Même les intenses tempêtes des provinces maritimes ne parviennent pas à décourager Erin Costelo par les temps qui courent. Interviewée entre deux spectacles sur la côte est, l’auteure-compositrice-interprète et réalisatrice établie à Halifax nous raconte : « en traversant le pont depuis l’IPÉ, on pensait que le vent allait carrément balayer notre camion ! Mes lunettes sont parties au vent dans le stationnement. »
« Cela dit, il n’y a pas grand-chose qui pourrait me décourager en ce moment. Je crois que j’ai le meilleur groupe de musiciens au Canada à l’heure actuelle et je suis tellement heureuse de jouer avec eux. Ils ont tous une voix et une personnalité et ils s’assurent tous de bien servir les chansons. »
Les membres de ce groupe sont le batteur de Blue Rodeo, Glenn Milchem, la bassiste Anna Ruddick (Ladies Of the Canyon), le guitariste Clive MacNutt (partenaire musical de longue date et partenaire de vie, également) et le claviériste Leigh Fleming-Smith (Matt Mays).
Ces musiciens sont également ceux que l’on peut entendre sur le cinquième et plus récent album de Costelo, Sweet Marie, enregistré en 10 jours dans une maison en rondins sur le bord de la mer. Sa création a d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire filmé par son amie musicienne Amelia Curran et qui sera diffusé l’an prochain.
Les premières critiques sont enthousiastes et il a été inscrit au Top 5 d’Americana Radio aux États-Unis. « Nous y serons bientôt en tournée, puis en Europe l’an prochain, mais j’aime tellement jouer de la musique que ça ne me paraît pas un fardeau », dit-elle.
Costelo est arrivée tardivement à la performance. « J’ai commencé à faire mes propres albums quand j’avais 30 ans, avant ça je jouais du piano et chantais dans les groupes des autres », explique Costelo. « J’étais attirée par ce qui se passe en coulisses, c’est pour ça que j’aime la réalisation et l’écriture. Mais sur mon dernier album [le primé Down Below, The Status Quo paru en 2016] et celui-ci, j’ai franchi une étape supplémentaire au chapitre de la scène. Je m’y sens vraiment bien et heureuse, maintenant, alors il se peut que vous soyez obligés d’utiliser des outils pour m’en déloger ! »
Le talent de Costelo pour la création et la réalisation de chanson était connu depuis longtemps et il est bien en évidence sur Sweet Marie. Lorsqu’elle aborde le sujet de son processus de création, elle nous explique que « j’écris beaucoup au piano. Je commence harmoniquement, avec des progressions d’accords, puis je chante une mélodie improvisée par-dessus. Les paroles viennent plus tard, et je les édite pendant un bon moment. »
« Ce processus change, toutefois, depuis que j’ai commencé à collaborer plus souvent avec d’autres artistes. Parfois je pense d’abord aux paroles et au résultat final pour ensuite écrire les mélodies et les progressions harmoniques en fonction de ce contenu lyrique. C’est différent et c’est un beau défi. »
Sur Sweet Marie, Costelo se révèle, lyriquement parlant. « On a tendance à filtrer les choses en tant qu’auteurs — “Je ne veux pas être trop politique”, ou “Je ne veux pas être trop personnel, parce que je veux que les gens s’identifient à l’aspect plus général de mon écriture”. Sur ce disque, j’ai laissé tomber ça complètement et j’ai écrit ce que je pensais et ressentais à 100 pourcent. Je crois que lorsqu’on est complètement honnête sur un album, les gens s’y identifient. Ils se retrouvent dans les chansons. »
« On a tendance à filtrer les choses en tant qu’auteurs… Sur ce disque, j’ai laissé tomber ça complètement et j’ai écrit ce que je pensais et ressentais à 100 pourcent. »
« Je voulais être plus vulnérable, vocalement, alors on ne m’entend pas chanter avec ma “grosse voix” tout au long de l’album, il y a des moments de fragilité, et je crois que ç’a bien fonctionné. »
Cette « grosse voix » demeure néanmoins un puissant outil qui lui a permis d’attirer l’attention. Le style musical éclectique de Costelo est difficile à définir et, comme elle le confie, « je me méfie toujours des autodescriptions. Je suis Gémeaux, et ça veut dire que je me lasse d’une chose et j’ai envie d’en essayer une nouvelle. »
De l’autre côté de la console
Le talent de Costelo en studio a fait d’elle une réalisatrice très demandée. C’est elle qui a réalisé l’encensé nouvel album de Kaia Kater, Grenades ainsi qu’un album par Leanne Hoffman qui doit paraître sous peu, et elle aimerait voir plus de femmes s’intéresser à la réalisation. « Sans modèles féminins, les femmes ne se tourneront pas vers la réalisation, c’est donc crucial que les femmes soient le plus visibles possibles dans ces rôles », dit-elle.
« Je ne m’offusque pas si les gens me classent dans un genre qu’ils aiment vraiment. On me qualifie parfois d’artiste jazz. Je ne m’identifie pas à ce genre, mais il m’a influencé, alors ça me va. Même chose avec le soul. Personne ne m’a qualifiée d’artiste hip-hop, mais on ne sait jamais, sur le prochain album peut-être », dit-elle en riant. « Le parapluie “Americana” me convient si tant est qu’il qualifie l’influence de la musique américaine, incluant le gospel, le soul, le folk, le country et le jazz. Ça convient très bien. »
Costelo a récemment collaboré avec l’artiste gospel/soul primé aux Grammys, Mike Farris (et un de ses pairs dans l’écurie de Compass Records, sa maison de disque américaine) ainsi que la chanteuse soul haligonienne, Jessie Brown. « La première fois que j’ai collaboré à l’écriture d’une chanson, c’était avec Stephen Fearing », se souvient-elle. « J’étais intimidée, car il est si expérimenté, mais il a su me mettre à l’aise immédiatement. »
L’une des pièces issues de cette collaboration, « Titanic », figure sur Down Below, The Status Quo, tandis que trois autres se sont retrouvées sur l’album de Fearing paru en 2012 intitulé Between Hurricanes. Une autre collaboration, « Try Try Again », s’est également retrouvée sur l’album South de Blackie and the Rodeo Kings, pour la plus grande joie de Costelo.
« C’est toujours un immense bonheur d’être reconnu par quelqu’un que l’on admire. Tant de choses peuvent vous décourager dans cette industrie, il y aura toujours quelque chose qui paraîtra comme un contretemps. Alors, profitez des moments qui sont comme des victoires, gardez-les précieusement et ne les perdez jamais de vue. Pour l’instant, la trajectoire est ascendante. »