Il y a de ces deuxièmes albums qui signalent de nouveaux départs, un nouvel erre d’aller. C’est assurément le cas pour Andréanne A. Malette qui a quitté la maison de disques des Productions J après Bohèmes, un premier disque vendu à 15 000 copies. Tel le signe d’une autonomie assumée, ce deuxième et nouvel album ne porte que son nom et révèle le portrait de Malette qui se dédouble.
« Je suis une fille qui pose toujours des questions, qui veut savoir comment ça fonctionne. Je ne suis pas partie fâchée. Au contraire, je suis partie dans l’idée de faire les choses à ma manière. Tout simplement. »
À coup de formations de tous genres sur la production, la fiscalité, les réseaux de diffusion et le marketing, Malette a pris le pari de l’autoproduction, s’investissant désormais du rôle de productrice, coréalisatrice, administratrice et éditrice.
Ses nouveaux engagements mettent en oeuvre une nouvelle approche créative. Après avoir écrit en anglais pendant plusieurs années, Malette avoue avoir longtemps cherché son phrasé à elle en français. « Je m’inspire de la musique que j’aime, du folk qui se chante en anglais, comme Bears of Legend et First Aid Kit. Et inévitablement quand je chantais en français, il y avait un décalage. J’allais du côté de la chanson française à texte, du manouche, ce qui ne me ressemblait pas. Sur ce deuxième album, je voulais retravailler mon phrasé, une façon de placer mes accents toniques quand je livre un texte. Je voulais faire sonner le français d’une manière qui me plaisait vraiment. Et j’y suis arrivée. »
Il y a aussi le processus d’écriture qui ne s’est pas opéré de la même manière. Après avoir compilé sept ans de composition sur Bohèmes, Andréanne s’est vue prise dans une certaine urgence créative. Celle qui a toujours « attendu » l’inspiration voulait cette fois la forcer. Elle est partie dans le bois, s’installer dans un chalet, dans l’objectif d’écrire des chansons. « La vérité, c’est qu’elle n’est pas venue quand je voulais qu’elle arrive, l’inspiration. Je me suis retrouvée devant la page blanche, à prendre des marches, à faire des feux, parce que ça ne venait pas. Mais cela a déclenché des choses. J’ai quand même écrit 6 chansons dans ce contexte. Et dans les champs lexicaux, la forêt est assurément un des mots qui revient le plus souvent. Ça laisse des traces… » Depuis, Andréanne a toujours son téléphone en mode dictaphone pour récolter des mélodies et un calepin pour accueillir des thèmes ou des bribes de paroles.
Afin de rendre viables financièrement ces gestes créatifs qui demandent de l’introspection, Andréanne A. Malette a aussi imaginé de nouvelles voies de financement. Elle a vite écarté le sociofinancement à la Kickstarter, modèle surutilisé et pas très personnel selon elle. Après la tournée de Bohèmes, Malette, qui avait encore le goût du spectacle, a imaginé une tournée « Feu de camp ». Elle a contacté plus 300 sites de camping. Les réponses ont été immédiates. Une quarantaine de dates s’est rapidement dessinée. Sans intermédiaire, sans salle à payer, avec une seule musicienne en sa compagnie – Judith Sun –, les dépenses étaient réduites. « Ça crée des liens intimes. Tu prends des bières avec les gens, tu fais pipi dans leur toilette, tu manges leur méchoui… J’ai des doubles de clés de chalet un peu partout au Québec. Surtout, j’ai beaucoup appris. » Aujourd’hui, elle continue cette formule gagnante pour elle et des artistes comme François Lachance et David Paradis.
Comme autre moyen de financement, Malette a aussi mis en place un système de fan VIP. Moyennant un certain montant, trois spectacles interactifs à Montréal, Québec et Granby ont été donnés à ses fans qui ont voté pour leurs chansons préférées, moyen de sélection musical de l’album éponyme. Malette a également sollicité leurs impressions afin de mieux les connaître. « Il faut dire que j’ai tout fait et que j’avais besoin d’une certaine distance face à mes chansons. Je savais que mes fans pouvaient m’amener cet autre regard. J’ai été étonné de voir comment ce qu’ils cherchaient avant tout, c’étaient mes compositions. Je reprenais « Pour l’amour qu’il nous reste » de Francine Raymond et ils m’ont clairement signalé que cela n’avait sa place qu’en spectacle. » Ce lien avec ses fans, la chanteuse qui a laissé sa trace à Star Académie, le festival de la chanson de Granby et Ma première place des arts, l’honore par différents gestes comme un envoi hâtif de ce second disque.
Jusqu’à la fin de ce processus d’autoproduction, la chanteuse touche-à-tout s’est questionnée sur cette voie qu’elle empruntait. « Je pensais que ça irait plus vite que ça. Et je constate aussi comment cela prend du temps d’assumer tous ces postes. C’est très engageant, mais par chance, je suis bien entourée. À un mois de la sortie du disque, j’ai reçu une offre d’une maison de disques. Et franchement, j’ai hésité. Mais, je trouvais ça fou d’avoir tant travaillé dans le sens de l’autoproduction pour ensuite monter dans un autre véhicule. C’est comme si j’avais décidé, aux cinq dernières minutes d’un marathon, de laisser quelqu’un d’autre traverser le fil d’arrivée. Je n’avais pas fait tout ce chemin-là pour ça. »
Visionnez la liste de lecture des capsules « making of » de l’album d’Andréanne A. Malette :