L’été commence bien pour David Murphy. Le 18 juin 2015, il était le troisième lauréat du prix Christopher J. Reed, un prix qui souligne le travail d’un éditeur au sein de sa communauté ainsi que ses capacités à faire rayonner cette profession méconnue.
Les preuves de son implication sont multiples. Membre du conseil d’administration de Musicaction, il a aussi été président du conseil d’administration de l’APEM (Association des Professionnels de l’Édition Musicale) de 2000 à 2014, en plus d’assurer de nombreuses formations pour ses pairs. « Ce qui m’amène à être aussi actif, c’est cette envie que le métier d’éditeur soit connu et reconnu dans l’industrie de la musique. On sous-estime encore ce qu’un éditeur peut apporter dans le développement d’un auteur-compositeur et même, d’un artiste-interprète. Nous sommes des partenaires dans le développement d’une carrière, tout comme les gérants. »
« On sous-estime encore ce qu’un éditeur peut apporter dans le développement d’un auteur-compositeur. »
Murphy débute dans l’univers de la musique en cognant à toutes les portes, passionné de musique ne sachant où se diriger lors de ses études universitaires. Après quelques détours, Murphy travaille à la SODRAC (Société du droit de reproduction des auteurs-compositeurs et éditeurs au Canada) où il acquiert des connaissances en droit d’auteur, et par la suite, aux Disques Musi-Art où il gère l’aspect édition. Il quittera en 1998 pour fonder avec sa femme Mélanie Fuller une entreprise de gestion de droits d’auteur, David Murphy & Cie. Soutien à la création, promotion d’œuvres et administration. Ces trois vecteurs sont aujourd’hui au coeur de son entreprise. Les clients sont nombreux autant du côté des maisons d’édition que pour des artistes tels Richard Séguin, Vincent Vallières, Marie-Pierre Arthur et les incontournables de la composition musicale sur image comme FM Le Sieur, Michel Corriveau et Nicolas Maranda.
Le travail d’un éditeur se joue à tout plein de niveaux. Murphy se rappelle des quelques mots échangés avec Jean Millaire lors du dernier gala de la SOCAN. Millaire le remerciait d’avoir placé une des chansons de Marjo dont il est le compositeur dans une publicité au Chili. « Oui, c’est possible de faire voyager sa musique, et je suis là pour ça. » Ou encore, Murphy pense à tout le travail d’éditeur qui a été nécessaire pour Alexandre Belliard et son spectacle Légende d’un peuple, des chansons marquantes de notre histoire présentées cette année aux Francofolies de Montréal. « Sans le travail d’un éditeur, un spectacle comme ça n’existe pas. Si le métier est méconnu, il reste fondamental au sein de l’industrie. Et ça, plus que jamais. »
Pourquoi? Parce que les enjeux d’aujourd’hui en matière d’édition sont plus grands que jamais. Comme Murphy le souligne, ce n’est pas tant le métier qui a changé que l’environnement actuel avec l’arrivée du numérique. Murphy donne un exemple. « À un niveau juridique, la loi sur les droits d’auteur doit être revue afin d’avoir une visée technologique neutre. Je m’explique. Le régime de copie privée, qui est la redevance payable par les fabricants de supports vierges tels les CDs et DVDs, a été créé en 1996. Il se vendait alors beaucoup de CDs et DVDs et il y avait là des revenus pour les ayants droit. Aujourd’hui, les clés USB, les téléphones cellulaires et les lecteurs MP3 qui ont la même fonction de reproduction que le CD et le DVD vierge ne sont pas visés par le nouveau régime de copie privée. Il y a donc une réduction significative des redevances de copies privées. Ce qui nous oblige à revoir cette loi avec une visée technologique neutre. » L’internet, tout comme les nouvelles plateformes numériques qui transforment les habitudes de consommation de la musique, rend aujourd’hui le travail de l’éditeur d’autant plus pertinent, voire même essentiel pour l’avenir des créateurs.
Et ce n’est qu’un début. Pour David Murphy, ce nouvel environnement numérique soulève des questions fondamentales quant à la pérennité de la culture québécoise, sa présence et son accessibilité sur l’ensemble des nouvelles plateformes numériques. Engagé et prêt à soulever les nouveaux défis du métier, l’homme installé à Magog depuis dix ans embrasse sa situation. Au point tel que l’éditeur ne désire pas tant son agrandissement que le raffinement des relations établies. « Je suis plutôt dans un mode petit train va loin. Je ne cherche pas la croissance, mais plutôt, le travail bien fait. »