Acclamé par la critique et résolument indépendant, l’auteur-compositeur-interprète Danny Michel est l’un des conteurs les plus fascinants, tant à travers ses chansons que son dialogue avec le public.
Il y a l’histoire de la façon dont il a affectueusement « volé » la chanson A Brief History My Life de Steve Poltz – un auteur-compositeur et collaborateur occasionnel avec qui il a également fait une tournée – en la modifiant pour se l’approprier, y compris en faisant référence à l’enseigne publicitaire de Schneider’s sur l’autoroute 401, près de sa ville natale, Kitchener. Il y a aussi l’histoire où il raconte qu’il avait peur de chanter le mot griddle (plaque de cuisson) dans sa chanson Tennessee Tobacco lorsqu’il l’interprète en spectacle jusqu’à ce qu’il fasse l’acquisition d’une cuisinière qui incluait une telle plaque qu’il a appris à aimer. Puis il y a aussi l’histoire de comment sa chanson environnementaliste Feather, Fur, and Fin lui a permis de chanter pour la primatologue Jane Goodall lors de son 85e anniversaire avant de lui faire un câlin et de terminer la soirée à boire du whisky assis sur le plancher de sa chambre d’hôtel.
Lorsqu’il est seul sur scène, peu importe le genre musical qui convient à la chanson, Danny Michel fait chanter le public, joue des riffs captivants sur sa guitare électrique, est à l’affût de et réagit à tout ce qui se passe à chaque instant et accueille les spectateurs qui se sont déplacés pour le voir. Tout ça, on le comprend, est enraciné dans une réelle appréciation des êtres humains.
Loin d’être carriériste, Danny a quand profité de quelques honneurs traditionnels. Il a reçu plusieurs nominations aux JUNOs, a été finaliste pour le Prix de musique Polaris et il a figuré parmi les concurrents du concours Heart Of Gold de la CBC. Il a remporté le Prix de la musique folk canadienne en tant que producteur de l’année, ainsi que le prix Pushing the Boundaries de l’organisation. L’une de ses chansons a été élue chanson de l’année du Top 20 de la CBC par le vote du public (nous y reviendrons).
Il n’en reste pas moins qu’il a eu une carrière fascinante, avec des moments uniques et bien réels comme sa rencontre avec Jane Goodall, avec le scientifique David Suzuki et l’astronaute Chris Hadfield, de vrais honneurs pour un jeune qui avait un intérêt marqué pour les sciences. Et que dire de ses nombreux enregistrements en direct à travers le Canada tout au long d’une décennie alors qu’il jouait régulièrement dans le cadre de l’émission de radio The Vinyl Café animée par Stuart McLean sur les ondes de la CBC. Il a également enregistré un album intitulé Black Birds Are Dancing Over Me au Belize avec le collectif culturel afro-amérindien The Garifuna Collective qui a été suivi d’une tournée à guichets fermés avec eux. En parallèle à ce projet, il a fondé DM Ocean Academy Fund, un organisme qui aide à financer des bourses d’études pour une petite école secondaire communautaire à but non lucratif au Belize et qui a récolté plus de 125 000 $ à ce jour. Il a également enregistré son album Khlebnikov à bord d’un brise-glace russe dans l’Arctique canadien lors d’une expédition organisée par Hadfield. Puis, il y a sa série humoristique/science-fiction/musicale diffusée en ligne intitulée Dan’s Space Van où il discute avec ses invités à bord de sa camionnette décorée sur le thème de Star Trek.
Bien entendu, toute cette activité s’est interrompue pendant la pandémie et, pendant un certain temps, Danny était isolé très loin de chez lui. « Je m’étais rendu à La Nouvelle-Orléans pour donner un spectacle », raconte-t-il. « J’ai attrapé la COVID, manqué mon spectacle et je suis resté coincé dans une chambre d’hôtel pendant 12 jours et je n’étais pas autorisé à rentrer au Canada. J’étais vraiment malade. Je dormais avec mon téléphone dans les mains en me demandant à quel moment je n’aurais plus le choix de composer le 9-1-1. J’étais vraiment très malade. Personne à l’hôtel ne voulait m’apporter de nourriture et je lavais mes vêtements dans le bain. Ç’a vraiment été ma pire expérience! » lance-t-il en riant.
« Je n’aimais rien de ce que j’écrivais. Mais pire que ça, je n’avais aucune envie d’écrire. »
Pendant le confinement, Danny Michel a également dû composer avec un épisode intense du syndrome de la page blanche. « Je n’avais jamais cru que ça existait pour vrai », confie l’artiste. « Jusqu’à ce que, tout d’un coup, panique totale : je n’aimais rien de ce que j’écrivais, mais pire que ça, je n’avais aucune envie d’écrire. Je me suis dit, “bon, j’ai fait ça toute ma vie, peut-être que j’ai besoin d’un ‘break”… Je me disais que ça me manquerait, éventuellement. Mais quand je me suis rendu compte que ça ne me manquait pas, j’ai vraiment paniqué. J’ai donc décidé que j’allais me forcer à écrire. » Déterminé, il s’est remis à écrire chaque jour, tranquillement, même si le processus n’était pas fructueux. « Éventuellement, tout est rentré dans l’ordre », dit-il.
Le 30 juin 2023, il a finalement lancé son premier album en cinq ans intitulé Ghost Town. Comme on peut s’y attendre de la part d’un immense fan de David Bowie, l’album est fidèle à l’éclectisme de l’ensemble de son œuvre. Peut-être même encore plus.
« Pendant toute la création de cet album, je me répétais sans cesse “arrête de te demander si la chanson est trop longue pour jouer à la radio ou si le refrain est assez accrocheur. Vas-y à fond”, confie Danny Michel. Et c’est ce qu’il a fait avec l’aide d’un collaborateur fréquent, le compositeur à l’image primé Rob Carli, qui a signé quelques arrangements en plus de jouer des cuivres. Un bon exemple est le solo sur The Point of No Return : il commence avec un duo de clarinettes atmosphériques avec de doucement basculer vers un passage au piano puis à un électrisant solo de guitare électrique à la Robert Fripp. Su Mermaids, le segment instrumental passe d’un combo de xylophone et de synthé à un pont sifflé digne de Disney avant de réintroduire le duo de clarinettes. Nothing to Declare s’ouvre sur des cuivres staccato, cuivres qui prennent ensuite une saveur mexicaine avant d’enchaîner avec une guitare de style juju nigérian après chaque couplet. C’est du bonbon pour les oreilles, et c’est toujours au service de la chanson.
Les textes, de manière quasi prévisible, sont plus sombres et empreints de vulnérabilité que d’ordinaire. « C’était la pandémie et j’avais toutes ces chansons tristes », raconte Danny. « J’arrêtais pas de me dire ‘j’ai pas envie de lancer ça’. Puis, j’ai réalisé qu’une chanson représente simplement un moment très précis et qu’aussitôt que j’ai fini d’écrire cette chanson, je ne suis plus la même personne. C’est juste un polaroïd de ma vie à cet instant précis. C’est là que je me suis dit que j’allais simplement mettre toutes mes cartes sur la table. »
Pourtant, même au milieu de chansons aussi tristes que The Point of No Return, qui parle d’autosabotage involontaire; Mermaids et ses sous-entendus d’idées suicidaires; ou de la bien nommée The Prison You Live In, il y a des éclaircies comme Lighthouse (The Wedding Song), une ballade acoustique qu’il a écrite pour le mariage d’une de ses amies de l’industrie de la musique, Jude Coombe, de Starfish Entertainment; Nothing to Declare, un groove funky qui célèbre en partie le retour de sa créativité; et son hymne pop-rock plein d’espoir, Don’t Be So Hard on Yourself, qui, en 2022, a été élu chanson de l’année du Top 20 de CBC Music.
« Étrangement, cette chanson a été écrite pour moi, mais par moi », confie-t-il. « Je suis super critique à mon égard dans tout ce que je fais. Mais au final, c’est une chanson qui fait du bien à tout le monde. Je reçois plein de messages de gens qui me disent merci et qui écoutent cette chanson pour commencer leur journée. »
En tant que musicien indépendant qui a tracé son propre chemin et réussi selon ses propres règles, Michel a un autre conseil à donner à ceux qui essaient d’en faire autant. « Essayez des trucs », dit-il. « Expérimentez. Si vous avez les moyens de le faire sans dépenser trop d’argent, foncez. Même si vous échouez, vous allez apprendre un paquet de choses, c’est garanti. Chaque fois que vous échouez, vous apprenez beaucoup. »