Nul n’est prophète en son pays, dit l’adage. Sa déception est sûrement moins grande lorsque ledit prophète convainc à la place tout un continent. Quand le Montréalais d’origine tchadienne Caleb Rimtobaye a enfilé son costume d’AfrotroniX – littéralement, avec un casque à la Daft Punk – en 2015, l’Afrique au complet s’est prosternée devant lui. Au tour de l’Europe maintenant, en attendant que l’Amérique du Nord succombe à son tour à sa musique électronique inspirée des rythmes et chants d’Afrique.

AfrotroniXLes temps sont bons pour Caleb Rimtobaye, qu’on a traqué pendant trois mois avant d’enfin pouvoir s’entretenir avec lui tant son horaire de tournée était chargé. Dans un long portrait, le quotidien français Le Monde l’a récemment présenté comme le « musicien panafricain du futur ». En novembre dernier, Caleb Rimtobaye remportait le prix du Meilleur DJ africain au gala Afrima (All Africa Music Awards) tenu au Ghana, puis en février dernier à Montréal celui du Meilleur Artiste lors de la troisième cérémonie du Gala Dynastie célébrant « l’excellence Black au Québec ». Après quatre ans d’AfrotroniX, après surtout une quinzaine d’années à piloter le groupe afro-pop H’sao, cette reconnaissance n’arrive pas trop tard…

C’est en mijotant un nouvel album de H’sao que Rimtobaye a enclenché sa mutation en AfrotroniX : « Artistiquement, j’avais besoin d’un autre challenge, d’explorer un autre univers », confie le musicien, attrapé à Montréal entre deux avions. « Je n’avais pas envie de reproduire ce qu’on avait déjà fait. Aussi, j’ai toujours apprécié les musiques électroniques; à Berlin, j’avais rencontré plusieurs musiciens de la scène underground, j’aimais la manière dont ils travaillaient. J’ai eu envie d’associer tout ce qui est de tendance techno et électro à l’art africain ».

Art à prendre au sens global, puisque pour Caleb, « AfrotroniX, c’est un concept, un univers, une vision qui pointe vers l’afrofuturisme », courant littéraire et musical né dans les années 50 qui cadre l’Afrique (et sa diaspora) dans la science-fiction et qui, avec le temps, a permis d’imaginer une société africaine tout aussi avant-gardiste, notamment sur le plan technologique, que les sociétés occidentales. Récemment, le superhéros Black Panther est devenu l’icône de l’afrofuturisme, alors que des musiciens aussi variés que Sun Ra, Drexciya, Funkaldelic (George Clinton), Jlin et Janelle Monae ont aussi exprimé cette vision optimiste de l’Afrique.

Tous les aspects du projet AfrotroniX ont été réfléchis, des compositions jusqu’à la performance live, le costume de héros de l’espace, les visuels aussi conçus par le studio de création Baillat Cardell & Fils. « Je ressentais le besoin de montrer autre chose de l’Afrique. C’est un continent moderne, mais j’ai l’impression que les médias occidentaux ne s’intéressent pas forcément [à cette modernité]. La jeunesse aujourd’hui veut participer au mouvement et être des décideurs de l’avenir du monde, ils sont mondialistes aussi. »

Ce regard porté sur l’Afrique est non seulement au cœur de l’œuvre, dans les thèmes des chansons, mais surtout le déclencheur du projet, imaginé en 2011, concrétisé en 2015. « L’expérience avec H’sao m’a amené à revoir ma vision de la musique africaine. Il faut dire qu’on a beaucoup voyagé dans le monde avec ce projet, or je réalisais que notre musique restait, dans les yeux du monde, la musique d’une autre communauté. J’avais envie de présenter la musique africaine autrement », dit le musicien, qui s’était fait qualifier de « David Guetta africain » lors de sa première performance en Tanzanie, il y a quatre ans.

C’est tout le débat sur cette mal-nommée « musique du monde », encapsulée dans le projet AfrotroniX. Aux yeux de l’Occident, tout ce qui n’est pas de l’hémisphère nord est pelleté dans cette catégorie, « même si ce qu’on faisait avec H’sao était assez universel » dans son alliage de soul, de R&B, de pop, de reggae et de rythmes africains. « Je fais de l’électro africaine, précise Caleb. Sur le plan rythmique, je reprends beaucoup des polyrythmies africaines; l’ingrédient électronique ne sert qu’à les appuyer. La base de mes chansons demeure très africaine – davantage encore que ce que je faisais avec H’sao. Je travaille même avec des samples [d’enregistrements de musique africaine], des rythmes, mais aussi des voix, pour mieux rapprocher mon travail de la tradition. » Le prochain album d’AfrotroniX, prévu pour l’automne prochain, ira encore plus loin dans ce sens.

En voyageant comme Caleb l’a fait, avec H’sao à partir de 2001, puis avec le projet AfrotroniX, « tu réalises que ce que tu entends lorsque tu passes une soirée en boîte, c’est toujours la même musique. Du pareil au même, de l’Australie à l’Europe, jusqu’ici, en Amérique du Nord. Toujours le même style. C’est rafraîchissant d’avoir cette alternative des afrobeats, de la musique de club africaine. »



Pour de nombreux producers canadiens, pouvoir se vanter que vos créations ont été utilisées sur l’album certifié platine d’une des plus grandes vedettes internationales du hip-hop et de la pop est un rêve essentiellement inatteignable. Mais ce rêve est devenu réalité pour la producer, DJ, et créatrice de Bimbo Radio, Blank.

« Mon équipe de gérance, NWYE [Not What You Expected], a organisé une séance d’écoute à New York et m’a demandé si ça m’intéresserait d’y jouer mes “beats”. J’ai accepté et j’ai retiré toutes mes économies de la banque afin de pouvoir m’y rendre », explique l’artiste depuis sa demeure torontoise. « J’avais une idée des gens qui seraient présents, mais j’étais quand même dans le noir. Lors de la séance d’écoute, j’ai joué quelques-uns de mes enregistrements et les gens ont perdu la tête. Je pense que je n’ai finalement joué que 5 de mes “beats” ce soir-là, car les gens n’arrêtaient pas de me demander de rejouer les mêmes encore et encore. C’est à partir de là que ma musique s’est rendue jusqu’aux oreilles de Nicki Minaj. Le plus drôle, c’est que j’avais créé ce “beat” en 2016 et je l’avais envoyé à Tanisha [la gérante de Blank et fondatrice de NWYE], en indiquant qu’il était destiné à Nicki Minaj. »

En fin de compte, deux des productions de Blank se retrouveront sur l’album Queen de Minaj paru en 2018, soit « COCO Chanel » (feat. Foxy Brown) et « Inspirations Outro ». Lorsqu’elle repense au moment où elle a su que ses « beats » avaient finalement été choisis pour l’album de la méga vedette, c’est aussi surréaliste et excitant que le jour même.

« Je ne me suis pas laissé emporter, parce que je savais que tout pouvait encore arriver », confie-t-elle. « Je regardais mon fil Instagram et j’ai vu un message de Nicki Minaj. C’était une vidéo d’un haut-parleur, j’ai mis le son, et “boop !” Juste comme ça. Ma production avec la mention “on teste de nouveaux haut-parleurs”. Deux jours plus tard, l’album était lancé. C’était officiel. »

Née de parents barbadiens, Blank a grandi en écoutant tous les genres de musique provenant de partout à travers le monde, ce qui a contribué à informer son amour de la musique et sa fascination profonde pour tout ce qui entre dans sa création. C’est toutefois un album de Dr. Dre qui marquera le moment le plus déterminant de sa jeune carrière artistique.

NWYE Song Camp, YOGI, Blank, Tanisha, Seth Dyer, Archer, Tony T

Au Camp d’écriture  NWYE. De gauche à droite : YOGI, Blank, Tanisha, Seth Dyer, Archer, Tony T.

« J’accorde beaucoup d’attention à la musique lorsque j’écoute une chanson », explique-t-elle. « Il s’agit de l’album 2001 de Dr. Dre, j’avais 12 ans, et je me suis demandé comment s’appelait la personne qui crée la musique derrière le rappeur. Quelqu’un m’a dit qu’on les appelait des DJ, et je me suis tout de suite dit “je veux être DJ”. »

Elle réalisera plus tard que c’est en fait un producer qui crée les « beats » et les rythmes sur lesquels s’exécutent les interprètes, et c’est là que sa passion a réellement pris forme. C’est en secondaire 4 qu’un ami lui fera cadeau du logiciel Fruity Loops avec lequel elle commencera à expérimenter. Très créative, elle se sentait parfaitement dans son élément, mais une carrière de producer n’était pas encore son objectif. « Je ne pensais pas en faire une “carrière” », dit Blank. « Je ne faisais que m’amuser. »

En 2008, elle sera diplômée par le Remix Project, un organisme sans but lucratif de Toronto qui offre aux jeunes défavorisés des outils de création et des connaissances sur l’industrie. Au fil des années qui suivront, elle collaborera avec des auteurs-compositeurs et des interprètes locaux et internationaux et elle poursuivra son expérimentation audacieuse avec le baile funk, le hip-hop, le reggae, le dancehall et l’Afrobeat. Son travail sera fort remarqué et respecté, et en plus de sa présence sur le Queen de Minaj, elle se retrouvera également sur d’autres albums majeurs, dont notamment « Wall to Wall » de Raekwon mettant en vedette French Montana et Busta Rhymes.

La musique du monde est le canevas de Blank et elle fait partie des quelques producers qui la font sortir de son marché de niche pour la faire entrer dans le canon de la musique occidentale. Bien qu’il s’en trouve pour dire que cette prolifération des rythmes du monde dans la musique des Drake et autres Weeknd et dans les grandes productions hollywoodiennes comme Black Panther n’est qu’une tendance passagère, Blank n’est pas du même avis, car selon elle, le Web est un espace où des sonorités auparavant jugées « exotiques » ou « étrangères » ont désormais la reconnaissance qui leur revient.

Tanisha nous parle du NWYE Song Camp

  • « Le NWYE Sound Camp 2019 était motivé par un désir de se réunir, de créer et de collaborer. Je m’étais inscrite à des camps de création partout à travers le monde, mais sans succès, alors mon équipe et moi on a décidé de créer notre propre camp. »
  • « Le plus cool de l’édition 2019 a été de pouvoir collaborer en studio avec certains des meilleurs auteurs-compositeurs et producers au monde, qu’ils soient connus ou non. C’était très spécial pour moi, parce que tout est en ligne de nos jours, mais rien ne se compare à la “vibe” de la création en temps réel et en personne. Nous avons enregistré 28 nouvelles pièces durant ce week-end ! »
  • « J’espère que NWYE et le NWYE Sound Camp amèneront du changement et de l’éducation. Nous voulons que les créateurs canadiens sachent qu’il est possible de gagner sa vie dans l’industrie de la musique. Les camps de création favorisent les relations créatives solides et l’importance de cultiver des relations d’affaires afin de créer un pont entre les interprètes, les auteurs, les producers et les maisons de disque. Nous voulons être le changement que nous souhaitons en bâtissant les espaces que nous voulons pour créer. »

« Internet rapetisse la planète », dit-elle. « Il est de plus en plus facile pour les gens de découvrir des artistes et des genres musicaux différents provenant d’un peu partout. Il suffit de tomber sur une chanson qu’on aime pour ensuite se lancer dans la découverte de toutes les suggestions qui nous sont offertes par la suite. »

Son désir de fournir à la musique du monde une nouvelle plateforme moderne a poussé Blank a créé Bimbo Radio en 2017. Bimbo — que le Collins traduit par « ravissante idiote » — n’est pas le premier mot que vous imaginez que Blank choisirait pour baptiser l’un de ses projets, mais elle l’a adopté en raison de son aspect visuel : « il a l’air cool, une fois écrit », dit-elle simplement. Pour Blank, Bimbo est un espace où elle peut mettre en vedette, en toute liberté, des styles musicaux comme le reggae, le dancehall, la soca et l’afrobeat, pour ne nommer que ceux-là, et le projet a acquis un auditoire international dès son lancement.

« Tout a commencé avec un mix, “Episode 1” que j’ai téléversé sur SoundCloud et que j’ai publicisé sur IG », explique Blank. « Des gens du Brésil ont communiqué avec moi, car ils aimaient vraiment mon mix et celui-ci était de plus en plus populaire là-bas et s’est propagé comme une traînée de poudre. »

L’auditoire de Bimbo avait soif de découvertes. « J’espère que Bimbo deviendra un terreau fertile pour la culture des divers styles musicaux de la planète et facilitera l’accès des gens à cette musique », lance-t-elle.

Tanisha Clarke, auteure-compositrice-interprète et fondatrice de NWYE et de son projet corollaire NWYE Sound Camp, aide Blank à faire connaître sa musique et son média partout dans le monde. Ce sont leur amitié et leur respect mutuel qui ont permis au « beats » de Blank de se retrouver chez Minaj, et Blank en est profondément reconnaissante.

« NWYE compte beaucoup pour moi », dit-elle. « C’est une étiquette qui est détenue et exploitée par une femme de couleur et qui a porté une autre femme de couleur — une producer, qui plus est — vers un statut platine. C’est l’affirmation, pour toutes les autres femmes de couleur, que oui ! c’est possible ! »



Il n’aura fallu que trois EP et moins d’un an à Josie Boivin pour installer des bases solides hors du pays. Celle qu’on appelle MUNYA est loin d’en être à son premier pique-nique. La musique l’habite depuis toujours sous tant de formes diverses que le principal enjeu qui justifie une gestation si longue est l’abondance des possibilités. Que faire quand on sait tout faire?

C’est dans un programme Arts-Études au secondaire que MUNYA perfectionne le piano qu’elle avait déjà appris enfant. Puis un jour, alors qu’elle s’exécutait dans une imitation convaincante et non calculée d’une collègue de classe chanteuse d’opéra, les choses ont changé. « J’étais dans la cage d’escalier et il y avait beaucoup d’écho se rappelle la chanteuse. Le prof d’opéra m’a entendu chanter. Il m’a dit que je devrais faire de l’opéra. J’ai suivi des cours durant deux ans, sans arrêter le piano. »

Sortir de son cadre

L’opéra l’accompagne ensuite durant son cégep au Saguenay, puis elle quitte ensuite pour Montréal. « Je voulais voyager et mon focus n’était plus sur la musique », dit-elle.

Vous n’avez pas été induit en erreur, la musique de MUNYA n’est pas celle des grands théâtres classiques et vous ne retrouverez pas l’intégral de Puccini sur sa page bandcamp. « Je ne chante plus d’opéra aujourd’hui sauf pour ma famille qui aime bien ça, mais c’est vraiment une technique vocale musculaire qu’il faut entretenir, explique l’artiste. Ça m’a permis de contrôler ma voix et d’être vraiment confortable avec ma voix. En toutes circonstances, c’est rare que j’ai la voix fatiguée. »

C’est un intérêt marqué et soudain pour le jazz qui amène la Saguenéenne fraîchement débarquée à Montréal à retourner vers sa passion initiale. « J’ai commencé à écouter John Coltrane, Chet Baker, des icônes. Puis j’ai décidé de m’inscrire en jazz à l’Université de Montréal », se rappelle Josie.

Elle laisse tomber l’école assez rapidement et se retrouve néanmoins propulsée dans la musique comme jamais, musicienne auprès de Philémon Cimon, Alex Nevsky, Ouri, Stirling Groove, entre autres. « Mon problème avec la musique, c’est que j’aime tellement de styles, que je ne savais pas du tout lequel je voulais faire, évoque-t-elle. J’ai commencé à faire des remix de musiques que j’aimais, j’ai développé des skills de producer. »

En novembre 2017, elle commence à façonner son projet solo. Et le mot « solo » prend tout son sens, MUNYA plaçant ses deux mains sur tous les volants. « J’ai enregistré un peu de guitare et de drum avec deux autres musiciens, mais sinon je travaille toujours toute seule. J’ai un son qui est plus personnel, j’imagine, parce que c’est rare que les gens font tous les instruments en plus de produire et chanter. »

Trois EP électro vaporeux sont issus de la dernière année qui fut riche et chargée. Les trois épisodes de l’œuvre de MUNYA se suivent bellement, comme des saisons différentes d’une même vie. « Je ne voulais pas faire un album complet, c’était trop donner de mon âme d’un coup, dit Josie. L’attention reçue avec le premier EP m’a donné la confiance pour commencer à en écrire un autre. »

Prendre la route

Mai, novembre et mars. Trois arrêts sur la route et trois points de repère sur la carte routière : North Hatley, Delmano et Blue Pine… Un chalet estrien où tout a commencé avec une fenêtre sur le lac, un bar d’hôtel new-yorkais qui a semé un rêve rocambolesque donnant vie à La femme à la peau bleue de Vendredi sur mer et un endroit fictif découvert dans Twin Peaks de David Lynch. On dit souvent que de grandes choses se produiraient si les lieux pouvaient parler. Eh bien ils parlent une langue que MUNYA comprend.

Elle avoue partager ses productions le moins possible avant que le tout soit final : « Les gens te donnent des opinions et ça te fait douter de ce que t’as écrit. Après, le résultat est moins naturel. »

Travailler en solitaire, mais ne pas naviguer en solo : c’est ainsi qu’elle progresse, s’inspirant constamment des artistes qu’elle apprécie sans avoir besoin qu’on l’épaule au quotidien.

Le voyage de la voix

Le célèbre label Luminelle Records a pris MUNYA sous son aile très tôt dans ce voyage qui n’a que trois arrêts pour le moment. « Mon premier EP était indépendant et des blogues de musique ont partagé Des bisous partout. J’ai eu un review de Pitchfork et des gens partout en Europe et aux États-Unis ont commencé à m’écrire. Mais personne au Québec. »

Nul n’est prophète en son pays et malgré le fait que la chanson qui l’a fait connaître soit en français, ce n’est pas chez elle, au Québec, que sa carrière a pu prendre son envol. « C’est une histoire de timing, croit-elle. Le Québec, ça va toujours être chez moi. La vie, c’est des années, c’est pas juste des mois. Chaque chose en son temps. »

La première tournée de MUNYA, alors qu’elle avait deux spectacles solos à son actif, était une suite de spectacle sold out où elle assurait la première partie du groupe Cults aux États-Unis. « Le groupe, ce sont mes amis aujourd’hui. Ils m’ont vraiment aidée et je sais que quand je vais avoir progressé dans ma carrière, je vais vouloir aider les autres comme eux m’ont aidée. »

Pour Josie Boivin, la création, c’est « vivant » et les choses doivent bouger, on doit les laisser nous porter. « Il faut faire la musique pour soi-même. On est des humains, pas des robots, lance-t-elle. On absorbe les choses. Et j’ai l’impression que les modes de diffusion aujourd’hui nous permettent de nous laisser guider. De voir ce qui va arriver avec la création. On n’a pas de modèle. On n’a pas de recette. You just gotta keep your feet moving. »