Le grand honneur du neuvième Prix Christopher-J.-Reed revient cette année à Nicole Beausoleil et a été remis par l’APEM, avec le soutien de la SOCAN, lors des Rendez-Vous Pros des Francos. Au-delà de l’hommage qui lui a été rendu sur place, le prix est remis annuellement à une personne engagée dans sa communauté professionnelle, qui témoigne d’un grand respect des créateurs et du droit d’auteur et dont la contribution pour l’exercice et la reconnaissance de la profession d’éditeur musical est exceptionnelle.
La présidente et fondatrice des Productions Nicole Beausoleil travaille depuis plus de trente ans dans le domaine du droit d’auteur. Avec son entreprise, elle accompagne depuis 1996 des artisans de la musique à l’image.
« J’ai grandi dans une maison ou il y avait beaucoup de musique », s’émerveille encore aujourd’hui Nicole Beausoleil. Et c’est en créant elle-même de la musique qu’elle a été happée par l’importance des droits qui s’y rattachent. « Un jour on n’a pas le choix de s’intéresser au droit d’auteur », affirme-t-elle avec sincérité.
C’est en travaillant à la SDE (qui est plus tard devenue la SOCAN) que Nicole Beausoleil a fait ses premières armes dans un groupe de collègues et de mentors qui était « presque toutes des femmes ». « J’ai travaillé avec Joanne Pouliot qui a été un modèle pour moi à mes débuts, se rappelle Nicole. Et dans mes dernières tâches à la SOCAN, je m’occupais de l’audiovisuel. C’est à ce moment que j’ai compris que j’étais faite pour travailler dans la musique à l’image. »
Même si le fait de travailler dans un milieu féminin ne lui a pas sauté aux yeux au départ, elle reconnait aujourd’hui que son entourage du début a joué un rôle dans la suite de sa carrière. « Je suis embarquée là-dedans toute jeune et à l’époque je n’avais pas cette réflexion-là, raconte-t-elle. Mais après, j’ai réalisé que le fait qu’on m’ait encouragée à gravir les échelons, ça a tout changé. Si j’exprimais le désir d’aller vers un nouveau poste, c’était valorisé. Ça m’a donné l’assurance nécessaire pour créer mon propre emploi plus tard. »
Parmi les moments marquants qui ont confirmé ce choix a posteriori, Nicole nomme l’ensemble des moments clés où l’artiste a besoin de quelqu’un qui comprend bien ses droits d’édition. « Quand on travaille sur une série télé et qu’on sait qu’il y a un souci dans les redevances puis qu’on finit par faire débloquer le dossier, c’est une réussite qui fait du bien à chaque fois, dit-elle. Faire de la musique pour la télé, c’est souvent du travail sous pression et c’est d’autant plus satisfaisant de savoir que je peux faire rayonner et respecter les talents des compositeurs. »
Nicole Beausoleil se rappelle 1996 comme d’une époque où « être travailleur autonome, ce n’était pas à la mode ». « C’était difficile pour les producteurs avec qui je travaillais de me prendre au sérieux, mais j’ai gagné leur confiance au fil du temps, dit-elle. Je n’ai jamais hésité à me déplacer pour présenter des rapports, montrer mon intérêt. Les cinq premières années, c’était difficile. Je devais expliquer énormément de choses à tout le monde. »
« Chaque fois je suis impressionnée par la qualité et la beauté de la musique composée dans nos séries dramatiques »
Auprès de Luc Sicard, Éric Lemoyne, Dazmo et autres artistes audiovisuels, Nicole Beausoleil représente le pont nécessaire entre l’artiste musical et l’œuvre visuelle. Le répertoire dont elle s’occupe comprend plus de 600 œuvres audiovisuelles diffusées à travers le monde. Parmi sa clientèle, on compte les plus grandes maisons de production de la province.
« Au Québec, c’est assez exceptionnel le nombre d’œuvres audiovisuelles vendues à l’étranger. Le travail que je fais est nécessaire, lance-t-elle. Il faut être perspicace et minutieux. C’est un métier où l’on est souvent entre l’arbre et l’écorce. Il faut être là pour le compositeur et la maison d’édition et faire de son mieux pour servir les intérêts de tout le monde. »
Malgré le travail ardu, c’est néanmoins la passion qui guide Nicole Beausoleil. « J’utilise le mot travail, mais c’est une autre définition pour moi. Mon métier c’est niché. Quand tu dis que tu es gérant, les gens savent ce que tu fais, mais quand je dis que je m’occupe de l’édition musicale dans l’audiovisuel, on me perd souvent, rigole-t-elle. Mais tout le monde est alimenté par la passion autour de moi. Les gens avec qui je travaille depuis trente ans sont devenus des amis. »
Parmi ses moments préférés de l’année, l’éditrice cite la rentrée télé d’automne durant laquelle elle peut voir à l’écran le résultat de ses démarches. « Je suis consommatrice de séries et de films, dit-elle. Chaque fois je suis impressionnée par la qualité et la beauté de la musique composée dans nos séries dramatiques. La musique devient un personnage. C’est un aspect très important de la réussite de la série. »
Elle espère d’ailleurs entendre plus de femmes jouer la musique des séries et des films d’ici. « On fait toujours référence aux exemples, quand on parle de la place des femmes. Quand il y aura un film diffusé partout à travers le monde et que ce sera une compositrice québécoise qui aura fait la musique, je pense qu’on ouvrira la porte un peu plus grande.
La musique à l’image, c’est un travail qui se fait parfois en parallèle d’une carrière de musicien. On vit à une époque où l’on n’a pas nécessairement besoin de choisir entre les deux. Je crois donc que les possibilités sont là et que la révolution dans le milieu est tout près. »