Nous retournons à notre série d’entretiens portant sur ces mariages heureux du mystère de la création que l’on appelle… les duos d’auteurs et compositeurs. Cette fois, étudions le succès d’une retrouvaille, celle entre le rappeur Séba et le compositeur-producteur-DJ Horg, auteurs du hit Vintage à l’os qui, au grand étonnement de ces deux créateurs, caracole aujourd’hui au sommet d’une radio commerciale montréalaise. Le premier album du duo s’intitule Grosso Modo, un projet qui a germé sur les bancs du cégep du Vieux-Montréal pour éclore vingt ans plus tard sous la forme d’un hommage au son boom-bap typique du hip-hop des années ‘90.

Séba & HorgD’abord, un peu d’histoire : si le Newyorkais DJ Premier (Gang Starr) peut être considéré comme l’architecte du son boom bap, saluons le travail des compositeurs-producteurs Boogie Down Productions qui ont concocté la musique du premier album solo du légendaire rappeur KRS One. Le titre de ce classique paru en 1993 ? Return of the Boom Bap. Boom, comme dans le son sourd de la grosse caisse. Bap comme celui, bien croustillant, de la caisse claire, les deux ingrédients mis en valeur dans cette irrésistiblement dansante variation du rythme rap.

On l’aura déduit, le boom bap, c’est l’histoire ancienne du rap – son deuxième âge d’or, après l’explosion old school des années Run DMC. Désormais force musicale dominante en occident, le rap a aujourd’hui bien changé.

« Si j’avais quinze ou vingt ans, je serais probablement à fond dedans la mouvance trap » emblématique du son des Migos, Gucci Mane, Future et autres 2 Chainz, tranche Horg. « Mais je n’ai pas vingt ans, j’en ai quarante-trois, et je l’assume. Comme j’ai d’abord dit à Séba : Si tu veux faire un album de rap aujourd’hui, tu dois faire du trap. Malheureusement, ni lui, ni moi accrochons sur le genre – je ne veux pas dire que ce genre musical n’est pas bon, mais le genre de beats, les textes et le message, le style en général, ça n’est pas nous. »

On n’apprend visiblement plus de nouveaux trucs à ces vieux singes du hip-hop, qui ont fait connaissance il y a une vingtaine d’années au cégep du Vieux-Montréal. « La première semaine de cours !, précise Séba. J’avais une émission de radio le matin, et Horg passait juste après. Je l’ai vu débarquer avec ses machines et ses vinyles et me suis dit : Oh shit! Tout de suite, on a parlé de rap. C’était le début de la scène à Montréal, 1995, le film La Haine venait de sortir… Nous nous sommes reconnus. Nous n’étions pas nombreux à tripper là-dessus. »

Fini le cégep, ils se sont perdus de vue. Horg est resté derrière les platines, composant et réalisant des beats pour l’underground québécois – les amateurs aussi « Vintage à l’os » se souviendront des projets Cavaliers Noirs ou KZ Kombination – avant de briller derrière Samian. Séba, lui, allait devenir la bougie d’allumage du trio fusion punk-rap Gatineau.

Leurs chemins se sont croisés à nouveau en 2008, lors du gala de l’ADISQ. « T’étais assis derrière moi avec ton gérant », rappelle Horg à son comparse. Gatineau remportait alors le Félix Album de l’année – hip-hop, devant Samian, Sans Pression, Imposs et Radio Radio. « C’était surtout punk, et en show, ça virait métal. Plus proche des Breastfeeders que Biggie Smalls, disons », se souvient Séba, rappeur dans l’âme même s’il s’habillait « en gothique ».

La troisième retrouvaille allait être la bonne : il y a quelques mois, Séba décide d’assister à l’enregistrement de l’émission radio Sur le corner, animée par Horg, et lui confie son rêve : enregistrer un disque de rap sur ses beats. « Ce qui est le fun avec Séba, c’est que j’ai le sentiment que tout ce que j’ai accompli depuis mes débuts dans le rap, tout ce que j’ai réalisé que je voulais faire et dire sur cette scène, rejoignait son expérience, son parcours. On s’est rendu vite compte qu’on avait un projet. »

Les premières maquettes portaient les textes de Séba, « déprimants, écrits après une peine d’amour, ça marchait pas », relate Horg. Ils sont repartis à zéro, en s’inspirant de leur passion commune pour le rap. « On voulait faire un disque comme on l’aurait fait si on s’y était mis y’a vingt ans, sans compromis, abonde Horg. Pour moi, c’était même presque thérapeutique Je me demandais toujours : Si je prends le micro pour rapper, qu’est-ce que les gens voudraient m’entendre raconter? Et la réponse était toujours : Comment c’était, Watatatow ? »

Ah oui – sachez, plus jeunes (ou trop vieux) lecteurs, que dans une ancienne vie, Horg fut comédien dans une télésérie pour ados. « J’ai été comédien, j’ai cessé de l’être, principalement parce que je n’aimais pas être à l’avant-scène. C’est aussi pour ça que je n’ai jamais été un rappeur solo », mais qu’il accepte de balancer des rimes sur Grosso Modo, aux côtés de Séba. « Ce disque, on l’a fait pour nous, dit Horg. Sans gêne, honnêtement, on s’est dit qu’on disait tout – Horg, c’est Bérubé de Watatatow ! »

En fait, enchaîne Séba, « je pense que j’ai aussi fait ce disque pour qu’on arrête de dire que je suis le gars de Gatineau », de la même manière que Horg n’est plus Bérubé. Les textes ont été écrits à quatre mains, piochés dans leurs souvenirs de jeunes trippeux de rap, avec une bonne dose de nostalgie et de références à la culture populaire des années ‘90, qu’ils évoquent avec humour et tendresse.

Et ça marche : Vintage à l’os est numéro un au palmarès 6 à 6 de CKOI au moment d’écrire ces lignes et a trôné un temps au sommet du palmarès des chansons francophones iTunes devant Patrice Michaud, CÅ“ur de pirate et 2Frères ! « Inimaginable », commente Séba. Ils n’y croyaient pas. « Même dans nos rêves nos plus fous. Du rap au Québec qui tourne comme ça ? On dirait qu’on a touché au cÅ“ur des gens avec cette chanson… »

Lancement de Grosso Modo de Séba et Horg le 22 février au Ministère, à Montréal.



Dumas« Où sont passés mes idéaux ? On les a pris en otage. En oubliant mes idéaux, j’ai bâti ma propre cage », chante Dumas, exposant une réflexion sur sa vie actuelle, sa nostalgie bien vécue. Son album Nos idéaux s’insère dans son parcours au moment où il aperçoit la quarantaine qui arrive et choisit de jeter un œil en arrière pour comprendre la route qui a fait les vingt dernières années.

« J’étais vraiment dans un mood de textes, explique Steve Dumas. J’avais envie de raconter des choses vraiment personnelles, de faire des tounes axées sur le propos. » Auprès du romancier et parolier Jonathan Harnois, connu pour le magnifique Je voudrais me déposer la tête, il se lance d’abord dans un projet d’écriture voué à une tournée solo plus qu’à un album. « Je n’avais pas tourné tout seul depuis 2004 et j’avais ce désir-là de retourner sur la route pour me retrouver en tête à tête avec le public, rejoindre à nouveau les gens qui étaient là au début. »

Gus Van Go, producteur canadien vivant aujourd’hui à New York est entré en contact avec Dumas pour changer le cours des choses, lui proposant de venir passer quelques jours dans son studio. « Finalement, j’ai eu un problème de vol et je n’ai eu qu’une journée avec lui à Brooklyn et on fait la pièce Nos idéaux en un jour. Je trouvais ça fantastique de travailler avec des gens que je ne connaissais pas. » Gus, accompagné de Werner F n’avait qu’une idée en tête : mêler les ébauches fournies par Dumas aux instruments de ses boys Chris Soper et Jesse Singer. « Il vont sortir un album ensemble bientôt. Leur band s’appelle Megative. Moi j’avais entendu ce qu’ils faisaient par le biais d’un ami commun et ça a été un match parfait dès la première rencontre », se rappelle Dumas. Il est donc retourné à Brooklyn pour finir l’album.

Jouer dans le passé

Nos idéaux, c’est l’album du « retour à la chanson », celui qui vient cueillir les adeptes du Cours des jours, ceux qui fredonnait J’erre et se promenaient Au gré des saisons. « Je sais que je suis allé dans toutes les directions durant les dernières années, admet l’auteur-compositeur. Là, je veux parler aux gens de la même façon que je le faisais dans ma vingtaine, mais avec le regard d’aujourd’hui. »

Or, comme Gus Van Go n’avait rien entendu du matériel antérieur de Dumas, le produit revêt des habits neufs, un son plus éclaté, enrobant des nostalgies connues, des terrains habités par Dumas et ses fans depuis deux décennies. « J’errais, j’errais en solitaire », chante notamment Dumas sur Bleu Clair, faisant un clin d’œil bien visible au passé tout en ancrant ses sujets dans le présent. « J’ai l’impression de faire quelque chose d’actuel. J’ai eu l’occasion d’avoir de nouvelles oreilles à ma disposition. C’est le rêve de tous les auteurs-compositeurs. Mon ADN est ressorti de façon naturelle et je n’ai pas fait obstruction à ça. »

« Je me suis mis en danger. Les gens avec qui j’ai travaillé m’ont redonné confiance. Je me suis donné all in et j’ai enlevé tous les filets. »

Dumas se rappelle son arrivée dans le milieu « à la fin d’une époque », au moment où, sans contrat de disque, il était impossible de faire quoi que ce soit. « Je pense que le paysage a beaucoup changé par rapport à l’indépendance de production. Ça rend ça intéressant pour la diversité. La scène québécoise contient beaucoup plus de sous-genres. Je peux compter sur les doigts d’une main les choses qui me touchaient en musique en tant qu’ado au Québec. L’offre est tellement plus large aujourd’hui. »

Le premier album de Dumas est sorti il y a 17 ans et la carrière de l’artiste s’étoffe encore. « Ça fait exactement vingt ans que je suis inscrit à la SOCAN ! », s’exclame Dumas, réalisant du même coup l’ampleur des choses. « Tu me dis le mot « carrière » et ça me fait peur, mais je suis content des choix que j’ai faits. Je trouve ça intéressant de faire partie de ceux qui n’ont pas fait tant de grands shows de variétés, mais qui sont encore présents. Ça montre aux plus jeunes qu’il y a plusieurs chemins pour faire ce qu’on fait. »

La pop a aussi beaucoup changé en vingt ans, mais on associe souvent le style à une démarche simpliste, sans envergure ou même quétaine. C’est pourtant une musique que porte Dumas avec brio depuis ses débuts. « J’ai un grand plaisir à faire ça. Il faut juste pas trop l’appuyer et les gens doivent sentir la vérité. Les Beatles, c’est de la pop, mais quand tu l’écoutes, tu sens toujours le John en arrière. C’est ça la recette. »

Vingt ans encore ?

« On se demande souvent si on va faire un autre disque », dit Dumas. Avec la métamorphose des formats de consommation de la musique, il est normal de se questionner sur l’avenir de l’objet. Nos idéaux est un album imprévu qui arrive au bon moment. « Je me suis mis en danger. Les gens avec qui j’ai travaillé m’ont redonné confiance. Je me suis donné all in et j’ai enlevé tous les filets. J’avais fait ça pour Le cours des jours. Je m’étais dit que je le ferais à mon goût comme si y’en n’avait pas d’autre après. »

C’est la route qui appellera désormais Dumas pour les prochains mois. « J’ai poussé loin dans la réflexion de ce que tu peux faire en solo sur la scène. Avec l’aspect « dj » qui est là aujourd’hui, tu peux tout faire. Mes idéaux, ça sera en solo ! »



Paris & Simo sont un duo de DJ-compositeurs internationaux mais avant tout Montréalais. De Las Vegas et New York (États-Unis) à Hyderabad (Inde), en passant par Istanbul (Turquie), ou encore Nagoya (Japon), ce duo s’est rapidement créé une solide réputation sur la scène internationale de L’EDM en mixant dans certains des plus grands évènements à travers le monde. Mais comment font-ils pour être connus à travers le monde et passer inaperçus sur la rue Sainte-Catherine ? D’où vient leur succès ?

En 2011, après avoir remporté un concours de remix pour le single Work Hard Play Hard de Tiesto parmi des milliers d’autres soumissions, le duo a été rapidement été repéré en tant que nouveaux producteurs émergents. Tiesto lui-même les prend sous son aile et c’est au cours d’un diner au Restaurant Rosalie à Montréal, que leurs liens se tissent. Tiesto ira même jusqu’à jouer leurs compositions (Nova, Tundra, Wait, Not alone…) lors de ses sets. Mais il n’est pas le seul. Des stars tels que Martin Garrix, Nicky Romero ou encore Hardwell ont repris plusieurs de leurs titres, aidant ainsi à populariser le nom de Paris & Simo sur plusieurs territoires. Sentant le potentiel de ces deux prodiges, Hardwell signera sous son label (Revealed Records – Sony), plusieurs de leurs singles, dont le tout dernier, Glow, ayant comme artiste invité un Torontois, Nikon.

Paris & Simo ont également participé au Electric Daisy Carnival et à Life in Color. On compte aussi parmi leurs réalisations, une tournée canadienne avec David Guetta, un passage au EDC (Las Vegas), à Tomorrow World (2015), ou encore au festival Digital Dreams. Et on a pu également les voir briller sur des scènes montréalaises telles qu’au New City Gas, au Beach Club, ou encore au Bal en blanc.

Cumulant les millions d’écoutes sur Spotify pour des titres en collaboration avec des interprètes tels que la Britannique Karen Harding, Paris et Simo ont acquis une notoriété auprès non seulement des principaux acteurs de la scène EDM, mais aussi d’une multitude de passionnés de musique de danse qui suivent leurs moindres gestes. Ainsi, leurs plus de 200 000 fans sur Facebook attendent avec impatience la sortie de leur prochain EP. Distribué par Kobalt, alliant sonorités RnB sur des ambiances électroniques, voix féminine (Sara Diamond), masculine (Yeah Boy) sur des rythmiques anglaises, cet EP nous promet de belles surprises. De quoi être confiants dans l’avenir de Paris & Simo qui se dessine comme ils le diraient eux-mêmes : « une chanson à la fois… »