

Pour souligner son 30e anniversaire, Nettwerk a invité les artistes de son écurie actuelle à fouiller dans son catalogue, et le résultat est un heureux mélange du passé et du présent intitulé From Cover To Cover : 30 Years At Nettwerk. Le label rééditera plusieurs de ses albums classiques au format vinyle, au bénéfice d’une toute nouvelle génération de mélomanes.

En 2014, Nettwerk a recueilli plus de 10 millions $ en capital de croissance qu’elle a investi dans le développement de ses artistes et l’acquisition de catalogues. Ainsi, l’entreprise a acquis les droits de Robot of the Century Music (le catalogue rock de Roadrunner) et de Maxi Records, une maison de disque américaine faisant dans le dance music sous toutes ses formes. Nettwerk One Music a également conclu une entente de partenariat avec Ten Ten Music Group de Nashville, ce qui lui ouvre toutes grandes les portes de cette ville.

« Notre but, désormais, est de maximiser ces partenariats afin de redonner vie à nos catalogues et de trouver de nouvelles utilisations pour ces chansons. Et, bien entendu, nous sommes toujours à la recherche de nouveaux talents prometteurs. Nous voulons mettre l’accent sur la qualité et, si nous réussissons, nous avons à notre disposition une solide infrastructure qui nous permet de maximiser le potentiel de ces chansons. »

L’industrie de la musique, de toute évidence, a subi de profonds changements depuis les années 80, et Nettwerk a toujours su s’adapter.

« Les ventes par téléchargement sont en baisse, les ventes d’albums sont en baisse », poursuit Jowett, « mais la diffusion en continu est en pleine explosion. La différence majeure est que le marché est un marché de simples. La majorité des gens, aujourd’hui, écoutent des chansons dans le contexte d’une liste d’écoute, pas d’un album. Il nous a donc fallu effectuer un véritable changement de paradigme pour mettre l’accent sur les listes d’écoute et comme nous assurer que nos artistes se retrouvent sur ces listes d’écoute. C’est un tout autre travail que celui de vendre des albums chez un détaillant qui a pignon sur rue. »

« Nous demeurons optimistes qu’au cours des deux ou trois prochaines années, nous aurons tous une nouvelle perspective en ce qui concerne les sources de revenus, et je dis cela principalement en tant que dirigeant de maison de disque. Le côté bandes maîtresses commence à devenir attrayant tandis que du côté de l’édition, nous devons nous battre très fort pour faire augmenter la part d’auteur et la part d’éditeur des redevances provenant de la diffusion en continu. C’est sans doute le combat le plus crucial du moment. »