FM Le Sieur, François-Maurice de son vrai nom, ne compte plus les films et les séries sur lesquels il a collé sa musique. Celle-ci, en toutes situations, enlace le propos sans le masquer. Signant ces jours-ci la musique de Doute raisonnable diffusée sur Tou.TV, il offre également un album de compositions. Piano, Désert & Machines, a été conçu grâce à l’inspiration simple du piano quand le temps vide s’installe autour de lui.
« Plusieurs artistes travaillent sur plusieurs plateformes : vidéo, instrumentale, chanson, télé, mais moi je suis un cinéphile, lance d’abord FM Le Sieur. C’est pas juste une facette de mon travail, la musique à l’image, c’est l’entièreté de ce que je fais et de ce que j’aime faire. » C’est un intense désir de partage qui l’a donc poussé à faire connaître au monde les pièces de Piano, Désert & Machines. « J’aimais l’écouter, c’est relaxant, mais même si j’ai été dans band et que j’ai déjà fait autre chose que de la musique à l’image, un album de même, j’ai jamais fait ça », assure-t-il.
Renouant d’abord avec quelques pièces écrites pour les films d’Émile Gaudreault, il s’est ensuite, sans y penser, laissé inspirer par l’œuvre de Steve Reich qu’il admire énormément. Serenade For Steve Reich ouvre ainsi l’album même si le lien clair entre la pièce et la mélancolie de Reich n’est devenu une évidence qu’après que la composition ait été faite.
« Que je fasse des pubs, des téléséries ou des films, j’ai toujours des flashs musicaux quand je vois des images. Donc mon album de compositions, ce n’était vraiment pas quelque chose de prémédité, se rappelle-t-il. Quand la pandémie nous est arrivée comme un coup de pelle dans la face, j’ai pris du temps pour m’amuser. J’ai fait ça et un concerto pour violons aussi, qui dort chez moi. »
Une fois quelques bribes « d’amusement » enregistrées, il a quand même eu envie d’images. « J’aime pas le design laid d’iTunes quand tu écoutes des chansons sans pochette, rigole FM. Au début je mettais toujours des natures mortes ou des images de solitude et d’isolement, puis, finalement, je me suis laissé porter par les photos de Luc Robitaille, que je connais. Des images impressionnantes qui m’ont guidé pour la suite. » Il admet humblement avoir été ému par ses propres pièces, ce qui a mené à la création de l’album. « Je ne veux pas dire que c’est un accident de parcours, mais j’avais du temps et une envie forte de faire de la musique pour moi. Comme dans beaucoup de projets, si je m’émeus moi-même, c’est que je sais que ça peut émouvoir les autres. »
Caméléon de la composition musicale, il sait s’emboîter dans le projet qu’il agrémente sans se mettre en scène au premier plan. Sa musique joue un rôle secondaire fort et essentiel. Il est celui qui dit beaucoup de choses sans utiliser de mot. « Je suis un bon sujet pour les niaiseries ou pour les drames, complète-t-il. Je fais du sur-mesure. » Et comment sait-on que ce qu’on a fait fonctionne ? « Tout ce que je fais en musique, ce sont des happy accident. Le logiciel avec lequel j’enregistre a une fonction qui fait en sorte que j’enregistre même si je ne voulais pas enregistrer. Je retombe sur des affaires que j’avais oubliées. Une magie finit par s’opérer. »
Le travail sur la série Doute raisonnable devait commencer en juin 2020, mais la pandémie a changé les plans. « C’est l’histoire de la police de Montréal qui crée une escouade concentrée sur les crimes sexuels. C’est extrêmement bien écrit, sombre et intelligent. Il y a une fragilité à saisir à cause des victimes, évidemment. C’est une série qui demande un effort au spectateur et ça me plaît beaucoup », raconte FM. Il s’est d’autant plus mis au service du récit pour éviter à tout prix de sortir le spectateur du propos délicat. « J’ai beaucoup joué avec les textures et j’ai retravaillé des sons, de violons par exemple, pour les mettre deux octaves plus basses et aller chercher un aspect plus triste. J’ai mis de côté tous les instruments plus flamboyants. »
Si les projets télévisuels ont effectivement été mis sur pause ou du moins ralentis par la pandémie, FM Le Sieur reprend rapidement la « vie normale ». « Je vais retravailler avec François Avard pour la première fois depuis Les Bougons. C’est un texte irrévérencieux et intelligent, une réflexion sur la société qui tourne autour d’un prof de cégep qui est tanné et qui décide de vivre à la campagne. » Il se mettra bientôt au travail pour la saison 2 de Doute raisonnable et deux autres projets secrets se dessinent pour le printemps. « J’ai aussi mon concerto de violon qu’il faudrait bien que je lance, dit-il, détaché. Peut-être un album de ça, de violon, si ça me tente. Peut-être pas, si ça ne me tente pas. On verra. » On entendra, surtout.